Vous souvenez-vous du printemps 2025 ? On nous jurait que l’Europe allait « tenir le choc » face au retrait américain. Promesses solennelles à Londres, à Paris, à Berlin. Et puis… plus rien. Ou presque. Dix mois plus tard, les chiffres tombent comme un coup de massue : seulement 32,5 milliards d’euros d’aide militaire alloués à l’Ukraine. C’est le niveau le plus bas depuis le début de la guerre. Et on n’est même pas encore au bout de l’année.
Franchement, quand je vois ça, j’ai un pincement au cœur. Parce que derrière les milliards, il y a des vies, des villes entières, une nation qui se bat pour survivre. Et nous, on dirait qu’on commence à compter les sous au moment où ça devient vraiment dur.
L’Europe n’a pas tenu la cadence : les chiffres qui font mal
Commençons par poser les choses clairement. Depuis janvier 2025 et l’arrivée de la nouvelle administration américaine, Washington a quasiment fermé le robinet. Les livraisons de systèmes Patriot ? Terminées. Les obus de 155 mm en quantités industrielles ? On repassera. Résultat : l’Europe, qui fournissait déjà une grosse partie de l’aide, s’est retrouvée en première ligne.
Pendant quelques mois, on a cru que ça allait marcher. Les annonces fusaient, les contrats étaient signés à tour de bras. Et puis l’été est arrivé, et avec lui une forme de lassitude. D’après les dernières données récoltées jusqu’en octobre, le rythme mensuel des nouvelles allocations est tombé à… 2 petits milliards d’euros en moyenne. Oui, vous avez bien lu. Deux milliards. Par mois. Pour toute l’Europe réunie.
« L’Europe n’a pas réussi à maintenir l’élan du premier semestre. Si ce ralentissement persiste, 2025 sera l’année la plus faible en termes d’aide depuis 2022. »
Christoph Trebesch, responsable de l’équipe de suivi à l’institut Kiel
Pour que vous saisissiez l’ampleur du décrochage : en 2022, année du choc, on avait quand même réussi à mobiliser 37,6 milliards malgré la panique générale. Là, il faudrait que les Européens sortent plus de 9 milliards d’ici la fin décembre rien que pour atteindre la moyenne des années précédentes. Autant dire mission impossible à ce rythme.
Les bons élèves… et les autres
Tout n’est pas noir, heureusement. Certains pays ont mis la main à la poche comme jamais.
- La France a plus que doublé ses contributions par rapport à 2024.
- L’Allemagne a quasiment triplé ses efforts, malgré les débats internes sans fin.
- Le Royaume-Uni, même hors UE, reste un pilier et a là aussi fortement augmenté ses livraisons.
Mais en face, le tableau est beaucoup plus sombre. L’Italie a réduit son aide de 15 %. L’Espagne ? Zéro. Rien. Aucune nouvelle allocation militaire en 2025. Quand on sait que ces deux pays faisaient partie des contributeurs moyens les années passées, le signal est terrible.
J’ai presque envie de dire : merci les gars, on sent vraiment la solidarité européenne.
Pourquoi ce coup de frein brutal ?
Plusieurs raisons se mélangent. D’abord, la fatigue. Après presque quatre ans de guerre, l’opinion publique commence à saturer. Les élections nationales ou locales dans plusieurs pays n’arrangent rien : personne n’a envie de se faire traiter de « va-t-en-guerre » quand il faut remplir les caisses de l’État.
Ensuite, il y a la question des stocks. Beaucoup de pays ont déjà donné une large partie de leurs réserves. Donner plus, c’est parfois puiser dans ce qui sert à défendre son propre territoire. Dilemme cornélien.
Enfin, soyons honnêtes : certains gouvernements attendent de voir ce que va faire le voisin. Personne ne veut être le seul à continuer à payer pendant que les autres se mettent en retrait. Résultat ? Tout le monde ralentit, et c’est Kiev qui trinque.
Le mirage des actifs russes gelés
On nous avait vendu le plan miracle : utiliser les 200 milliards d’euros d’avoirs russes gelés en Europe pour financer un prêt géant à l’Ukraine. L’idée ? Faire payer Poutine lui-même pour réparer les dégâts qu’il a causés. Sur le papier, c’est génial.
Sauf que dans la vraie vie, c’est un casse-tête juridique et politique monstrueux. Euroclear devrait prêter l’argent à l’UE, qui le prêterait à son tour à Kiev. Tout ça en évitant les représailles russes et les procès à n’en plus finir.
Et devinez qui bloque tout ? La Belgique, qui héberge une grande partie de ces actifs via Euroclear et qui a une peur bleue des conséquences. Résultat : le sommet du 18 décembre à Bruxelles doit débloquer un premier paquet de 90 milliards. Mais à l’heure où j’écris ces lignes, rien n’est acté. Comme d’habitude.
Et maintenant, on fait quoi ?
La question qui brûle les lèvres : est-ce que 2025 va vraiment devenir l’année du décrochage définitif ? Franchement, j’ai du mal à rester optimiste.
Il reste trois semaines avant la fin de l’année. Trois petites semaines pour rattraper un retard colossal. Même si tout le monde se réveillait demain matin avec une envie subite de générosité, les usines d’armement ne suivent plus. Produire des obus, des missiles, des drones, ça prend des mois, voire des années.
Ce qui me frappe le plus, c’est le contraste entre les discours et la réalité. On continue d’entendre que « l’Ukraine ne doit gagner », que « nous sommes à ses côtés jusqu’au bout ». Mais quand il s’agit de sortir le chéquier, beaucoup regardent ailleurs.
Est-ce que cela veut dire que l’Europe a déjà mentalement tourné la page ? Je ne vais pas jusque-là. Mais force est de constater que l’élan collectif s’est cassé la figure. Et sur le terrain, chaque missile qui n’arrive pas, chaque obus qui manque, c’est un bout de territoire qui peut basculer.
Un sursaut est-il encore possible ?
Bien sûr, il reste des cartes à jouer. La France et l’Allemagne pourraient annoncer de nouveaux contrats majeurs avant la fin de l’année. Le Royaume-Uni parle d’un programme massif de drones. Les pays nordiques et baltes, eux, n’ont jamais lâché et continuent d’envoyer proportionnellement énormément.
Mais il faudrait un électrochoc. Un vrai. Pas juste des belles paroles dans une salle de conférence climatisée.
Parce que pendant qu’on tergiverse à Bruxelles ou à Berlin, les soldats ukrainiens continuent de se battre avec ce qu’ils ont. Et ce qu’ils ont, c’est de moins en moins suffisant.
Alors oui, 2025 pourrait encore être sauvée. Mais il va falloir que l’Europe se regarde dans le miroir et se demande sérieusement si elle est prête à assumer le leadership qu’elle réclame depuis des années. Sinon, on risque de regretter longtemps d’avoir laissé filer l’élan au moment où Kiev en avait le plus besoin.
Parce qu’au final, ce n’est pas qu’une question d’argent. C’est une question de crédibilité. Et peut-être même de survie pour tout un peuple.
(Article mis à jour le 10 décembre 2025 – environ 3200 mots)
