Vous est-il déjà arrivé de voir un entraîneur tenter un coup de poker tactique… et se prendre les pieds dans le tapis dès le coup d’envoi ? Hier soir à Bruxelles, c’est exactement ce qui s’est passé avec Roberto De Zerbi et son Olympique de Marseille. Une défense à trois inédite, deux latéraux reconvertis en axiaux, un ailier transformé en piston et deux cadres sur le banc. Franchement, sur le papier, ça sentait l’idée de génie ou la catastrophe annoncée. On a eu les deux en quinze minutes chrono.
Quand De Zerbi décide de tout chambouler
On le sait, l’Italien adore surprendre. Depuis son arrivée sur le banc phocéen, il a déjà testé une demi-douzaine de systèmes différents. Mais là, face à l’Union Saint-Gilloise, il a poussé le curseur encore plus loin. Exit la charnière centrale habituelle. Place à une ligne de trois composée de Nayef Aguerd au centre, entouré d’Emerson Palmieri à gauche et d’Amir Murillo à droite. Oui, vous avez bien lu : deux latéraux purs reconvertis en défenseurs centraux. Et sur le côté droit, Igor Paixao, ailier virevoltant, se retrouvait piston. Autant dire que même les supporters les plus fidèles ont dû relire deux fois la composition.
Pourquoi un tel choix ? De Zerbi l’a expliqué après le match, avec cette franchise qu’on lui connaît.
« Pavard avait beaucoup joué ces derniers temps, il avait besoin de souffler. Pour Balerdi, c’était un choix technique : je voulais construire à trois avec deux joueurs capables de sortir haut sur les côtés. Murillo et Emerson ont ces qualités. En phase défensive, je voulais surtout contrôler leur attaquant très rapide. »
Roberto De Zerbi, en conférence de presse
Sur le papier, l’idée n’était pas complètement folle. Murillo et Emerson sont techniques, bons relanceurs et rapides. Mais en pratique…
Cinq minutes et déjà dans le mur
Le temps que les joueurs comprennent où ils devaient se placer, l’Union Saint-Gilloise avait déjà frappé. Anan Khalaili, la pépite israélienne, profite d’un couloir béant côté droit marseillais – celui censé être défendu par Paixao – et centre pour l’ouverture du score dès la 5e minute. Le Brésilien, complètement perdu dans ce rôle hybride, regarde le ballon passer comme s’il découvrait le poste de piston pour la première fois. Ce qui était à peu près le cas.
À ce moment-là, on sent déjà De Zerbi bouillir sur son banc. Les vagues belges continuent de déferler. Le coach italien appelle alors Paixao, lui demande de monter d’un cran, de redevenir ailier. Le joueur lève la main plusieurs fois pour demander des repères. On est à la 15e minute, Greenwood égalise, mais le mal est fait : le système ne fonctionne pas.
17e minute. Changement de système. Retour brutal au 4-2-3-1 habituel. Paixao reprend son poste d’ailier, Emerson redescend latéral gauche. L’OM respire enfin.
Balerdi et Pavard, les grands absents du départ
Ce qui choque le plus, c’est de voir Leonardo Balerdi et Benjamin Pavard commencer sur le banc. Le premier est capitaine quand il joue, le second n’a quasiment raté aucun match important depuis son arrivée. Pourtant, les voilà tous les deux à trottiner gentiment à l’échauffement, à taper des coups francs pour rigoler (Pavard au fond, Balerdi sur la barre, éclat de rire général).
Balerdi, on commence à s’y habituer : un jour titulaire indiscutable, le lendemain remplaçant. C’est devenu presque une blague dans le vestiaire marseillais. Pavard, en revanche, c’est plus surprenant. Le champion du monde 2018 est souvent le plus régulier de la défense. Le voir sur le banc alors que l’équipe prend l’eau dès le début, ça fait mal.
Il faudra attendre la mi-temps pour voir Balerdi entrer. Trop tard pour vraiment peser sur le match, mais assez pour stabiliser un peu l’arrière-garde.
Une fin de match à l’image de la saison : fébrile et chanceuse
Même après le retour au système classique, l’OM ne s’est jamais vraiment rassuré. L’Union Saint-Gilloise a poussé, poussé, poussé. Deux interventions de la VAR ont sauvé les Marseillais d’une remontada belge. Geronimo Rulli a sorti plusieurs parades décisives. On a retrouvé les vieux démons : une équipe capable du meilleur comme du pire dans le même match.
Greenwood a été énorme, Paixao a fini par se retrouver, Rulli a tenu la baraque. Mais cette victoire arrachée 2-1 ressemble plus à un hold-up qu’à une démonstration.
De Zerbi assume, mais jusqu’à quand ?
L’Italien n’a pas fui ses responsabilités après le match. Il a reconnu que l’expérience n’avait pas fonctionné. Mais on sent aussi qu’il ne regrette pas vraiment d’avoir essayé. C’est tout son style : tenter, tester, parfois se planter, mais toujours chercher la solution parfaite.
Le problème, c’est que l’OM n’a plus vraiment le temps pour les expériences. Chaque point compte en Ligue 1, chaque match européen est crucial. Quand on voit l’équipe capable de battre Paris un week-end et de galérer face à une équipe belge le suivant, on se demande si ce côté Dr Jekyll et Mr Hyde ne finit pas par user tout le monde : joueurs, staff, supporters.
- Un effectif riche en défenseurs centraux… mais personne n’est vraiment titulaire indiscutable
- Un coach qui veut imposer sa patte… mais qui doit parfois revenir à des bases plus classiques
- Des joueurs perdus dans des rôles inhabituels… et un collectif qui souffre
Franchement, j’adore le personnage De Zerbi. Il apporte du panache, de l’ambition tactique, une vraie identité de jeu quand ça tourne. Mais parfois, j’ai l’impression qu’il oublie que le football, ce n’est pas que des concepts sur un tableau : ce sont aussi des hommes, avec leurs repères, leurs habitudes, leur besoin de stabilité.
Et maintenant ?
L’OM est toujours en course en Ligue des champions. C’est l’essentiel. Mais cette soirée bruxelloise laisse un goût bizarre. On a gagné, oui. Mais on a surtout échappé au pire. Et quand on voit la fébrilité défensive même après le retour au 4-2-3-1, on se dit que les problèmes sont plus profonds qu’un simple choix tactique.
De Zerbi va-t-il calmer le jeu et stabiliser une défense-type ? Ou va-t-il continuer à tester jusqu’à trouver la formule magique ? Une chose est sûre : les supporters marseillais ont le cœur bien accroché cette saison. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter.
Parce qu’au fond, c’est ça l’OM version De Zerbi : imprévisible, passionnant, épuisant, génial, agaçant… souvent tout à la fois. Et on ne s’en lasse pas vraiment.
