Dimanche soir au Moustoir, la scène était presque trop parfaite pour résumer toute l’histoire. Un but encaissé, deux cartons jaunes en cinq minutes, expulsion, et ce regard fixe, impassible, comme si rien ne le touchait vraiment. Ainsley Maitland-Niles sort du terrain sans un geste, sans un mot. On a beau connaître le bonhomme depuis deux ans et demi à Lyon, on reste là, un peu sonné, à se demander : mais qui est vraiment ce gars ?
Le joueur qui peut tout faire… ou presque
Quand il est arrivé libre en juillet 2023, beaucoup voyaient en lui le coup parfait. Un international anglais (cinq sélections quand même), formé à Arsenal, capable de jouer latéral droit, latéral gauche, milieu relayeur, milieu défensif, voire numéro 10 dans certains schémas. À 25 ans à l’époque, il avait déjà plus de 130 matchs de Premier League dans les jambes. Sur le papier, c’était une aubaine.
Deux ans et demi plus tard, le constat est plus nuancé. Vingt matchs toutes compétitions confondues cette saison, quelques éclairs, beaucoup de passages à vide, et cette impression tenace qu’on n’a toujours pas vu le meilleur de lui. Ou alors si, peut-être qu’on a déjà tout vu, et que le meilleur reste… ça.
L’effet coach : quand l’affectif prend le dessus
Ce qui frappe le plus chez Maitland-Niles, c’est à quel point son rendement semble corrélé à sa relation avec l’entraîneur du moment. Sous Pierre Sage l’hiver dernier, il était métamorphosé. On se souvient tous de cette période où il montait haut, combinait avec Cherki, récupérait des ballons au milieu et donnait l’impression d’être enfin libéré.
« Depuis que le coach est arrivé, je me sens heureux de jouer au foot à nouveau, de me lever le matin en me disant “cool, on a entraînement…” »
– Ainsley Maitland-Niles, avril 2024
La phrase est révélatrice. Le garçon a besoin de sentir qu’on croit en lui, qu’on lui parle, qu’on le comprend. Quand la connexion est là, il peut être excellent. Quand elle se brise, il s’éteint. C’est aussi simple et aussi compliqué que ça.
Avec Paulo Fonseca aujourd’hui, le lien n’est clairement pas le même. Le technicien portugais lui demande plus de rigueur défensive, moins de liberté offensive. Résultat ? On voit un Maitland-Niles plus appliqué… mais moins dangereux. Et surtout, beaucoup moins constant.
Un talent brut, mais un mental en dents de scie
Paulo Fonseca l’a dit sans filtre en conférence de presse cette semaine :
« Son problème, c’est que parfois il ne joue pas à son maximum. C’est une question mentale, de caractère, de personnalité. »
Le genre de phrase qui fait mal, mais qui colle parfaitement à l’image qu’on a de lui. Parce que sur le terrain, quand il est dedans, il est impressionnant. Vitesse, technique, lecture du jeu, frappe de loin : tout y est. Mais il lui manque cette petite flamme intérieure qui transforme un bon joueur en grand joueur.
J’ai revu récemment son match contre le PSG la saison dernière. Ce soir-là, il avait été monstrueux sur son côté droit, étouffant les offensives parisiennes et apportant le danger à chaque montée. On s’était tous dit : « Voilà, il a enfin compris. » Trois semaines plus tard, il redevenait transparent. C’est ça, Maitland-Niles. Des sommets, et puis plus rien.
Un rôle qui ne lui convient plus vraiment ?
À Arsenal, il avait ce rôle hybride qui lui allait comme un gant : latéral qui monte, milieu qui redescend, perturbateur dans les lignes adverses. À Lyon, on lui demande surtout d’être solide défensivement, de tenir son couloir, de ne pas prendre de risques inutiles. Forcément, il s’ennuie un peu.
Au milieu, il avait cette relation presque télépathique avec Rayan Cherki. Les deux se trouvaient les yeux fermés, combinaient en une touche, créaient des brèches. Aujourd’hui, Cherki joue plus haut, Tolisso est plus bas, et Maitland-Niles se retrouve isolé sur son flanc. Résultat : il touche moins de ballons, influence moins le jeu, et finit par s’éteindre.
- Il peut dépanner à 5 postes différents
- Il est rapide, technique et intelligent tactiquement
- Mais il manque de leadership et de régularité
- Son langage corporel trahit souvent un manque d’envie
- Son expulsion à Lorient est la parfaite illustration
Et maintenant, quelle solution pour l’OL ?
À six mois de la fin de son contrat, la question va rapidement se poser. L’OL va-t-il prolonger un joueur aussi talentueux mais aussi imprévisible ? Ou va-t-on préférer investir sur un profil plus constant, même moins polyvalent ?
Personnellement, je pense qu’il y a encore une carte à jouer. À 28 ans, il n’est pas fini. Peut-être qu’un retour au milieu, dans un rôle plus libre, pourrait le relancer. Ou alors un coach qui saura toucher la bonne corde sensible, comme Pierre Sage avait su le faire.
Parce que voir un joueur avec un tel potentiel se contenter d’être un simple rouage, c’est quand même un peu frustrant. On a tous en tête ces fulgurances qui nous font dire : « Imagine s’il était constant… »
Le paradoxe d’un joueur trop à l’aise
Ce qui est fou, c’est qu’il n’a presque jamais de grosse concurrence directe. Saël Kumbedi parti, les nouveaux latéraux (Kluivert, Hateboer) ne sont pas encore au niveau pour le déloger. Il sait qu’il jouera, quoi qu’il arrive. Et paradoxalement, cette sécurité semble le desservir.
Quand tout va bien dans sa tête, il est capable de performances de très haut niveau. Quand il traverse une zone de turbulence personnelle ou footballistique, il peut disparaître pendant des semaines. C’est presque comme s’il avait besoin d’un défi permanent pour se transcender.
À Arsenal, il avait vécu la même chose : excellent quand on doutait de lui, moyen dès qu’on lui donnait les clés. À Rome, à West Brom, même constat. Lyon n’est finalement que la dernière étape d’un parcours fait récurrent.
Vers une fin de cycle à Lyon ?
En interne, on murmure que l’état-major commence à douter. Pas sur son talent, mais sur sa capacité à devenir un cadre fiable dans un projet ambitieux. Avec l’arrivée de nouveaux investisseurs et un probable renforcement l’été prochain, la place risque de devenir plus chère.
Et puis il y a cette image qu’il renvoie. Ce calme presque inquiétant, cette absence de réaction après une expulsion ou une contre-performance. Certains supporters adorent sa sérénité, d’autres y voient de l’indifférence. Difficile de trancher.
Ce qui est sûr, c’est qu’Ainsley Maitland-Niles reste aujourd’hui le joueur le plus intrigant de l’effectif lyonnais. Celui dont on ne sait jamais à quoi s’attendre. Celui qui peut changer un match à lui tout seul… ou passer complètement à côté.
En attendant, on continue d’espérer ce déclic définitif. Celui qui transformerait l’énigme en certitude. Celui qui ferait de lui, enfin, le joueur qu’on a tous entrevu par intermittence. Parce que franchement, ce serait dommage de passer à côté.
Après tout, dans une équipe lyonnaise qui manque parfois de talent pur, un joueur capable de tout faire reste une denrée rare. Même s’il ne le fait pas tout le temps.
