Imaginez un gamin qui baisse les yeux dès qu’on le regarde, qui porte des manches longues même quand il fait 35 °C, simplement parce que sa peau ne ressemble à celle de personne autour de lui. Et vingt ans plus tard, ce même gamin, torse nu devant des millions de téléspectateurs, fait trembler l’élite mondiale du MMA. Cette histoire-là, c’est celle de Melquizael Costa. Et franchement, elle mérite qu’on s’y arrête un peu.
Le Dalmatien : un surnom qui raconte tout
On l’appelle le Dalmatien. Pas par cruauté, non. Plutôt parce que son vitiligo dessine sur sa peau des taches blanches irrégulières qui rappellent le pelage du célèbre chien. Au début, ce surnom le blessait. Aujourd’hui, il l’a complètement retourné : c’est devenu sa marque, son identité, presque un super-pouvoir. Dans l’octogone, quand les caméras zooment sur ces taches pendant que le Brésilien avance, on comprend immédiatement que ce mec-là n’a plus rien à cacher.
À 29 ans, Melquizael compte déjà sept combats dans la plus grande organisation de MMA au monde. Cinq victoires, dont deux finitions avant la limite. Des chiffres froids qui ne disent pas tout. Parce que derrière chaque soumission ou chaque série de coups, il y a un gosse qui s’est juré de transformer ses complexes en armes.
L’enfance dans l’ombre des regards
Le vitiligo, ce n’est pas douloureux physiquement. Mais socialement ? Une vraie galère quand on grandit dans une petite ville brésilienne où tout le monde se connaît. Melquizael se souvient encore des parents qui tiraient leurs enfants par la main quand il approchait. Des phrases qu’on chuchote mais qu’on entend quand même : « Ne touche pas, tu vas attraper ça. » À 10 ans, il refusait déjà de se mettre torse nu à la plage. À 12 ans, il évitait les photos de groupe.
« Je me sentais comme un animal. Je fuyais les gens. »
Melquizael Costa, dans une interview sincère
Cette phrase, il l’a répétée plusieurs fois. Et à chaque fois, on sent la cicatrice. Pas sur la peau, non. Dans la voix.
2010 : la révélation dans la douleur
Comme beaucoup de futurs pros, tout commence par une humiliation. Un pote l’invite à essayer la boxe thaï. Premier sparring, premier KO. Le genre qui fait voir les étoiles en plein jour. Quelques jours plus tard, un autre ami le met au sol en jiu-jitsu… avec une seule main. Au lieu de fuir, Melquizael choisit la guerre. Contre les autres, mais surtout contre lui-même.
C’est là que le déclic se produit. Dans la souffrance physique volontaire, il découvre quelque chose de puissant : quand tu te bats, les gens arrêtent de regarder ta peau. Ils regardent tes poings, ta garde, ton courage. Le vitiligo passe au second plan. Et petit à petit, il finit même par disparaître de son propre radar.
L’ascension fulgurante d’un outsider
De 2014 à son arrivée à l’UFC, le Brésilien enchaîne 24 combats professionnels. 19 victoires. Un ratio impressionnant quand on sait qu’il a dû se battre dans des galas parfois obscurs, face à des adversaires prêts à tout pour se faire un nom. Chaque victoire est une brique de plus dans la confiance qu’il se construit.
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Ses débuts dans la grande ligue sont compliqués. Défaite dès son premier combat contre Thiago Moises – oui, le même qui a croisé la route de Benoît Saint Denis. Deuxième revers ensuite. Mais Melquizael ne plie pas. Il revient plus fort, plus affûté, et enchaîne cinq victoires en sept sorties. Deux soumissions, des frappes chirurgicales, une faim intacte.
Un style qui ne laisse personne indifférent
Techniquement, le Brésilien est complet. Très complet. Debout, il avance en pression constante, coupe l’octogone comme un requin, et ses combinaisons sont propres. Au sol ? Un vrai serpent. Ses soumissions arrivent souvent quand on s’y attend le moins. Et surtout, il a cette capacité rare à rester calme sous le feu. Peut-être parce qu’il a déjà vécu pire que des coups : les jugements silencieux d’une cour d’école.
J’ai revu plusieurs de ses combats récemment, et une chose frappe : il sourit souvent. Pas le sourire provocateur de certains. Non, un sourire presque apaisé. Comme s’il se disait intérieurement : « Vous voyez, je suis toujours là. »
Morgan Charrière : le choc des styles annoncé
Ce week-end, c’est donc le Français Morgan Charrière qui se dresse face à lui. Deux styles, deux histoires, une même envie de marquer les esprits. D’un côté, le showman français qui adore les guerres sanglantes et les échanges à haut risque. De l’autre, le Brésilien méthodique qui avance sans jamais reculer. Sur le papier, ça sent la poudre.
Charrière a plus d’expérience (33 combats pros), mais Costa arrive avec une dynamique folle et cette capacité à surprendre. Personnellement, je ne serais pas étonné que le combat ne aille pas à la décision. Ces deux-là n’aiment pas laisser les juges travailler.
Plus qu’un combat : un message
Au-delà du spectacle, ce qui rend l’histoire de Melquizael Costa si forte, c’est le message universel qu’elle porte. Le vitiligo touche des millions de personnes dans le monde. Beaucoup se cachent encore. Lui a choisi l’arène la plus exposée qui soit pour dire : regardez-moi. Regardez-moi vraiment.
« C’est en me battant que j’ai commencé à ignorer mon vitiligo. À un moment, j’ai réalisé que les gens ne faisaient plus attention. C’était surtout dans ma tête. »
Cette phrase résume tout. Le vrai combat n’a jamais été dans l’octogone. Il était dans le miroir, tous les matins, pendant des années.
Aujourd’hui, des gamins atteints de vitiligo au Brésil, en Europe, partout, regardent ses combats. Et pour la première fois, ils voient quelqu’un qui leur ressemble dominer là où seuls les plus durs survivent. C’est ça, la vraie victoire.
Et après ?
Une victoire contre Charrière le propulserait probablement dans le top 15 des poids plumes. À 29 ans, il est dans la force de l’âge. Son jiu-jitsu continue de progresser, sa boxe devient plus précise à chaque camp. Et surtout, sa tête est solide. Très solide.
Peu importe le résultat ce week-end, une chose est sûre : Melquizael Costa a déjà gagné le combat le plus important. Celui contre la honte. Et ça, personne ne pourra jamais le lui enlever.
Alors oui, on va regarder un super combat de MMA. Mais on va aussi assister à quelque chose de plus grand. L’histoire d’un mec qui a transformé ses taches en étoiles. Et franchement, dans ce sport parfois si dur, ça fait un bien fou à voir.
Ps : si vous avez déjà croisé quelqu’un qui se cache à cause de sa différence, envoyez-lui ce combat. Ou mieux : parlez-lui de ce Brésilien qui a décidé que plus jamais il ne baisserait les yeux. Parfois, il suffit d’un exemple pour que tout change.
