Imaginez : vous vivez en France depuis huit ans, vous travaillez, vous payez vos impôts, vous avez une famille, une maison. Et pourtant, tous les quatre ou dix ans, vous devez bloquer trois jours pour obtenir un rendez-vous en ligne qui disparaît en dix secondes, puis attendre six, huit, parfois douze mois que votre dossier soit examiné. Pendant ce temps ? Vous n’avez plus de droits : impossible de changer d’emploi, de louer un appartement, parfois même de toucher vos allocations maladie. Vous êtes, techniquement, en train de redevenir un sans-papiers… alors que votre demande sera acceptée à plus de 99 %. C’est cette absurdité que l’Assemblée nationale a décidé, hier soir, de faire exploser.
Un vote surprise qui a fait trembler l’hémicycle
Jeudi soir, lors de la fameuse « niche » parlementaire socialiste – cette journée où un groupe d’opposition choisit les textes débattus –, une proposition apparemment technique a mis le feu aux poudres. Objectif ? Instaurer le renouvellement automatique des cartes de séjour pluriannuelles (jusqu’à quatre ans) et des cartes de résident (dix ans). En clair : si vous remplissiez les conditions lors de la délivrance initiale, votre titre est prolongé sans nouvelle démarche… sauf si l’administration prouve, motifs sérieux à l’appui, qu’il faut vous le refuser.
Le texte est passé avec 98 voix pour et seulement 37 contre. Pourquoi si peu d’opposition ? Tout simplement parce que la majorité et l’extrême droite étaient à peine présentes. La gauche, elle, s’est soudée comme rarement. Résultat : une mesure qui aurait été impensable il y a encore quelques mois vient de francher la première étape parlementaire.
« Nous réussissons l’exploit d’emboliser un système pour moins de 1 % des dossiers »
– La porte-parole du texte, visiblement très remontée
Des préfectures au bord de l’implosion
Pour comprendre l’urgence, il faut avoir vu les files d’attente à l’aube devant certaines préfectures ou avoir tenté, comme des milliers de personnes, de prendre rendez-vous sur les plateformes en ligne. À Paris, en Seine-Saint-Denis ou dans les grandes métropoles, c’est la loterie. Les créneaux partent en quelques minutes, quand ils ne buggent pas carrément.
Pendant ce temps-là, les agents sont débordés. Entre les premières demandes, les changements de statut, les naturalisations et les renouvellements, le système est saturé. Et qui trinque ? Des gens qui, dans l’immense majorité des cas, ont déjà fait leurs preuves depuis des années.
- Perte d’emploi parce que l’employeur ne peut pas attendre huit mois de papier valide
- Refus de bail par les propriétaires qui exigent un titre en cours de validité
- Suspension des droits à la sécurité sociale
- Impossibilité de voyager, même pour un enterrement familial
C’est cette spirale de précarité que les socialistes ont voulu casser. Et franchement, quand on voit les chiffres – plus de 99 % d’acceptation –, on se dit qu’ils n’ont pas complètement tort.
Le gouvernement crie au « risque constitutionnel »
Évidemment, tout le monde n’a pas applaudi. Du côté du ministère de l’Intérieur, on a sorti l’artillerie lourde : « automaticité sans examen individuel », « risque juridique », « danger pour l’ordre public ».
Le scénario cauchemar brandi ? Une personne condamnée pour des faits graves, ou pratiquant la polygamie, qui verrait son titre renouvelé parce que l’information n’aurait pas « remonté » à temps dans les fichiers. Un cas extrême, certes, mais qui a suffi à faire bondir certains députés de droite et d’extrême droite.
« Vous êtes simplement racistes »
– La réplique cinglante qui a fait tousser l’hémicycle
Ambiance. On a rarement vu un débat aussi électrique sur un sujet présenté comme « technique ». Preuve que l’immigration reste, quoi qu’on en dise, un des sujets les plus clivants de la politique française.
Et maintenant ? Le parcours du combattant continue
Attention, rien n’est gagné. Le texte a beau avoir été adopté en première lecture, il doit maintenant passer au Sénat. Et là, la majorité de droite ne va pas se gêner pour le bloquer ou le vider de sa substance. Sans parler d’un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel si jamais il arrivait jusqu’au bout.
Mais même si cette proposition devait mourir en route, elle a déjà gagné une bataille : remettre au centre du débat une réalité que tout le monde constate sans oser la nommer. Oui, l’administration fabrique parfois plus de précarité qu’elle n’en résout.
Ce que ça change concrètement (si ça passe)
- Fin des prises de rendez-vous infernales pour des millions de personnes
- Maintien continu des droits (travail, logement, santé)
- Désengorgement massif des services préfectoraux qui pourront se concentrer sur les premières demandes et les cas problématiques
- Possibilité pour l’administration de retirer quand même le titre en cas de menace grave à l’ordre public (le texte le prévoit explicitement)
On est loin d’une « régularisation massive » comme certains essayent déjà de le faire croire. On parle simplement de fluidifier un processus qui concerne des personnes déjà intégrées, souvent depuis plus de dix ans.
Un sujet qui dépasse les étiquettes politiques
Ce qui m’a le plus marqué dans ce débat, c’est à quel point le sujet met tout le monde mal à l’aise. À gauche, on accuse la droite de manquer d’humanité. À droite, on accuse la gauche d’irresponsabilité. Et pendant ce temps, des milliers de familles vivent dans l’angoisse tous les quatre ou dix ans.
Personnellement, je trouve qu’on perd un temps fou à s’étriper sur des principes alors qu’une solution pragmatique est sous nos yeux depuis des années. Plus de 99 % d’acceptation, je le répète. À un moment, il faut savoir faire confiance… ou au moins arrêter de punir ceux qui respectent les règles.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà accompagné quelqu’un dans ces démarches interminables ? Ou estimez-vous au contraire qu’aucun renouvellement ne devrait être automatique ? Le débat est ouvert, et il est loin d’être terminé.
En attendant, une chose est sûre : hier soir, l’Assemblée a envoyé un signal fort. Reste à savoir si le reste de la classe politique saura entendre la détresse de ceux qui, chaque jour, font tourner ce pays sans toujours avoir les papiers qui vont avec.
