Imaginez-vous devant une omelette toute simple, moelleuse à souhait, et qu’on vous propose de la recouvrir, sans limite, de lamelles de truffe noire fraîche. Pas une micro-dose pour faire joli : des vraies généreuses rasades, jusqu’à ce que l’assiette déborde presque. C’est exactement ce qui se passe depuis aujourd’hui dans un restaurant occitan devenu complètement fou.
Je ne vais pas tourner autour du pot : j’ai eu la chance d’être invité à la toute dernière répétition générale, quelques semaines avant le lancement officiel. Et franchement, j’en suis encore sur le cul (pardon pour l’expression, mais il n’y a pas d’autre mot).
Quand le diamant noir débarque dans le temple du tout-à-volonté
Pour ceux qui débarquent, un petit rappel s’impose. Ce restaurant de Narbonne, c’est un peu le Disneyland de la bouffe à la française. Un seul prix fixe – 65,90 € adulte, point final – et ensuite vous avez le droit de vous servir, autant de fois que votre estomac le permet, dans plus de 300 références : homard breton entier, foie gras maison, rôti de bœuf Rossini, plateau de fromages Guinness des records, fontaine de chocolat… Tout ça en hommage à Escoffier et à la grande cuisine bourgeoise du XIXe siècle.
Mais ajouter la truffe, c’était une autre paire de manches. Le produit coûte une fortune, varie énormément selon les saisons et supporte mal d’être servi en libre-service. Beaucoup pensaient que c’était tout simplement impossible sans faire exploser les prix. Et pourtant…
Une brigade sous tension le jour J
Ce mardi de novembre, à 11 h 30 précises, l’ambiance en cuisine était électrique. Le chef exécutif, toque impeccable et regard d’aigle, passait dans les rangs comme un général avant la bataille.
« On n’est pas là pour tricher. Le client paie pour du vrai, il aura du vrai. Je compte sur vous pour que ce soit une révolution. »
Les mots résonnent encore dans ma tête. Parce que, soyons honnêtes, proposer de la truffe melanosporum à volonté, c’est un pari un peu dingue. Une truffe de 50 g, c’est déjà 150-200 € au marché. Alors imaginez plusieurs kilos par service…
Le comptoir truffe : là où tout se joue
Au milieu du parcours, juste après les fruits de mer et avant les viandes rôties, ils ont installé un comptoir dédié. Deux jeunes cuisiniers, moustache fine et sourire timide, trônent derrière une vitrine réfrigérée remplie de tuber melanosporum entières. L’odeur vous prend au nez à dix mètres : terre humide, sous-bois, promesse de luxe.
Le principe est simple et redoutablement efficace :
- Vous arrivez avec votre assiette (omelette norvégienne, risotto crémeux, purée de pommes de terre à l’ancienne, œuf poché…)
- Vous choisissez votre plat chaud
- Le cuisinier vous demande : « Combien de truffe ? »
- Et là… il râpe ou il coupe en lamelles, devant vous, jusqu’à ce que vous disiez stop.
J’ai vu des gens repartir avec l’équivalent d’une demi-truffe sur une seule assiette. Personne ne bronche. C’est inclus.
L’omelette qui a fait pleurer un quadragénaire
Le moment que je n’oublierai jamais : un type en chemise bleu ciel, la quarantaine bien tassée, revient à table avec son omelette noyée sous la truffe. Il prend une bouchée, ferme les yeux, et là… une larme. Une vraie.
« C’est… c’est la meilleure omelette de ma vie. »
– Un client anonyme, voix tremblante
Je vous jure que c’est arrivé. Et il n’était pas le seul. L’omelette truffée est devenue en quelques minutes la star incontestée du buffet.
Mais concrètement, combien ça coûte à l’établissement ?
C’est LA question que tout le monde se pose. Officiellement, le prix reste inchangé : 65,90 €. Comment font-ils ?
D’abord, ils achètent en direct auprès de producteurs de la région (Aude, Vaucluse, Drôme). Ensuite, ils jouent sur les volumes : plus de 400 000 couverts par an, ça donne du poids en négociation. Enfin, la truffe est servie uniquement en saison (décembre à mars), ce qui limite la durée du « risque ».
Mais surtout, il y a cette philosophie un peu folle : plutôt que d’augmenter le ticket d’entrée, ils préfèrent remplir la salle à 100 % toute l’année. Et ça marche : 3,5 millions de demandes de réservation pour 400 000 places disponibles. Autant dire que c’est complet jusqu’en 2027.
Que valent vraiment les plats à la truffe ? Mon verdict sans filtre
J’ai tout goûté, plusieurs fois, pour être sûr. Voici mon classement personnel :
- L’omelette norvégienne truffée → 11/10. Fondante, parfumée, addictive.
- Le risotto à la truffe → Crémeux à souhait, la truffe explose en bouche.
- La purée Robuchon revisitée → Beurre, crème, et truffe en abondance. Obscène de bonté.
- L’œuf poché mollet → Le jaune coulant se mélange à la truffe… arrêt cardiaque gustatif.
- La brouillade toute simple → Parfois, la simplicité gagne.
Petite déception relative : les Saint-Jacques poêlées à la truffe. La coquille est magnifique, mais la truffe prend un peu le dessus sur le goût iodé. Dommage, mais c’est un détail.
Et pour le reste du buffet ? Toujours au top
La truffe vole la vedette, mais le reste n’a pas bougé d’un iota. Le homard est toujours découpé vivant (éthique oblige), le foie gras toujours mi-cuit maison, les huîtres toujours de pleine mer, la rôtisserie tourne toujours avec son bœuf Black Angus, et la cascade de chocolat continue de rendre fous les enfants (et les adultes).
D’ailleurs, j’ai surpris une table de Parisiens qui, après trois assiettes de homard + deux omelettes truffées + une planche de fromages, se demandaient s’ils allaient réussir à attaquer les desserts. Spoiler : ils ont tenu bon jusqu’à la crêpe Suzette flambée minute.
Comment réserver (parce que oui, il faut anticiper)
Petit conseil d’ami : si vous voulez vivre l’expérience truffe, réservez dès maintenant. Les créneaux de décembre 2025 à mars 2026 partent à vitesse grand V. Le site officiel croule sous les demandes et les places pour les week-ends sont déjà quasi épuisées.
Et si vous venez en couple ou entre potes, prévoyez large : la durée moyenne d’un repas est de 3 h 30. On ne plaisante pas avec le sérieux gastronomique ici.
Alors, révolution ou effet d’annonce ?
Pour moi, c’est une vraie révolution. Proposer de la truffe fraîche à volonté au même prix qu’avant, dans un cadre aussi classe, c’est du jamais-vu. C’est le genre d’endroit qui redonne foi en la gastronomie française : généreuse, sans chichi, mais avec un niveau d’exigence fou.
Si vous aimez manger, vraiment manger, et que l’idée de vous resservir cinq fois d’un plat au diamant noir vous fait sourire, alors foncez. Parce que des expériences comme celle-là, il n’y en a pas deux.
Et quelque part, en repartant avec l’estomac plein et le portefeuille étonnamment léger, je me suis dit que parfois, le luxe n’a pas besoin d’être hors de prix. Il suffit d’avoir un peu d’audace.
Bon appétit… non, excellent appétit.
