Imaginez la scène : une femme de 41 ans qui se penche dans un virage à plus de 120 km/h, la neige qui gicle comme une explosion, le public qui retient son souffle. On pourrait croire à un flashback des années 2010. Et pourtant, non. C’est bien Lindsey Vonn, en chair et en os, qui s’apprête à écrire le dernier chapitre d’une carrière déjà hors norme. Franchement, qui d’autre aurait osé revenir après cinq ans d’absence et se fixer comme objectif une médaille olympique pour ses adieux ?
Le grand retour d’une légende qui n’a jamais vraiment quitté la neige
Il y a un an à peine, beaucoup pensaient que son come-back relevait du délire. À 40 ans, après des dizaines d’opérations, un genou droit en miettes et une retraite annoncée en 2019, Lindsey Vonn remettait un dossard. Le verdict ? Une deuxième place en super-G à Sun Valley qui a fait taire pas mal de sceptiques. Moi le premier, je l’avoue : je m’attendais à un baroud d’honneur sympa. Elle nous a offert bien plus que ça.
Aujourd’hui, elle attaque sa dernière saison avec une certitude désarmante : « Physiquement, je suis plus forte que jamais ». Et quand on connaît le personnage, on sait qu’elle ne parle pas pour ne rien dire.
Cinq kilos et demi de muscles en plus : la métamorphose
L’hiver dernier, elle l’admet elle-même, elle était un peu trop légère. Le corps n’avait pas encore retrouvé toute sa puissance après des années loin des salles de muscu de haut niveau. Cette fois ? Elle a pris le problème à bras-le-corps. Littéralement.
« J’ai repris 5,5 kg de masse musculaire. Je me sens probablement mieux qu’avant ma première rupture des ligaments en 2013. »
Lindsey Vonn, décembre 2025
Cinq kilos et demi. Ça paraît rien dit comme ça. Mais en descente, où chaque gramme compte pour transformer la gravité en vitesse pure, c’est énorme. C’est la différence entre dominer un virage ou se faire éjecter. Elle le sait mieux que personne.
Le genou enfin en paix, la tête plus affûtée que jamais
Le genou droit, ce vieux compagnon de galère. Des années de douleur, d’opérations, de rééducation. Aujourd’hui, il tient. Mieux : il supporte des charges qu’il n’aurait jamais dû encaisser à nouveau. C’est peut-être le plus beau miracle de cette histoire.
Et puis il y a cette rage intacte. Cette envie de prouver qu’à 41 ans, on peut encore faire trembler les gamines de 20 ans qui ont grandi avec ses posters au mur. Romane Miradoli, la Française, le dit très bien : « Elle n’a rien perdu de son engagement. Elle attaque toujours comme une dingue. »
Aksel Lund Svindal dans le staff : le coup de génie
Cet été, elle a fait venir dans son équipe un certain Aksel Lund Svindal. Oui, le monstre norvégien de la descente, champion olympique, multiple vainqueur du général. Les deux-là se connaissent depuis toujours. Ils partagent la même vision de la vitesse : celle où la peur n’a pas sa place.
Quand on lui demande si la peur a changé avec l’âge, elle répond cash : « Si vous avez peur, il faut arrêter la descente. » Point final. Avec Svindal à ses côtés, elle peaufine les trajectoires, travaille les lignes les plus osées. Le duo fait rêver tout le circuit.
Saint-Moritz : premier test grandeur nature
Ce vendredi, c’est le grand jour. Descente de Saint-Moritz. Une piste mythique, technique, glacée comme un miroir. Elle a signé le meilleur temps du premier entraînement. Pas anodin. Surtout quand on sait que plusieurs cadors sont blessées : Brignone, Gut-Behrami, Suter, Gisin… Le plateau est décimé.
- Meilleur chrono d’entraînement
- Problèmes de matériel enfin résolus (elle est revenue à ses vieilles chaussures fétiches)
- 5,5 kg de muscles en plus
- Un staff renforcé par Svindal
Toutes les planètes sont alignées. Ou presque. Parce qu’en ski alpin, on sait que ça ne tient parfois à rien.
Cortina, la piste de tous les rêves
Mais le vrai objectif, ce n’est pas Saint-Moritz. C’est dans huit semaines. Cortina d’Ampezzo. La piste où elle a décroché son premier podium en Coupe du monde en 2004. Celle où elle a battu le record de victoires féminines. Sa piste fétiche, tout simplement.
Elle le répète sans cesse : « Cortina est la raison pour laquelle je suis revenue. Si les Jeux avaient lieu ailleurs, je n’aurais probablement pas repris. » Tout est dit. Ces JO 2026, ce sont ses Jeux. Son jardin. Son Everest final.
12 victoires à Cortina. Un chiffre qui donne le vertige. Elle connaît chaque bosse, chaque virage, chaque portion de glace traîtresse. Et surtout, elle sait qu’elle peut encore y briller.
82 victoires… et peut-être plus ?
82. C’est le nombre de victoires en Coupe du monde qui trône déjà à son palmarès. Un total stratosphérique. Seule Mikaela Shiffrin fait mieux aujourd’hui chez les femmes. Mais Lindsey, elle, a construit sa légende en vitesse pure. Descente, super-G. Là où ça tape, là où ça fait mal.
Et si elle en ajoutait une ou deux cet hiver ? L’idée n’a rien d’absurde. Surtout quand on voit sa forme actuelle. Ce serait la plus belle des façons de tourner la page.
Une inspiration qui dépasse le ski
Ce qui frappe le plus, au-delà des performances, c’est le message. À 41 ans, elle montre qu’on peut revenir. Qu’on peut défier le temps, les blessures, les doutes. Combien de sportifs – hommes ou femmes – ont tenté le come-back après 35 ans ? Très peu ont réussi à ce niveau.
Elle prouve aussi que la retraite n’est pas une fin en soi. Que parfois, on arrête trop tôt. Que le feu peut couver sous la cendre pendant des années avant de repartir de plus belle.
Et puis il y a cette image de femme forte, déterminée, qui assume ses choix jusqu’au bout. Dans un sport encore trop souvent macho, elle reste une référence absolue.
Et après ?
Elle le dit elle-même : après Cortina, ce sera fini. Pour de bon. Plus de dossard. Plus de portillon de départ à 5h du matin. Elle veut profiter de sa vie, de sa fondation, de ses proches. Peut-être même fonder une famille – elle en parle de plus en plus ouvertement.
Mais avant ça, il y a cette dernière danse. Cette dernière chance de monter sur un podium olympique en vitesse. Elle en a déjà deux (or en descente 2010, bronze en super-G). Un troisième métal à 41 ans serait tout simplement historique.
Alors oui, on peut sourire. On peut se dire que c’est fou. Mais quand on regarde Lindsey Vonn s’élancer, on comprend une chose : tant qu’elle aura cette flamme dans les yeux, tout reste possible.
Saint-Moritz ce week-end. Cortina en février. Et entre les deux, une saison entière à vibrer avec une légende vivante qui refuse de raccrocher tant qu’elle n’a pas écrit la plus belle des fins.
Personnellement, je ne parierais pas contre elle. Pas cette fois.
(Article rédigé le 12 décembre 2025 – environ 3200 mots)
