Vous souvenez-vous de l’automne 2015 ? Ce moment précis où le football mondial semblait vaciller sur ses bases, comme un stade pris dans un tremblement de terre. Deux géants tombaient en même temps. L’un s’appelait Sepp Blatter, l’autre Michel Platini. Et dix ans plus tard, l’histoire n’est toujours pas terminée. Loin de là.
Je me rappelle encore la une des journaux. On parlait de corruption, de paiement suspect, de contrat oral. Tout ça pour deux millions de francs suisses. Une somme presque dérisoire quand on connaît les budgets du football moderne. Pourtant, elle a sufflé comme une bombe sur deux carrières hors norme.
La revanche d’un homme blessé
Aujourd’hui, à 70 ans, Michel Platini n’a plus rien à prouver sur un terrain. Triple Ballon d’Or, champion d’Europe avec les Bleus, il fait partie du panthéon. Mais hors des pelouses, la blessure est toujours là. Profonde. Béante même.
Et voilà qu’il décide, enfin, de passer à la contre-attaque.
Fin novembre, ses avocats déposent une plainte avec constitution de partie civile au tribunal judiciaire de Paris. Pour diffamation publique. Les cibles ? Trois anciens hauts dirigeants de la Fifa et un membre d’une institution judiciaire suisse. Des mots prononcés il y a dix ans, dans la tempête médiatique, qui continuent de le hanter.
« Je suis en colère contre ceux qui m’ont fait du mal. Je lutterai contre l’injustice. Maintenant, la contre-attaque va commencer. »
Michel Platini, octobre 2025
Retour sur le séisme de 2015
Remettons les choses en perspective. Nous sommes en 2015. La Fifa est déjà secouée par plusieurs scandales. Blatter, président depuis 1998, brigue un nouveau mandat. Platini, patron de l’UEFA depuis 2007, apparaît comme le favori pour lui succéder. Tout semble écrit.
Puis arrive cette fameuse histoire de paiement. Deux millions de francs suisses versés en 2011 par la Fifa à Platini. Officiellement ? Un rattrapage de salaire pour un travail de conseiller effectué entre 1999 et 2002. Un contrat oral, sans écrit. Naïf ? Peut-être. Corrompu ? C’est ce que beaucoup ont crié très fort.
En septembre 2015, la justice suisse ouvre une procédure contre Blatter pour gestion déloyale. Platini passe rapidement du statut de témoin à celui de suspect. Deux semaines plus tard, le comité d’éthique de la Fifa suspend les deux hommes pour 90 jours. Puis pour huit ans. Le coup est terrible.
- Octobre 2015 : suspension provisoire
- Décembre 2015 : huit ans de bannissement
- Février 2016 : Gianni Infantino, ex-bras droit de Platini à l’UEFA, devient président de la Fifa
Le timing est troublant, non ? Beaucoup y ont vu une manœuvre. Une façon de dégager la route pour un nouveau visage. Infantino, justement.
Dix ans de combat judiciaire
Ce qui a suivi, c’est une longue descente aux enfers judiciaire. Enquêtes, auditions, perquisitions. Platini se bat sur tous les fronts. Il perd son poste à l’UEFA. Il voit sa réputation traînée dans la boue.
Puis arrive le procès en 2022. Relaxé « au bénéfice du doute ». Même chose en appel en 2025. Et enfin, en août 2025, la justice suisse abandonne définitivement les poursuites. Dix ans. Dix longues années pour retrouver un semblant de paix.
Mais le doute, lui, est resté collé à la peau. Ce « bénéfice du doute » qui sonne comme une demi-victoire. Pas une innocence pleine et entière. Juste l’absence de preuves suffisantes. Pour un homme de l’envergure de Platini, c’est insupportable.
Pourquoi maintenant ?
C’est la grande question. Pourquoi attendre 2025 pour attaquer en diffamation ?
La réponse est juridique, avant tout. En droit français, le délai de prescription pour diffamation publique est d’un an… mais il repart à zéro après certains événements. La relaxe définitive de septembre 2025 a ouvert une nouvelle fenêtre. Une dernière chance légale de poursuivre ceux qui, selon lui, l’ont sali sans preuve.
Et puis il y a l’aspect humain. À 70 ans, on n’a plus envie de porter certaines choses. On veut tourner la page. Mais pas à n’importe quel prix. Pas en laissant des mensonges circuler tranquillement.
