Vous êtes déjà ressenti ce pincement au cœur quand votre club préféré perd non pas sur le terrain, mais dans les tribunes ? C’est exactement ce que beaucoup de supporters du Paris FC vivent en ce moment. Une simple rencontre à l’extérieur, un 0-0 sans histoire face au Havre, et pourtant tout a basculé avant même le coup d’envoi. Une bagarre entre les deux principaux groupes ultras du club a tourné à l’affrontement ouvert, avec des images qui font mal : une bâche brûlée, des coups échangés, un parcage visiteur transformé en zone de guerre. Résultat ? Le club a décidé de frapper fort, très fort même. Et samedi, pour la réception de Toulouse, Jean-Bouin risque d’être d’un calme olympien dans les kops.
Quand la passion dérape : retour sur les incidents du Stade Océane
Dimanche 7 décembre. Le Paris FC se déplace au Havre avec l’espoir de ramener des points précieux dans la course au maintien. Mais dans le parcage visiteur, l’ambiance n’a rien de festif. Les deux groupes historiques, le Old Clan (environ 250 membres) et les Ultras Lutetia (près de 950 encartés), qui se regardent en chiens de faïence depuis plusieurs saisons, en viennent aux mains. Coups, insultes, et puis cette scène qui a fait le tour des réseaux : une bâche du Old Clan remise à des membres des Ultras Lutetia… qui la brûlent sans état d’âme.
Franchement, voir une bâche partir en fumée, c’est un symbole fort. Dans la culture ultra, c’est presque pire qu’une gifle. C’est une déclaration de guerre totale. Et le pire, c’est que ça s’est passé sous les yeux de tout le monde, stadier compris. Certains parlent même d’une complicité passive, voire active, de la sécurité. L’enquête interne est toujours en cours, mais une chose est sûre : le club ne pouvait pas laisser passer ça.
« Devant la nature des incidents survenus le dimanche 7 décembre dernier au stade Océane et en accord avec les valeurs et principes du mouvement ultra, le Old Clan annonce officiellement sa mise en sommeil jusqu’à nouvel ordre »
Communiqué officiel du Old Clan, 11 décembre 2025
Le Paris FC tape du poing sur la table… et ça fait mal
Mercredi, les responsables des deux groupes étaient convoqués à Charléty. Ambiance glaciale. Le club, qui avait promis une réaction rapide, n’a pas fait dans la dentelle. Pour les Ultras Lutetia, c’est une sanction collective lourde : interdiction totale de déployer bâches, banderoles, drapeaux sur mâts, et surtout plus d’estrade ni de mégaphone à Jean-Bouin. En clair, ils auront le droit d’être présents, mais en mode fantôme. Pas de chants organisés, pas de tifos, rien. Le silence absolu.
Quant au Old Clan, ils ont pris les devants. Plutôt que d’attendre une sanction encore plus dure, le groupe a annoncé sa mise en sommeil jusqu’à nouvel ordre. Traduction : ils ne viendront plus en parcage, ne prépareront plus d’animations, ne chanteront plus. Un suicide symbolique pour éviter l’humiliation ? Peut-être. Mais ça montre aussi à quel point la fracture est profonde.
- Interdiction de toutes bâches et banderoles pour les Ultras Lutetia
>Pas d’estrade ni de mégaphone autorisé
>Old Clan en mise en sommeil volontaire
>Enquête individuelle en cours (risque d’interdictions de stade à vie pour certains)
Un conflit qui couvait depuis des années
Pour comprendre, il faut remonter un peu. Le Paris FC a toujours eu une particularité : deux groupes ultras majeurs qui ne s’entendent pas. D’un côté l’Old Clan, le plus ancien, créé dans les années 90, plutôt traditionnel, attaché à une certaine idée du supportérisme « à l’ancienne ». De l’autre, les Ultras Lutetia, plus récents, plus nombreux, avec une identité très marquée « Lutetia Parisiorum » et une volonté d’imposer leur style dans le stade.
Entre les deux ? Une guerre froide qui a parfois débordé : vols de matériel, provocations, insultes dans les chants, concurrence sur les tifos… Rien de bien méchant au début. Mais petit à petit, la tension est montée. Et là, au Havre, ça a explosé. J’ai discuté avec plusieurs habitués de Jean-Bouin ces derniers jours, et tout le monde s’accorde à dire que c’était prévisible. Triste, mais prévisible.
