Vous êtes déjà passé en voiture devant une zone industrielle et vous êtes dit : « Mais qui a bien pu laisser ça là ? » Moi, oui. Des carcasses de semi-remorques éventrées, des pneus qui débordent, des tas d’ordures qui s’accumulent comme si quelqu’un avait décidé d’ouvrir une décharge sauvage en plein milieu de la chaussée. À Coignières, dans les Yvelines, ce n’était plus une impression : c’était la réalité quotidienne depuis presque dix ans.
Le cimetière de camions qui empoisonnait la vie des riverains
Imaginez la scène. Vous arrivez dans la zone d’activité du Marais, vous tournez à gauche et là, bam : une file de poids lourds fantômes. Certains sans roues, d’autres éventrés, tous rouillés jusqu’à l’os. Au fil des mois, ces épaves sont devenues des bennes géantes. Les gens du coin – et ceux de beaucoup moins loin – venaient y balancer leurs vieux matelas, leurs gravats, leurs sacs poubelles. Résultat ? Un dépotoir dans le dépotoir.
Et le pire, ce n’était même pas l’odeur (même si, croyez-moi, en été c’était quelque chose). Non, le vrai problème, c’était la circulation. Ces mastodontes morts empiétaient sur la chaussée, obligeant les camions et voitures à slalomer comme sur un parcours du combattant. Un jour, j’ai failli me faire emboutir par un livreur qui doublait à l’aveugle pour éviter une remorque à moitié couchée sur la route. Franchement, c’était n’importe quoi.
Un dossier qui traînait depuis… 2015
Le plus dingue dans cette histoire ? Tout le monde savait. Les habitants râlaient, les entreprises de la zone pestaient, les élus promettaient… et rien. Ou presque. Des courriers, des mises en demeure, des verbalisations qui restaient sans suite parce que les propriétaires étaient introuvables ou en liquidation judiciaire. Classique.
Pourtant, petit à petit, les choses ont bougé. D’abord discrètement, puis d’un coup, comme si quelqu’un avait enfin appuyé sur le bon bouton. Fin novembre, il restait encore une quinzaine de ces monstres d’acier. Début décembre ? Plus rien. Le bitume est propre, les trottoirs dégagés, on respire.
Comment ils ont réussi l’impossible
Alors, secret de fabrication ? Pas vraiment de baguette magique, plutôt une combinaison de volonté politique, de pression citoyenne et – soyons honnêtes – d’un peu de chance avec les procédures judiciaires.
- Identification renforcée des propriétaires (même quand les sociétés étaient radiées)
- Collaboration étroite entre la mairie, la communauté d’agglomération et les forces de l’ordre
- Mise en place d’une cellule dédiée aux épaves avec un budget fléché
- Utilisation de la procédure d’urgence environnementale pour contourner certaines lenteurs
- Partenariat avec des entreprises spécialisées dans l’enlèvement et le recyclage
Résultat : en quelques semaines, grues et plateaux ont défilé. Chaque camion a été vidé de ses déchets (parfois plusieurs tonnes par véhicule !), dépollué, puis évacué vers des centres agréés. Le coût ? Plusieurs centaines de milliers d’euros. Mais quand on voit le résultat, franchement, ça les vaut.
Pourquoi ça a pris autant de temps ?
La question qui tue. Parce que, soyons clairs : ce n’est pas un cas isolé. Dans plein de zones industrielles d’Île-de-France, on trouve encore ce genre de « cimetières » à ciel ouvert. Le problème, c’est la chaîne de responsabilité. Quand une société de transport fait faillite, qui paie pour enlever ses camions ? Souvent personne. Et tant que personne ne bouge, les épaves restent.
À Coignières, il a fallu attendre qu’un élu prenne le dossier à bras le corps et dise stop. Parfois, c’est aussi simple que ça : il faut quelqu’un qui refuse de lâcher l’affaire.
« On ne pouvait plus accepter cette image désastreuse pour notre territoire. C’était une question de dignité et de sécurité. »
– Un responsable municipal ayant suivi le dossier de près
Et maintenant ? Comment éviter que ça recommence
Parce que oui, le risque zéro n’existe pas. Un camion qui tombe en panne, un transporteur qui disparaît dans la nature, et hop, le cauchemar peut repartir. Mais là, la commune a appris. Désormais :
- Vidéosurveillance renforcée dans la zone
- Rondes plus fréquentes des policiers municipaux
- Signalement en ligne ultra-rapide pour les riverains
- Convention avec les démolisseurs pour intervention sous 48h en cas d’abandon constaté
Et surtout, une vraie prise de conscience collective. Les entreprises de la zone se sont engagées à ne plus fermer les yeux. C’est peut-être ça, le vrai changement : quand tout le monde arrête de se dire « c’est pas mon problème ».
Un exemple à suivre pour les autres communes ?
Clairement. J’ai discuté avec des habitants de zones similaires ailleurs dans les Yvelines, dans le Val-d’Oise ou en Seine-et-Marne, et ils m’ont tous dit la même chose : « Chez nous, c’est pareil, voire pire. » Alors si Coignières a réussi à s’en sortir, pourquoi pas les autres ?
Il suffirait peut-être d’un peu plus de coordination entre les collectivités, d’une législation un poil plus sévère sur les abandons de véhicules professionnels, et surtout d’élus qui arrêtent de repousser le dossier aux calendes grecques.
Parce qu’au final, ces dépôts sauvages, ce n’est pas qu’une question d’esthétique. C’est de la pollution des sols, des risques d’incendie, des nids à rats, et une image désastreuse pour tout un territoire. En 2025, on devrait plus tolérer ça.
Ce que j’ai ressenti en revoyant la zone « propre »
Je suis repassé il y a quelques jours. Franchement, c’est impressionnant. Là où il y avait un chaos de ferraille, il y a maintenant… rien. Juste de la route, des marquages au sol neufs, des entreprises qui respirent. Un gars qui chargeait son utilitaire m’a lancé : « Enfin, on dirait une vraie zone d’activité ! »
C’est con à dire, mais on sent presque la fierté dans l’air. Comme si la commune avait retrouvé sa dignité. Et ça, ça n’a pas de prix.
Alors oui, il a fallu dix ans. Oui, ça a coûté cher. Mais aujourd’hui, Coignières montre qu’on peut gagner contre les dépôts sauvages. Et quelque part, ça redonne un peu espoir.
Et vous, dans votre ville, vous avez des coins comme ça ? Des épaves qui traînent depuis des lustres ? Racontez-moi en commentaire, j’ai envie de savoir si Coignières est une exception… ou le début de quelque chose de plus grand.
