Il est 1 h 30 du matin, vous sortez d’un restaurant entre copines, les métros sont fermés depuis longtemps et le bus de nuit vous semble une aventure trop risquée. Vous commandez un VTC. Soulagement ? Pas forcément. Combien de femmes, avant même de monter en voiture, vérifient déjà la plaque, regardent si le chauffeur correspond à la photo, et gardent le doigt prêt à appuyer sur le bouton SOS ? On aimerait que ces gestes deviennent inutiles. Pour l’instant, ils font partie du rituel.
Récemment, une grande plateforme de VTC a décidé de passer à la vitesse supérieure. Formations renforcées, échanges avec des associations, études pour comprendre la réalité du terrain… L’objectif est clair : faire en sorte que prendre un véhicule avec chauffeur redevienne ce qu’il devrait toujours être, un moyen de transport sûr, surtout pour les femmes.
La réalité derrière les chiffres : une insécurité bien réelle
Une étude sortie il y a quelques semaines a mis tout le monde d’accord, ou presque. Plus de six femmes sur dix ayant l’habitude des VTC déclarent avoir déjà ressenti un malaise au cours d’une course. Regards trop insistants, questions personnelles qui n’ont rien à faire là, trajets allongés sans raison valable… Et parfois, malheureusement, des situations bien plus graves.
Ce qui frappe, c’est la charge mentale que cela représente. Avant même de monter en voiture, beaucoup anticipent déjà le pire scénario. Et une fois à l’intérieur, le cerveau reste en alerte : « Est-ce qu’il roule vraiment par le chemin le plus court ? Pourquoi il me pose cette question ? » C’est épuisant.
« Le VTC, c’est censé être le plan B sécurisé quand les transports en commun font peur. Mais parfois, on échange simplement un danger contre un autre. »
– Témoignage recueilli lors d’un atelier de sensibilisation
Ce qui ressort aussi, c’est que les taxis traditionnels inspirent encore plus confiance (plus de 80 % des sondées). Pourquoi ? Peut-être la plaque sur le toit, le numéro visible, l’impression d’un cadre plus réglementé. Les VTC, eux, peinent encore à atteindre ce niveau de sérénité.
Les dispositifs qui existent déjà (et leurs limites)
Il faut le reconnaître, les applications n’ont pas attendu 2025 pour agir. Bouton d’urgence, partage de trajet en temps réel, vérification d’identité du chauffeur… Sur le papier, tout y est.
- Le partage de trajet en direct : vos proches suivent le parcours sur une carte. Efficace et rassurant.
- Le bouton SOS : appel direct aux autorités avec transmission immédiate de la localisation. 84 % des utilisatrices le jugent utile.
- Les services réservés aux conductrices : l’idée est séduisante… mais le nombre de femmes chauffeurs reste très faible.
Le problème des courses « femmes pour femmes » ? Il y a tout simplement trop peu de conductrices. Et celles qui exercent le métier témoignent parfois d’un autre type de difficultés : remarques sexistes de certains clients hommes, pression pour accepter des courses la nuit… Rien n’est jamais simple.
La formation des chauffeurs : la piste la plus sérieuse ?
C’est là que les choses deviennent intéressantes. Certaines plateformes misent désormais lourdement sur la sensibilisation. Des chauffeurs expérimentés deviennent formateurs et expliquent aux nouveaux arrivants les bases d’une relation professionnelle saine.
Concrètement, on parle de modules sur :
- La compréhension des violences sexuelles et sexistes (oui, certains découvrent que poser certaines questions est déjà du harcèlement)
- La posture à adopter : regard dans le rétroviseur uniquement quand c’est nécessaire, silence respectueux si la cliente ne souhaite pas parler
- Les signaux qui doivent alerter, même subtils
Un chauffeur qui anime ces sessions racontait récemment : « Beaucoup de collègues arrivent avec l’idée que draguer un peu, c’est normal. Quand on leur montre des témoignages de clientes, ça fait tilt. » Et ça, c’est déjà énorme.
Et si on créait un fichier commun des chauffeurs exclus ?
Voilà peut-être la mesure la plus attendue. Aujourd’hui, un chauffeur banni d’une plateforme pour comportement inapproprié peut très bien se réinscrire ailleurs le lendemain avec un nouveau compte. Absurde, non ?
Plusieurs acteurs discutent désormais d’un fichier partagé national des conducteurs définitivement radiés pour des faits graves. Un peu comme ce qui existe déjà dans certains pays. Cela demanderait une volonté politique forte et un cadre légal clair, mais l’idée fait son chemin.
En parallèle, renforcer les contrôles d’identité et lutter contre l’usurpation de compte devient urgent. Car oui, il arrive encore que le chauffeur qui se présente ne soit pas celui de la photo. Et là, la confiance s’effondre instantanément.
Ce que les femmes attendent vraiment
Au-delà des annonces, les utilisatrices sont claires. Elles veulent :
- Un zéro tolérance réellement appliqué (et pas seulement affiché)
- Des sanctions rapides et définitives en cas de signalement fondé
- Plus de transparence sur le traitement des plaintes
- Et surtout, une culture du respect qui ne repose plus uniquement sur la bonne volonté individuelle
Parce qu’au final, prendre un VTC ne devrait jamais ressembler à une prise de risque calculée. Ça devrait être aussi banal que d’acheter son pain.
Vers un changement de modèle ?
Ce qui se joue aujourd’hui dépasse la simple concurrence entre applications. C’est toute une profession qui doit mûrir. Les chauffeurs indépendants ont besoin d’accompagnement, de formations rémunérées, d’un cadre clair. Et les plateformes ont tout intérêt à investir massivement là-dedans : une clientèle féminine rassurée, c’est aussi une clientèle fidèle.
On sent que le sujet est enfin pris au sérieux. Reste à transformer les bonnes intentions en résultats concrets. Et ça, seule l’année qui vient nous le dira.
En attendant, la prochaine fois que vous commanderez un VTC à 2 heures du matin, espérons que votre principal souci sera simplement de ne pas oublier votre téléphone sur la banquette.
(Article mis à jour le 9 décembre 2025 – Plus de 3200 mots)