Ce qui rend l’histoire encore plus amère, c’est que le Paris FC a justement besoin de ses supporters en ce moment. L’équipe est 14e, pas larguée mais pas tranquille non plus. L’ambiance à Jean-Bouin, même si le stade n’est pas plein tous les week-ends, repose énormément sur ces deux kops. Sans eux, c’est une partie de l’âme du club qui disparaît temporairement.
Samedi contre Toulouse : un stade à huis clos… dans les tribunes ?
Imaginons la scène. Coup d’envoi à 21h05. Les joueurs entrent sur la pelouse, l’arbitre siffle. Et là… rien. Pas de « Paris ! Paris ! On est chez nous ! », pas de tambours, pas de fumis (de toute façon interdits), pas même un « Aux armes ! » timide. Juste le bruit des crampons et quelques applaudissements polis des familles en tribune latérale.
Pour les joueurs, ça va être bizarre. Très bizarre même. Certains, comme Ilan Kebbal ou Nouha Dicko, ont souvent dit que l’ambiance des kops les portait dans les moments difficiles. Là, ils devront se motiver tout seuls. Et pour les supporters lambda ? Beaucoup risquent de se sentir orphelins. Parce que oui, on critique souvent les ultras, leurs excès, leurs demandes parfois extravagantes… mais quand ils ne sont plus là, on se rend compte à quel point ils font vivre le stade.
Et maintenant ? Vers une réconciliation ou une fracture définitive ?
Le club a choisi la manière forte. Est-ce la bonne solution ? À court terme, oui, ça calme le jeu. Mais à long terme ? Plusieurs questions se posent.
- Les Ultras Lutetia vont-ils accepter cette sanction sans broncher ? Ou vont-ils boycotter purement et simplement les matchs à domicile ?
- L’Old Clan va-t-il vraiment rester en sommeil plusieurs mois ? Et surtout, vont-ils revenir un jour ?
- Le Paris FC est-il prêt à perdre une partie de son identité footballistique pour préserver l’ordre ?
Personnellement, je pense que cette crise peut être une opportunité. Le club a une carte à jouer : imposer une charte claire, obliger les groupes à dialoguer (vraiment dialoguer, pas juste se voir en présence du président), et repartir sur des bases saines. D’autres clubs l’ont fait après des drames bien plus graves. Pourquoi pas le Paris FC ?
Après, soyons honnêtes : le mouvement ultra français traverse une période compliquée partout. Entre les interdictions de déplacement, les huis clos partiels, les arrêtés préfectoraux à répétition et maintenant les guerres internes… on se demande parfois si on n’est pas en train d’assister à la fin d’une époque. Espérons que non.
Ce que ça nous dit de plus grand sur le foot français
Cet épisode au Paris FC n’est pas isolé. On l’a vu à Saint-Étienne, à Lens, à Lyon ces dernières années : dès qu’un club a plusieurs groupes dans le même virage, la cohabitation devient compliquée. La concurrence pour l’hégémonie dans le kop remplace parfois la passion pour le maillot. Et quand ça dérape, c’est tout le club qui trinque.
Le vrai défi, c’est de réussir à canaliser cette énergie incroyable que les ultras mettent au service de leur équipe, tout en évitant que ça tourne à la rivalité stérile. Parce que, mine de rien, les ultras restent les derniers à chanter quand le score est de 3-0 contre vous à la 80e. Les derniers à faire 800 km en bus un mardi soir pour un match de coupe. Les derniers à croire, vraiment.
Alors oui, ils ont déconné au Havre. Oui, brûler une bâche, c’est inacceptable. Mais les punir collectivement au point de vider les tribunes de leur âme, est-ce vraiment la solution ? Je ne suis pas sûr. Parfois, je me dis qu’on traite le symptôme sans s’attaquer à la cause. La cause, c’est peut-être aussi un manque de dialogue, une absence de projet commun, et une pression énorme sur des autorités qui pousse les groupes à se crisper encore plus.
Bref. Samedi soir, Jean-Bouin sera étrangement calme. Et quelque part, ça fera mal à tout le monde. Aux joueurs, aux supporters, au club. Espérons juste que cette sanction choc serve de électrochoc. Parce que le Paris FC mérite mieux qu’un stade muet. Et ses ultras, malgré leurs erreurs, méritent mieux qu’un lynchage médiatique et une mise au ban.
Le foot a besoin de passion. Même quand elle déborde parfois.
