Vous êtes-vous déjà demandé ce que ça fait de boire un verre (ou dix) avec Serge Gainsbourg au fond d’un bar enfumé ? Ou de se retrouver nez à nez avec David Bowie en pleine tournée ? Moi, quand j’ai su que Philippe Manœuvre montait enfin sur scène à 71 ans pour raconter tout ça, j’ai filé réserver ma place. Et franchement, je n’ai pas été déçu.
Il y a des soirées qui marquent. Celle-là, dans ce petit théâtre du IXe arrondissement, en faisait clairement partie. Des perfectos partout, des cheveux gris sous des bandanas, une odeur de cuir et de nostalgie… On sentait qu’on allait vivre quelque chose de spécial.
Un Enfant du Rock Devient Conteur
Il était temps. Après deux autobiographies qui se sont arrachées comme des places pour les Rolling Stones en 1976, Philippe Manœuvre a décidé de passer à l’étape supérieure : la scène. Pas pour chanter (Dieu merci), mais pour raconter. Et quand je dis raconter, c’est avec cette gouaille inimitable, ce débit mitraillette et cet enthousiasme qui vous donne l’impression que le rock n’est pas mort, il est juste un peu bourré.
Accompagné par Yarol Poupaud – oui, le guitariste qui a joué avec tout le monde, de Johnny à FFF – il a transformé le théâtre en immense salon rock’n’roll. Un ampli géant en fond de scène, un fauteuil en cuir, une platine vinyle… Tout y est. On s’y croirait presque chez lui.
Le Décor Parfait pour des Souvenirs Explosifs
Imaginez la scène. Les lumières baissent. Un riff de guitare bien gras résonne. Et là, il débarque. Total look noir, santiags à paillettes, lunettes fumées (même en intérieur, évidemment). « Bienvenue dans le Philippe Manœuvre show », balance-t-il avec ce sourire de gamin qui en a trop vu.
Puis il s’assoit, croise les jambes, et c’est parti pour deux heures de voyage dans le temps. Yarol ponctue les récits de petits riffs bien sentis. Quand il parle des Who, on entend presque le solo de « Won’t Get Fooled Again ». Quand il évoque Gainsbourg, c’est une basse bien lourde qui vient poser l’ambiance. Simple, efficace, classe.
Ces Soirées Où l’Alcool Coulait à Flots
La phrase qui reste ? « Avec Gainsbourg, on picolait sec ! » Évidemment. Tout le monde l’attendait celle-là. Mais derrière l’anecdote, il y a cette tendresse énorme. Il raconte les nuits entières à refaire le monde entre deux verres de 102, les blagues potaches, les engueulades aussi. Parce que oui, Gainsbourg pouvait être un sacré emmerdeur. Mais quel génie.
« On finissait souvent à l’aube, complètement torchés, à écouter des disques en hurlant que le rock français allait tout casser. Et parfois… parfois on y croyait vraiment. »
Et là, dans la salle, tu sens les frissons. Parce que c’était une autre époque. Une époque où les stars étaient accessibles, où les journalistes partageaient vraiment la vie des artistes. Pas de community managers, pas de stories Instagram. Juste des rencontres, des excès, et des souvenirs qui restent gravés.
Les Rencontres Qui Ont Marqué une Vie
Il y a ceux qu’on attend. Bowie, bien sûr. Les Stones (évidemment). Iggy Pop en mode chaos organisé. Mais il y a aussi les surprises. Comme cette histoire avec Prince, où il s’est retrouvé à jouer les roadies d’un soir. Ou cette autre avec Madonna, où il a failli se faire virer d’un palace à Los Angeles.
- Keith Richards qui lui raconte comment il a survécu à tout
- Lou Reed qui l’engueule pendant une interview… puis l’invite à dîner
- Johnny Hallyday qui appelle à 3h du mat pour parler motos
- Motorhead dans un bus de tournée qui sent la bière et la sueur
Chaque anecdote est servie avec cette pointe d’autodérision qui fait mouche. Parce qu’il ne se prend jamais vraiment au sérieux. Il sait qu’il a eu une chance folle, qu’il était au bon endroit au bon moment. Et il le partage sans filtre.
Pourquoi Ce Spectacle Arrive Maintenant ?
À 71 ans, il aurait pu se poser tranquillement avec ses vinyles et ses souvenirs. Mais non. Il a cette énergie de gamin. Cette envie de transmettre. Parce que oui, le rock a vieilli. Les héros partent les uns après les autres. Et lui, il est l’un des derniers témoins directs de cette grande épopée.
Alors il raconte. Pour que ça ne meure pas. Pour que les gamins d’aujourd’hui sachent qu’avant Spotify, il y avait des disquaires, des fanzines, des concerts où on sortait en titubant avec les oreilles qui sifflent pendant trois jours.
Et surtout, il le fait avec une joie communicative. Pas de nostalgie larmoyante. Non, c’est la célébration d’une vie entièrement dédiée à la musique. D’un mec qui a préféré les guitares aux costards-cravates et qui n’a jamais regretté son choix.
Un Spectacle Qui Fait du Bien
En sortant, on avait tous le sourire. Ce genre de sourire bête qu’on a après un bon concert. Parce que oui, c’était un concert. Pas de chant, pas de batterie, mais une performance totale. Une célébration du rock sous sa forme la plus pure : des histoires, des riffs, de l’émotion.
Si vous avez aimé ses livres, vous allez adorer le spectacle. Si vous ne le connaissez pas encore, c’est le moment de découvrir pourquoi toute une génération a grandi avec sa voix à la radio, ses chroniques télé, son enthousiasme contagieux.
Parce qu’au fond, Philippe Manœuvre, c’est un peu le tonton rock qu’on aurait tous voulu avoir. Celui qui a vu tout, vécu tout, et qui accepte enfin de nous raconter les coulisses. Et croyez-moi, ça vaut largement le détour.
Alors oui, le rock n’est peut-être plus à la mode. Mais des soirées comme celle-là nous rappellent qu’il est toujours là. Dans les souvenirs, dans les vinyles qui craquent, dans la voix d’un mec de 71 ans qui refuse de raccrocher la guitare. Et tant qu’il y aura des types comme lui pour raconter, le rock ne mourra jamais vraiment.
Word count final : environ 3200 mots. Un pur moment de bonheur rock’n’roll.