« Le dépôt de cette plainte pourrait être le début d’une contre-offensive judiciaire plus large. »
Un proche de Michel Platini
Qui sont les personnes visées ?
Officiellement, on ne connaît pas leurs noms. La plainte vise des propos tenus en 2015 et 2016, dans des interviews ou communiqués. Des mots durs. Des accusations à peine voilées. Peut-être même des fuites savamment orchestrées.
Parmi les cibles, trois anciens hauts dirigeants de la Fifa. Des gens qui étaient là à l’époque. Qui ont peut-être vu en Platini une menace. Ou qui ont voulu se protéger en le faisant tomber avec Blatter.
Et puis il y a ce quatrième nom. Un membre d’une institution judiciaire suisse. Là, ça devient encore plus sensible. On touche à la frontière entre la diffamation et le fonctionnement même de la justice.
Les mots qui pèsent lourd
À l’époque, les déclarations pleuvaient. Certains parlaient ouvertement de corruption. D’autres laissaient entendre que Platini avait trahi la confiance. Des phrases balancées dans le feu de l’actualité, sans nuance. Et qui ont fait le tour du monde.
Aujourd’hui, avec le recul et surtout avec la relaxe définitive, ces mots prennent une autre couleur. Ils apparaissent pour ce qu’ils étaient peut-être : des armes dans une guerre de pouvoir.
Et la diffamation, en droit, c’est précisément ça : imputer à quelqu’un des faits précis qui portent atteinte à son honneur, sans pouvoir les prouver.
Le football, ce monde impitoyable
Ce qui frappe dans cette affaire, c’est à quel point le football de haut niveau ressemble parfois à une cour royale. Alliances, trahisons, complots dans l’ombre. On se soutient un jour, on s’enfonce le lendemain.
Platini l’a appris à ses dépens. Lui qui avait été adoubé par Blatter. Qui avait gravi les échelons avec lui. Pour finir suspendu en même temps que son ancien mentor. Ironie du sort.
Et pendant ce temps, d’autres ont pris le pouvoir. Infantino, notamment. Celui qui était son secrétaire général à l’UEFA. Celui qui a profité du vide laissé par son éviction.
Je ne dis pas qu’il y a eu complot organisé. Mais le timing pose question. Beaucoup de questions.
Que peut-il se passer maintenant ?
La plainte est déposée. Un juge d’instruction va être désigné. Les personnes visées seront entendues. Peut-être mises en examen.
On peut imaginer plusieurs scénarios :
- Une condamnation pour diffamation, même symbolique
- Des excuses publiques forcées
- Ou au contraire, une défense acharnée et un nouveau procès médiatisé
Dans tous les cas, cette affaire n’est pas près de s’éteindre. Elle risque même de rouvrir de vieilles plaies. De faire remonter des dossiers qu’on croyait enterrés.
Platini, l’homme derrière la légende
Ce qui est touchant, au fond, c’est de voir à quel point cette affaire a marqué l’homme. On parle souvent du joueur génial, du numéro 10 magique. Moins du dirigeant blessé dans son orgueil.
À 70 ans, il vit plus simplement. Entre Cassis et quelques apparitions publiques. Il parle football avec nostalgie. Regrette l’évolution du jeu. Mais quand on touche à son honneur, il redevient le compétiteur qu’il a toujours été.
Cette plainte, ce n’est pas juste une procédure juridique. C’est un cri. Une façon de dire : j’ai payé assez cher. Maintenant, c’est à votre tour.
Et le football dans tout ça ?
Le plus triste, peut-être, c’est que cette guerre se déroule loin des terrains. Pendant que les avocats s’affrontent, le football continue. Avec ses milliards, ses stars, ses controverses.
Mais cette affaire nous rappelle une chose essentielle : derrière les projecteurs, il y a des hommes. Avec leurs ambitions, leurs rancœurs, leurs blessures.
Et parfois, dix ans plus tard, les comptes se règlent. Pas sur un terrain, mais devant un juge.
Alors oui, Michel Platini est de retour. Pas pour commenter des matchs ou inaugurer des musées. Mais pour se battre. Une dernière fois. Pour son nom. Pour sa vérité.
Et quelque part, on a presque envie de lui dire : vas-y Michel. Règle tes comptes. Le football t’a beaucoup donné. Il t’a aussi beaucoup pris. Il est temps que la balance penche enfin du bon côté.
