Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait pousser un patron qui a bâti son entreprise en France à tout lâcher du jour au lendemain ? Pas pour un caprice, non. Mais parce qu’il sent que rester, c’est signer l’arrêt de mort de son rêve. Ces derniers mois, j’ai croisé plusieurs de ces entrepreneurs. Et franchement, leurs histoires m’ont secoué.
Quand rester devient plus risqué que partir
Il y a cette phrase qui revient sans cesse : « C’était partir ou mourir. » Pas une exagération dramatique de série Netflix. Une réalité brute pour des dizaines, peut-être des centaines de dirigeants de TPE et PME. Ils n’ont pas fui par envie de bronzer idiot. Ils ont fui parce que le cocktail français – charges, paperasse, instabilité – était en train de les asphyxier.
Et le pire ? Beaucoup l’ont fait à contrecœur. Ils aiment la France. Ils y ont grandi, étudié, parfois hérité de l’entreprise familiale. Mais à un moment, le calcul devient implacable : rester, c’est condamner l’entreprise (et souvent la famille qui va avec).
Les trois coups de massue qui font basculer la décision
Quand on creuse, trois éléments reviennent systématiquement.
- Le poids écrasant des charges sociales – souvent plus de 50 % de la masse salariale brute.
- Une La bureaucratie qui vole des heures entières chaque semaine.
- L’instabilité fiscale et politique qui rend impossible toute visibilité à moyen terme.
Un dirigeant d’une PME de 25 personnes m’a confié : « J’ai passé plus de temps à remplir des formulaires qu’à vendre mes produits l’an dernier. À la fin, tu te demandes pourquoi tu te bats. »
« Je gagnais correctement ma vie en France. Mais après impôts et charges, il ne restait plus rien pour investir. Aujourd’hui, dans mon nouveau pays, je mets 40 % de mon chiffre d’affaires en R&D. En France, c’était 8 %. »
Un entrepreneur installé au Portugal depuis 18 mois
Les destinations qui font rêver (et qui marchent vraiment)
On entend souvent parler de Dubaï ou de la Suisse. Mais en réalité, les destinations les plus plébiscitées sont plus accessibles.
- Portugal – NHR (statut fiscal avantageux pendant 10 ans), coût de la vie raisonnable, qualité de vie exceptionnelle.
- Espagne – Surtout l’Andalousie et Valence : soleil, proximité, et fiscalité bien plus douce pour les entrepreneurs.
- Italie – Régime forfaitaire à 100 000 € d’impôt par an pour les très hauts revenus, ou 7 % en Calabre/Sicile.
- Dubaï – 0 % d’impôt sur le revenu et les sociétés, mais attention au coût de la vie.
- Maltez, Bulgarie, Chypre… La liste s’allonge.
Ce qui est frappant, c’est que beaucoup ne choisissent pas le « moins cher » mais le plus simple ». Un patron m’expliquait : « Je voulais un pays où on me considère comme un créateur de richesse, pas comme une vache à lait. »
La vie après l’exil : ce qu’ils en disent vraiment
Six mois, un an, parfois deux après le départ, le ton est unanime : ils respirent.
Un chef d’entreprise dans le numérique, désormais à Lisbonne :
« Le premier mois, j’étais en stress post-traumatique. Je me réveillais la nuit en pensant que j’avais oublié une déclaration Urssaf. Et puis… plus rien. Juste le bruit des vagues et des clients qui payent en temps et en heure. »
Une autre, dans l’événementiel, installée à Malaga :
« Ici, quand je veux embaucher, je le fais en deux jours. En France, c’était deux mois de stress et 40 pages de contrat. Aujourd’hui, mon entreprise a doublé de taille en 14 mois. »
Ils parlent tous de pouvoir d’achat boosté, mais surtout de temps. Du temps pour penser stratégie. Du temps pour vivre, aussi.
Et ceux qui restent ?
Évidemment, tout le monde ne part pas. Certains s’accrochent, par conviction, par attachement, ou parce qu’ils n’ont pas les moyens de tout recommencer.
Mais même parmi ceux-là, le discours a changé. « Je prépare ma sortie dans cinq ans », « J’ai ouvert une structure à l’étranger en parallèle », « Ma fille fera ses études à l’étranger, c’est sûr »…
L’exil n’est plus un tabou. Il devient une option sérieuse, presque banale dans certaines conversations entre patrons.
Ce que ça dit de la France, au fond
Le plus douloureux dans tout ça ? Ces entrepreneurs ne partent pas contre la France. Ils partent parce qu’ils n’ont plus l’impression qu’on veut d’eux.
Quand un État traite ses créateurs d’emploi comme des suspects fiscaux, quand chaque nouvelle loi semble conçue pour compliquer la vie plutôt que la simplifier… À un moment, la corde lâche.
Et le drame, c’est que ceux qui partent sont souvent les plus dynamiques. Ceux qui embauchaient, innovaient, formaient. Leur départ n’est pas qu’une perte fiscale. C’est une perte d’énergie, d’ambition, de futur.
« Je paie toujours mes impôts en France sur mes revenus français. Mais le jour où tout sera délocalisé, l’État aura perdu bien plus que mes cotisations : il aura perdu l’entreprise entière. »
Un industriel qui a déplacé son siège aux Pays-Bas
Alors, partir ou se battre ?
Il n’y a pas de réponse universelle. Certains choisiront de rester et de militer pour un changement. D’autres estimeront qu’ils ont déjà assez donné.
Mais une chose est sûre : tant que le signal envoyé aux entrepreneurs restera « vous êtes riches, donc coupables », les valises continueront de se faire.
Et un jour, peut-être, on se réveillera avec des quartiers d’affaires déserts et des usines relocalisées à 2 000 km. Ce jour-là, on regrettera peut-être de ne pas avoir écouté ceux qui disaient simplement : « Laissez-nous travailler. »
Parce qu’en attendant, eux, ils ont choisi de vivre. Et de faire vivre leurs entreprises. Ailleurs.
(Article rédigé à partir de nombreux témoignages anonymisés d’entrepreneurs ayant quitté ou en cours de départ de France en 2024-2025)
