Imaginez la scène : vous êtes sur la ligne de départ, le cœur qui cogne, le froid qui mord les joues et, quelque part dans la foule, des dizaines de caméras braquées sur vous. Pas pour votre dernier exploit, non. Pour savoir si vous allez enfin parler, si vous allez craquer, ou si vous allez simplement… skier et tirer comme avant. C’est exactement ce qui attend Julia Simon ce vendredi à Hochfilzen. Un retour en compétition après un mois de suspension qui a fait couler autant d’encre que de neige fondue.
Un retour plus scruté que n’importe quelle course
On a beau dire que le biathlon est un sport individuel, il y a des moments où l’équipe entière retient son souffle. Et là, on y est. La quadruple championne du monde individuelle a purgé sa sanction. Point final ? Pas vraiment. Parce que dans le petit monde du biathlon français, on a rarement vu autant de non-dits flotter au-dessus des carabines.
Quand elle a repris l’entraînement avec les Bleues lundi, les photographes étaient là. Elle, elle regardait ailleurs. Pas un mot, pas un sourire forcé. Juste le job. Et pourtant, tout le monde sait que ce silence pèse. Il pèse sur elle, sur ses coéquipières, sur le staff qui répète en boucle que « c’est une affaire familiale » qu’on règle en interne.
Un mois à part, mais pas inactive
Pendant que les autres enchaînaient les courses à Östersund, Julia, elle, bossait. D’abord à la Féclaz, puis aux Saisies. Un programme aménagé, pensé pour décaler sa montée en forme sans la faire exploser trop tôt. Des vidéos de ses séances de tir ont circulé dans le staff : propre, rapide, précis. Sur les skis ? On verra.
« Elle a les crocs. Elle aura à cœur de réussir et de bien faire. »
Un proche du groupe France
Le genre de phrase qu’on entend souvent avant un retour. Mais là, ça sonne juste. Parce qu’on parle d’une fille qui a remporté le gros globe il y a deux ans et qui n’a jamais vraiment digéré de ne pas être au départ de la première étape. Elle n’est pas du genre à se cacher derrière une suspension.
L’équipe de France dans une bulle fragile
Le plus compliqué, ce n’est peut-être même pas elle. C’est le groupe. Il y a eu cette histoire de carabine abîmée l’hiver dernier, les rumeurs, les regards en coin. Et maintenant son retour. Certains parlent de cocotte-minute. L’image est parfaite. La pression monte doucement, mais elle monte.
Le staff répète que tout va bien, que c’est comme dans une famille, qu’on règle les problèmes en interne. Belle communication. En attendant, les athlètes, eux, avancent en terrain miné. Justine Braisaz-Bouchet l’a dit avec sa franchise habituelle : elle fera la part des choses, elle restera fair-play. Traduction : oui, c’est compliqué, mais on va faire avec.
- Des performances en dent de scie depuis le début de saison
- Des podiums réguliers mais jamais la grande domination d’avant
- Une ambiance qu’on sent tendue même à travers les micros
Et si le retour de la patronne pouvait paradoxalement souder le groupe ? Ou au contraire tout faire exploser ? On le saura vite.
Sur la piste, la tueuse est toujours là ?
Sur le papier, oui. Son tir reste une référence. Ses skis ? Elle a toujours eu cette capacité à sortir des courses de nulle part quand on l’attend le moins. Souvenez-vous de certaines poursuites l’hiver dernier où elle remontait la moitié du peloton comme si c’était un entraînement.
Mais il y a ce petit doute légitime. Un mois sans compétition, c’est long. Le rythme course, les départs explosifs, les tirs sous pression… tout ça ne s’improvise pas. Les entraîneurs le disent eux-mêmes : il faudra peut-être une course, voire deux, pour qu’elle retrouve ses automatismes.
« Entre l’entraînement et la compétition, il y a toujours un petit écart. »
Cyril Burdet, entraîneur des Bleues
Petit écart ou grand fossé ? C’est la question à dix mille euros. Parce qu’en face, la concurrence n’attend pas. Les Norvégiennes, les Suédoises, les Italiennes tournent déjà à plein régime. Et les Françaises, avec Bened, Jeanmonnot ou Michelon, ont montré qu’elles pouvaient exister sans elle.
Hochfilzen, le test parfait
Le site autrichien a toujours bien réussi aux Bleues. Piste roulante, pas trop exigeante physiquement, un pas de tir souvent venté mais pas infernal. Si Julia doit frapper un grand coup dès sa reprise, c’est là. Un top 10 serait déjà un signal fort. Un podium ? Un message envoyé à tout le monde : je suis toujours là.
Et puis il y a cette zone mixte après course. Elle a promis de parler. Enfin. On attend tous de savoir ce qu’elle a dans le ventre, mais aussi dans la tête. Parce que dans ce sport, la carcasse c’est important, mais le mental, c’est tout.
Et après ? Un hiver sous haute tension
Si elle passe ce week-end sans encombre, la suite peut être explosive. Le Grand-Bornand dans une semaine, devant son public. Puis les championnats du monde. Et surtout ces Jeux olympiques qui pointent à l’horizon 2026. Elle a 29 ans. C’est le moment ou jamais.
Mais avant de rêver de médailles, il faut déjà réussir ce retour. Pas seulement sur le plan sportif. Sur le plan humain aussi. Retrouver sa place dans un groupe qui a appris à vivre sans elle. Prouver que la suspension n’a rien enlevé à sa rage de gagner. Et peut-être, juste peut-être, refermer définitivement ce chapitre douloureux.
Une chose est sûre : ce vendredi, sur la ligne de départ du sprint d’Hochfilzen, il n’y aura pas que des concurrentes en face d’elle. Il y aura aussi tout un tas de questions, de regards, d’attentes. Et elle le sait.
Alors oui, on parlera de chronos, de fautes au tir, de places. Mais on regardera surtout autre chose. On regardera si la Julia Simon d’avant est toujours là. Celle qui faisait trembler tout le circuit. Celle qui n’avait pas besoin de parler pour imposer le respect.
Le biathlon français a besoin d’elle. Pas seulement pour les points ou les médailles. Il a besoin qu’elle redevienne cette patronne qu’on craignait autant qu’on admirait. Rendez-vous vendredi. Le silence va enfin laisser place au bruit des carabines.
Et vous, vous misez sur un retour tonitruant ou sur une reprise en douceur ? Une chose est sûre : on n’a jamais autant attendu un sprint de biathlon.
