Vous rouliez tranquillement sur l’A13, sans même ralentir devant l’ancien péage, quand votre téléphone vibre. Un SMS : « Monsieur Dupont, votre véhicule Renault CLIO immatriculé AB-123-CD présente un impayé de 6,80 € sur le tronçon Caen-Paris. Réglez avant le 10/12 ou suspension définitive. »
Le cœur fait un bond. On clique presque par réflexe. Et pourtant… c’est du flan, du pur mensonge. Mais un mensonge tellement bien ficelé qu’on a l’impression qu’ils vous connaissent mieux que votre propre assureur.
J’ai moi-même failli me faire avoir il y a quinze jours. Heureusement, j’ai freiné à temps. Depuis, je me suis plongé dans le sujet, et franchement, ce que j’ai découvert est glaçant.
Le smishing nouvelle génération est arrivé sur nos autoroutes
On connaissait les arnaques Ameli, CPF ou Colissimo. Désormais, c’est au tour des sociétés d’autoroutes et des péages en flux libre de servir de couverture aux escrocs. Et le pire, c’est que ces fraudes ne sont plus envoyées au hasard.
Non. Elles sont personnalisées à l’extrême.
Comment ils obtiennent votre plaque et votre numéro de téléphone
Vous vous souvenez de la dernière révision chez votre centre auto ? Ou du contrôle technique l’an dernier ? Chaque fois que vous laissez votre véhicule, vous remplissez une fiche : nom, prénom, téléphone, adresse mail, marque, modèle, immatriculation.
Ces données, stockées dans des bases parfois très mal protégées, finissent régulièrement sur le dark web. Et là, c’est open bar pour les cybercriminels.
« Les fichiers contenant nom + téléphone + plaque d’immatriculation se vendent entre 5 000 et 30 000 euros selon la fraîcheur et le volume. Ensuite, ils circulent gratuitement entre groupes. »
– Expert en menace cyber interviewé récemment
Une fois le pack récupéré, les escrocs utilisent des modèles d’intelligence artificielle pour trier, croiser et générer des messages ultra-ciblés. Résultat : vous recevez un SMS qui semble venir directement de l’exploitant de l’autoroute que vous empruntez tous les jours.
Pourquoi ça marche si bien en ce moment
Plusieurs raisons se cumulent, et elles sont toutes en faveur des arnaqueurs.
- Le déploiement massif des péages en flux libre (A13, A14, A4…) : plus de barrière, plus de ticket, donc plus de doute quand on reçoit un « rappel ».
- Les habitudes : beaucoup d’usagers oublient parfois d’enregistrer leur passage ou pensent que le badge a fonctionné.
- Le sentiment d’urgence : « suspension définitive » ou « majoration immédiate » font paniquer même les plus méfiants.
- La qualité des faux sites : logos officiels, certificat HTTPS, URL qui ressemble à s’y méprendre à la vraie.
Résultat ? Le taux de clic est multiplié par dix par rapport à une arnaque générique.
Ce qui se passe quand vous cliquez
Premier scénario (le plus fréquent) : on vous demande de payer les fameux 2 à 15 € avec votre carte. Vous entrez vos coordonnées bancaires… et hop, volées. Parfois, ils prélèvent vraiment la petite somme pour faire plus vrai, puis tentent des achats plus gros plus tard.
Deuxième scénario : aucun paiement, juste un formulaire à remplir « pour régulariser ». Vous donnez adresse, date de naissance, RIB… et vous venez d’offrir un dossier complet pour une usurpation d’identité.
J’ai vu des victimes se retrouver avec des crédits à la consommation souscrits à leur nom en moins de 48 heures.
Comment savoir si c’est une vraie notification ou une arnaque
Quelques réflexes simples qui sauvent :
- Les organismes officiels n’envoient jamais de lien par SMS pour payer une régularisation. Jamais.
- Le vrai site pour payer un péage oublié se termine toujours par .gouv.fr (Antai) ou par le nom officiel de la société d’autoroute sans caractères bizarres.
- Un numéro surtaxé ou un numéro étranger dans l’expéditeur = arnaque à 99 %.
- En cas de doute, allez directement sur le site officiel en tapant l’adresse vous-même dans le navigateur.
« La précipitation est l’alliée numéro un des escrocs. Prenez trente secondes pour respirer et vérifier. »
Et demain ? Ça va empirera avant de s’améliorer
Avec l’arrivée des voitures connectées, les constructeurs collectent encore plus de données (trajets GPS précis, habitudes horaires…). Si ces bases fuient à leur tour, les arnaques deviendront effrayantes de réalisme.
On peut imaginer demain un SMS du style : « Monsieur Martin, votre Peugeot 3008 grise n’a pas réglé le tronçon Lyon-Valence emprunté hier à 17 h 34. Montant dû : 9,20 €. »
Et là, même les plus paranos cliqueront.
Ce que vous pouvez faire dès aujourd’hui
Voici ma routine personnelle, elle prend deux minutes et m’évite bien des sueurs froides :
- Je bloque systématiquement tout numéro qui m’envoie un lien non sollicité.
- J’utilise un gestionnaire de mots de passe avec alerte de fuite de données.
- Je vérifie régulièrement si mon numéro ou ma plaque apparaissent sur des sites comme Have I Been Pwned ou les outils français équivalents.
- Je prends toujours le temps de chercher « arnaque + le texte exact du SMS » sur Google avant de cliquer.
Et surtout, je parle autour de moi. Parce que si moi, qui passe mes journées dans la cybersécurité, j’ai failli me faire avoir… imaginez vos parents ou vos grands-parents.
La prochaine fois que votre téléphone vibre avec un message urgent de « péage », souriez. Prenez une grande inspiration. Et rappelez-vous : personne ne vous connaît aussi bien que ces escrocs aimeraient le faire croire.
Mais vous, maintenant, vous savez.
