Vous souvenez-vous de l’hiver 2010 où Paris disparaissait certains jours dans un brouillard grisâtre qui piquait les yeux ? Moi oui. Ce matin-là, en ouvrant ma fenêtre du 18e, j’avais l’impression d’avaler du papier de verre. Quinze ans plus tard, le même geste me fait sourire : l’air est frais, presque doux. Et les chiffres viennent de tomber : entre 2010 et 2022, la région Île-de-France a réussi à faire chuter ses émissions de gaz à effet de serre de 35 %. Oui, vous avez bien lu. Trente-cinq pour cent. C’est énorme.
Franchement, quand on vit ici depuis longtemps, on sent la différence avant même de regarder les statistiques. Les pics de pollution qui duraient des semaines sont devenus rares. Les alertes orange ou rouge ? On en parle presque au passé. Et pourtant, la population a augmenté, le trafic aussi par moments. Alors comment on a fait ?
Si je devais résumer en deux mots : chauffage et voitures. Le secteur résidentiel a vu ses émissions plonger de 44 % et le transport routier de 22 %. Le tertiaire (bureaux, commerces) n’est pas en reste avec –38 %. Ces trois postes représentent l’écrasante majorité de la pollution locale.
« Ces résultats témoignent de l’efficacité des politiques publiques engagées »
Experts de la surveillance de la qualité de l’air en région parisienne
Et ils ont raison. On peut râler autant qu’on veut sur les embouteillages ou les travaux, mais force est de constater que ça paye.
Si la baisse des gaz à effet de serre fait plaisir pour le climat, celle des particules fines PM2.5 sauve carrément des vies. –43 % en douze ans, –64 % rien que pour le transport routier. C’est probablement le chiffre qui me touche le plus personnellement. Parce que ces saletés microscopiques, elles rentrent dans les alvéoles pulmonaires, traversent dans le sang, et augmentent les risques d’AVC, de crises cardiaques, de cancers du poumon… et même les bébés naissent avec un poids plus faible quand leur mère a trop respiré de PM2.5 pendant la grossesse.
Autrement dit, chaque point de pourcentage gagné, c’est du temps de vie en plus pour des milliers de Franciliens. Et là, on parle de dizaines de milliers d’années de vie sauvées collectivement. Ça donne le vertige dans le bon sens du terme.
- La rénovation énergétique des logements : remplacement des vieilles chaudières fioul et gaz par des pompes à chaleur ou des réseaux de chaleur urbains décarbonés
- Le durcissement progressif des normes automobiles (Crit’Air, ZFE) qui a poussé au renouvellement du parc avec des véhicules beaucoup plus propres
- La baisse de la consommation d’énergies fossiles de 32 % malgré l’augmentation du nombre de logements
- L’essor du télétravail et des mobilités douces (même si on peut toujours mieux faire)
- La limitation à 50 km/h sur le périphérique (oui, ça a eu un impact mesurable)
- La disparition quasi totale du chauffage au fioul dans les immeubles collectifs
Petite confidence : quand j’ai changé ma vieille chaudière gaz pour une PAC en 2021, je me suis dit que je faisais un geste écolo… mais surtout que j’allais économiser sur la facture. Aujourd’hui, je me rends compte que des centaines de milliers de foyers ont fait le même calcul. Et multiplié par 300 000, ça donne… ben justement ces 44 % de baisse dans le résidentiel.
Parce qu’il ne faut être honnête : on n’a pas tout réglé. Le transport routier représente encore 33 % des émissions de gaz à effet de serre et le résidentiel 67 % des PM2.5 restantes. Autrement dit, on a fait une grosse partie du chemin, mais les deux mêmes suspects sont toujours en tête du classement des pollueurs.
Et puis il y a les aéroports. Roissy et Orly, à eux deux, c’est 14 % des émissions de dioxyde de soufre et 3 % des GES régionaux. Pas énorme en proportion, mais symboliquement lourd quand on sait que l’avion reste le mode de transport le plus carboné par passager.
| Secteur | Part des GES 2022 | Part des PM2.5 2022 |
| Transport routier | 33 % | ~20 % |
| Résidentiel | ~30 % | 67 % |
| Tertiaire | ~20 % | faible |
| Aviation | 3 % | faible |
L’objectif de neutralité carbone en 2050 semble soudain beaucoup plus atteignable. Mais il va falloir accélérer. Personnellement, je vois trois gros chantiers :
- Finir la rénovation thermique du parc ancien (les passoires thermiques classe F et G, c’est encore 1,2 million de logements en Île-de-France)
- Accélérer l’électrification des véhicules et le développement des transports en commun (RER métropolitain, Grand Paris Express…)
- Régler enfin la question du chauffage au bois individuel qui, même s’il a baissé, reste la première source de particules fines en hiver
Parce que oui, le poêle à granulés de votre voisin qui sent bon la bûche le soir, il peut aussi vous envoyer direct aux urgences si vous avez de l’asthme. C’est le paradoxe du “retour au naturel” mal maîtrisé.
Alors voilà. On a de quoi être fiers – vraiment. Mais on aurait tort de s’endormir sur ces bons résultats. L’air francilien n’a jamais été aussi propre depuis l’après-guerre, et pourtant il reste du chemin. Mais pour une fois, on a la preuve que quand politiques publiques, progrès techniques et changements de comportement s’additionnent… ça marche.
Et vous, vous le sentez aussi ce petit goût d’air pur quand vous marchez le long de la Seine le matin ? Moi oui. Et ça vaut tous les discours du monde.
