Vous êtes déjà-vous senti invincible sous une barre chargée à bloc ? Ce moment où les veines gonflent, la musique hurle dans les écouteurs et où l’on se dit que, cette fois, on va enfin passer ce palier symbolique. Moi oui. Et puis un jour, une vidéo tourne en boucle sur les réseaux brésiliens et te glace le sang : un homme de 55 ans, seul sur son banc, qui se fait littéralement écraser par 150 kg qui lui retombent sur le sternum. Game over.
C’est arrivé début décembre dans une salle d’Olinda, dans le nord-est du Brésil. L’homme s’appelait Ronald, il était connu comme le loup blanc dans sa ville grâce à son engagement dans le carnaval et les traditionnelles marionnettes géantes. Le genre de type souriant, passionné, qui vivait à 200 % tout ce qu’il entreprenait… y compris la musculation.
Quand le développé couché devient une sentence de mort
Reprenons depuis le début. Ronald arrive à la salle comme d’habitude. Il charge sa barre, fait quelques échauffements, s’installe sur le banc. La caméra de vidéosurveillance est impitoyable : on le voit saisir la barre en prise suicide (sans les pouces autour de la barre), descendre lentement, pousser… et là, plus rien. Les bras fléchissent, la barre échappe, retombe violemment sur sa cage thoracique. Il tente de se redresser, se tord de douleur, finit par s’effondrer. Les secours arrivent trop tard.
Autopsie confirmée : écrasement thoracique massif, fractures multiples des côtes, perforation pulmonaire. Mortel en quelques minutes.
La « prise suicide », cette technique qu’on voit partout sur Instagram
Alors c’est quoi exactement cette prise dite « suicide » ? En gros, tu places tes pouces du même côté que les autres doigts, ce qui empêche la barre de rouler dans la paume si jamais tu perds le contrôle. Sur le papier, ça donne un poignet plus droit et certains prétendent que ça permet de charger plus lourd. En réalité, dès que tu fatigues ou que tu rates une répétition, plus rien ne retient la barre. Elle glisse direct.
« La prise suicide, c’est comme rouler sans ceinture en pensant que ça n’arrive qu’aux autres. Jusqu’au jour où… »
– Un coach expérimenté que j’ai interrogé après le drame
Le pire ? Des milliers de influenceurs fitness continuent de la promouvoir parce que « ça fait plus esthétique » sur les vidéos. Résultat : des gamins de 16 ans l’adoptent sans savoir qu’ils jouent à la roulette russe à chaque série.
Pourquoi personne n’était là pour assurer ?
Dans la vidéo, on voit clairement que Ronald est seul sur son banc. Pas de pareur, pas de coach dans les parages. La salle incriminée, la RW Academia, se défend en disant qu’un employé était présent… mais visiblement pas au bon endroit au bon moment.
Au Brésil comme ailleurs, la législation est claire : les établissements sportifs doivent garantir la sécurité de leurs adhérents. Une enquête est en cours pour déterminer si la salle a failli à son devoir de surveillance. Parce que oui, charger 150 kg sans pareur, c’est déjà risqué. Le faire en prise suicide et sans personne à côté, c’est du suicide organisé.
- Un banc sans rack de sécurité réglé à la bonne hauteur
- Aucun système de spotter automatique (les bras mécaniques)
- Pas de pince de sécurité sur la barre (les « clips »)
- Et surtout, personne pour rattraper la barre en cas de défaillance
Autant de facteurs qui, réunis, transforment une séance anodine en tragédie.
Un phénomène plus fréquent qu’on ne le croit
Vous pensez que c’est un cas isolé ? Détrompez-vous. Rien qu’en 2024-2025, on recense au moins une demi-douzaine d’accidents mortels similaires dans le monde :
- Juin 2024 – Indonésie : un jeune de 22 ans meurt écrasé au bench (vidéo virale)
- Septembre 2024 – Mexique : adolescent de 17 ans, même scénario
- Novembre 2024 – États-Unis : un homme de 43 ans en salle 24/7 sans surveillance
- Décembre 2025 – Brésil : Ronald, 55 ans
Et je ne parle même pas des centaines de blessures graves (côtes fracturées, luxations d’épaule, écrasements de trachée) qui ne font pas la une.
Le culte de la performance à tout prix, les salles low-cost qui réduisent le personnel au minimum, les réseaux sociaux qui valorisent les charges folles… tout concourt à normaliser des pratiques ultra-dangereuses.
Les leçons qu’on devrait tous retenir (mais qu’on oublie trop vite)
Je ne vais pas vous faire la morale à deux balles. On sait tous que l’ego est le pire ennemi du pratiquant. Mais quand même, quelques règles de base qui sauvent des vies :
- Jamais de prise suicide au-dessus de 80-100 kg si tu n’as pas un pareur aguerri
- Toujours demander un pareur (même si tu penses que « ça passe crème »)
- Utiliser les pinces de sécurité sur les bancs qui en sont équipés
- Installer les butées du rack à 5-10 cm sous la position basse de la barre
- Écouter son corps : la fatigue + ego = cocktail explosif
- En salle seule la nuit ? Utiliser les machines ou les haltères
Personnellement, depuis que j’ai vu cette vidéo, j’ai rangé mon ego au placard. Je préfère rajouter une série à 100 kg avec un vrai pareur que tenter le one-rep max en solo pour frimer.
L’hommage émouvant de toute une communauté
Au-delà du drame sportif, c’est tout une ville qui pleure. Ronald présidait le Centre culturel des marionnettes géantes d’Olinda, patrimoine vivant du carnaval. Les messages affluent :
« Il était l’âme de nos géants de papier. Aujourd’hui, notre carnaval est orphelin. »
Preuve que derrière chaque barre chargée, il y a un être humain avec une histoire, des proches, une vie entière. Pas juste un « bro » qui soulève de la fonte.
Et maintenant ?
L’enquête suit son cours. La salle risque une fermeture administrative, des poursuites, et surtout une remise en question générale des normes de sécurité dans les gyms brésiliennes. Peut-être que la mort de Ronald permettra d’éviter d’autres drames. C’est maigre comme consolation, mais c’est déjà ça.
En attendant, la prochaine fois que tu chargeras ta barre, pense à lui. Pense à cette vidéo. Et demande-toi si ces 5 kg de plus valent vraiment le risque de ne plus jamais revoir tes proches.
Parce que dans la muscu, le vrai guerrier, c’est celui qui rentre vivant à la maison.
Repose en paix, Ronald.
