Imaginez la scène : vous mon dernier trajet Eurostar, il y a quelques semaines. Je m’installe tranquillement, j’ouvre mon sac, et là, panique à bord. Le type d’à côté sort un énorme sandwich au rosbif acheté à la gare Saint-Pancras… à l’aller. Moi, je regarde mon petit baguette jambon-beurre acheté à Lille-Europe et je me dis « c’est bon, on est entre Européens ». Erreur. Depuis avril 2025, ce sandwich est devenu un objet aussi suspect qu’une bouteille d’eau de plus de 100 ml en cabine.
Pourquoi la Grande-Bretagne a déclaré la guerre au jambon-beurre
Non, ce n’est pas une lubie anti-française (même si on pourrait en avoir l’air). La raison est bien plus sérieuse : la fièvre aphteuse. Cette maladie virale hyper contagieuse touche les animaux à sabots fendus (vaches, moutons, chèvres, porcs) et peut décimer un cheptel en quelques semaines. Le Royaume-Uni, qui n’a plus connu de cas depuis 2007, a décidé de fermer hermétiquement la porte après la réapparition de la maladie en Europe en janvier 2025.
Et quand je dis hermétiquement, c’est littéral. Même un yaourt dans votre sac à main, même un Kinder Bueno (oui, il contient du lait), même le fromage rapporté pour belle-maman : tout passe à la poubelle ou vous passez à la caisse… 5 000 livres sterling maximum, soit presque 6 000 euros. Autant dire que ça calme.
Qu’est-ce qui est vraiment interdit ? La liste complète (et surprenante)
Pour éviter les mauvaises surprises, voici ce qui est désormais strictement interdit d’importer au Royaume-Uni depuis l’UE, même en quantité personnelle :
- Toute viande (bœuf, porc, agneau, volaille, gibier) – fraîche, congelée, séchée, en conserve ou dans un sandwich
- Tous les produits laitiers (lait, fromage, beurre, yaourt, crème, même en poudre)
- Les charcuteries, saucissons, pâtés
- Les plats préparés contenant de la viande ou du lait (lasagnes, quiches, pizzas, etc.)
- Les produits achetés en duty-free dans l’UE (oui, même le Toblerone au lait !)
Ce qui passe encore (et c’est une maigre consolation) :
- Le chocolat pur (sans garniture laitière)
- Les confis, gâteaux, biscuits sans beurre ni crème
- Les fruits et légumes (sauf pommes de terre)
- Le miel, les confitures
- Les pâtes, le riz, les conserves végétales
Les exceptions qui sauvent (un peu) les familles
Heureusement, tout n’est pas perdu pour les parents. Il existe des dérogations très précises :
- Lait infantile et aliments pour bébés : jusqu’à 2 kg par enfant, dans l’emballage d’origine
- Aliments médicaux spécifiques (sur présentation d’ordonnance ou certificat médical) : jusqu’à 2 kg
- Produits stérilisés sous pression (type conserves longue conservation) : autorisés si étiquetés
J’ai vu une maman se faire confisquer ses petits-suisses à Saint-Pancras parce qu’ils n’étaient pas dans leur emballage scellé d’origine. Le douanier était désolé, mais inflexible. Moralité : gardez les emballages !
Comment ça se passe concrètement à la frontière ?
Que vous arriviez en Eurostar, en avion, en ferry ou même en voiture via le tunnel, le principe est le même : vous devez déclarer tout produit d’origine animale. Des panneaux partout, des annonces sonores, et surtout des poubelles spéciales « Food amnesty bins » où déposer vos denrées interdites.
« Mieux vaut jeter son sandwich que payer 1 000 £ d’amende sur place », m’a confié un contrôleur Eurostar. Et il sait de quoi il parle.
En pratique, les contrôles sont aléatoires mais renforcés. Les chiens renifleurs sont de sortie, et les agents n’hésitent pas à ouvrir les sacs. J’ai personnellement vu un touriste espagnol se faire verbaliser pour un chorizo oublié au fond de son sac à dos. 500 £ sur place. Cashless, bien sûr.
Et le Brexit dans tout ça ?
Beaucoup pensent que c’est une mesure « punition post-Brexit ». En réalité, le Royaume-Uni appliquait déjà des règles strictes avant 2021, mais l’UE bénéficiait d’une dérogation collective. Depuis la sortie définitive, chaque voyageur est considéré comme venant d’un « pays tiers ». Les mêmes règles s’appliquent aux Américains ou aux Japonais depuis toujours.
La fièvre aphteuse de 2025 a simplement été le déclencheur qui a fait tomber la dernière tolérance. Résultat : même un Parisien avec son croissant au jambon est traité comme un Australien avec son steak de kangourou.
Mes conseils de voyageur aguerri pour éviter le drame
Après plusieurs allers-retours cette année, voici ma routine anti-confiscation :
- Je mange mon sandwich avant le contrôle (côté français ou belge)
- Je prends des encas vegans ou biscuits secs dans mon sac
- Je garde toujours une barre de chocolat noir (sans lait) pour les fringales
- Je commande à emporter une fois arrivé à Londres (Deliveroo sauve des vies)
- Je préviens toujours mes proches : « Non mamie, pas de saucisson sec dans la valise ! »
Et franchement, on s’y fait. On découvre même des alternatives sympas : les Pret A Manger britanniques font d’excellents sandwichs vegans, et les scones compensent largement l’absence de camembert.
Vers un assouplissement un jour ?
Pour l’instant, rien n’est prévu. Tant que la fièvre aphteuse circule en Europe (et elle est tenace), le Royaume-Uni maintient le bouclier sanitaire. Certains experts estiment que les règles pourraient être revues zone par zone si l’UE redevient officiellement indemne, mais on en est loin.
En attendant, le sandwich jambon-beurre reste le grand perdant du Brexit sanitaire. Triste sort pour l’un des symboles de la gastronomie française…
Alors la prochaine fois que vous prendrez l’Eurostar, souvenez-vous : mangez français avant le départ, mangez british une fois arrivé. Votre portefeuille (et les douaniers) vous diront merci.
Bon voyage… et bon appétit (au bon moment) !
