Imaginez : vous venez de réaliser le plus gros exploit de votre jeune carrière, un podium sur le Tour de France à 25 ans et, du jour au lendemain, votre équipe recrute celui que tout le monde présente comme le futur patron du peloton. La plupart des coureurs auraient vu rouge. Florian Lipowitz, lui, a vu… une opportunité. Et c’est peut-être ça, la vraie marque des grands.
Quand le Maillot Blanc choisit de rester dans l’ombre… lumineuse de Red Bull
Mercredi, à Majorque, ciel d’un bleu presque insolent, présentation de l’équipe Red Bull-Bora-Hansgrohe. Ralph Denk, le manager, ne cache pas sa satisfaction. Il vient d’annoncer la prolongation de Florian Lipowitz pour plusieurs saisons. Dans le milieu, certains parlaient déjà d’un départ quasi inévitable. Ineos, UAE, Visma… tout le monde avait sorti le chéquier. Mais non. L’Allemand a dit oui à l’équipe qui l’a révélé.
Et le plus fou ? Il l’a fait après l’officialisation de la venue de Remco Evenepoel. Là où d’autres auraient senti la menace, lui n’a vu « aucun potentiel conflit ». Les mots sont forts. Et ils en disent long sur la maturité de ce gamin qui, rappelons-le, était encore biathlète il y a six ans.
Un état d’esprit d’équipe avant tout
Quand on lui demande pourquoi il n’a pas été tenté par un rôle de leader unique ailleurs, Lipowitz répond avec une simplicité désarmante :
« J’ai commencé ma carrière ici, j’ai progressé chaque année. On travaille super bien ensemble. Je suis content que le chemin continue.
Pas de phrase toute faite. Pas de discours marketing. Juste la reconnaissance d’un environnement qui lui convient. Et puis, il y a cette phrase qui résume tout :
J’ai plutôt l’esprit d’équipe. Je pense qu’on peut très bien courir ensemble. J’ai même hâte.
Dans un monde où l’ego est souvent roi, entendre ça, ça fait du bien.
Deux profils qui se complètent plus qu’ils ne s’opposent
Beaucoup imaginent déjà une guerre des chefs sur le prochain Tour de France. Lipowitz, lui, voit les choses autrement. Et franchement, quand on regarde leurs profils, on se dit qu’il n’a pas tort.
- Evenepoel : puncher explosif, roi des classiques ardennaises et flandriennes, excellent contre-la-montre.
- Lipowitz : grimpeur pur, diesel sur les longues ascensions, moins à l’aise sur les courses d’un jour.
Résultat ? Sur un grand tour, ils peuvent se partager les tâches. Remco prend les étapes vallonnées et les premiers jours, Florian gère les gros cols en troisième semaine quand les jambes commencent à piquer. Un peu comme Pogacar et Almeida chez UAE, mais en version germanophone/belge.
D’ailleurs, Lipowitz le dit lui-même :
On est assez différents. Il est punchy, moi j’aime les longues montées. On peut se compléter.
C’est presque trop beau pour être vrai. Mais quand on voit comment Primoz Roglic et lui ont cohabité cette année (Roglic leader officiel, Lipowitz qui termine 3e quand même…), on se dit que l’équipe sait gérer les ego.
Le poids des projecteurs : un apprentissage forcé
Ce qui m’a marqué dans ses déclarations, c’est sa franchise sur la gestion de la notoriété. Après le Tour, il avoue avoir eu du mal à « revenir à une vie normale ». Fatigue mentale, pression médiatique… il a coupé sa saison plus tôt que prévu.
Il dit même, avec un petit sourire gêné :
Je ne suis pas très à l’aise avec les médias, donc je suis content qu’on puisse refaire comme avec Primoz : je me concentre sur moi.
En gros : merci Remco de prendre les micros, moi je pédale. C’est malin. Et ça montre une vraie intelligence de carrière.
Un programme 2026 qui sent bon la préparation méticuleuse
Petit point calendrier, parce que ça en dit long sur la stratégie d’équipe :
- Reprise commune avec Evenepoel au Challenge Mallorca (chrono par équipes le 29 janvier).
- Tour de Catalogne ensemble fin mars.
- Tour de Romandie en solo pour Lipowitz (Evenepoel fera autre chose).
- Tour de France : objectif podium partagé.
- Eventuel Championnat du Monde à Montréal en septembre, si la forme est là.
On sent une vraie volonté de construire quelque chose sur la durée. Pas de précipitation. Pas de « tout sur le Tour ». Juste une progression logique.
Et les classiques dans tout ça ?
Lipowitz l’admet sans détour : les courses d’un jour, ce n’est pas encore son truc. « J’ai toujours eu du mal à faire un pic de forme sur une seule journée. » Pour l’instant, il reste focalisé sur les courses par étapes. Mais il laisse une petite porte ouverte pour… 2027 ou plus tard.
Franchement ? Tant mieux. On a déjà vu trop de grimpeurs se brûler les ailes en voulant tout faire trop vite (coucou certains Français ces dernières années…). Lui prend son temps. Et ça paye.
Pourquoi cette décision est plus intelligente qu’elle n’y paraît
Beaucoup de suiveurs pensaient que Lipowitz allait chercher un rôle de leader absolu ailleurs. Personnellement, je trouve qu’il a fait le choix le plus malin.
Rester dans une structure qui le connaît par cœur, avec un budget désormais énorme grâce à Red Bull, un staff allemand (important pour lui), et un co-leader qui attire tous les projecteurs… c’est presque le scénario parfait pour progresser tranquillement vers un futur rôle de patron.
Parce que oui, dans trois ou quatre ans, quand Evenepoel aura peut-être gagné son Tour (ou pas), Lipowitz sera encore jeune (28-29 ans) et aura accumulé une expérience folle en deuxième leader protégé. Le piège aurait été de partir dans une équipe moyenne pour être « le » leader dès 2026 et se cramer sous la pression.
Là, il joue la carte de la patience. Et dans le cyclisme moderne, la patience, ça paye souvent très cher.
Conclusion : un duo qui peut faire très mal
En résumé, Florian Lipowitz n’a pas prolongé par défaut. Il a prolongé parce qu’il croit au projet. Parce qu’il se sent bien. Et parce qu’il pense, à raison, que deux têtes valent parfois mieux qu’une.
Le Tour de France 2026 s’annonce passionnant. D’un côté Pogacar et Vingegaard qui vont encore se tirer la bourre. De l’autre, un duo Evenepoel-Lipowitz qui, s’il fonctionne, pourrait bien créer la surprise.
Et quelque part, c’est rafraîchissant de voir un jeune talent choisir la complémentarité plutôt que la guerre des ego. Dans un peloton parfois trop individualiste, ça fait du bien.
Alors, rendez-vous en juillet pour voir si cette association va marcher. Moi, j’ai comme un pressentiment que oui.
