Vous souvenez-vous de ce frisson quand une légende décide qu’elle n’a pas encore tout dit ? Moi oui. Ce vendredi 12 décembre, sur la mythique piste de Saint-Moritz, j’ai eu l’impression de remonter le temps de sept bonnes années. Lindsey Vonn, 41 ans, vient de remporter la descente. Pas juste participer, non : gagner. Et pas contre n’importe qui, mais en laissant les jeunes Autrichiennes à plus d’une seconde. Franchement, qui avait misé un centime sur elle ?
La « Speed Queen » n’a pas pris une ride
Imaginez la scène. Dossard 16, ciel parfaitement bleu, neige qui craque sous les carres. Elle part prudente dans le haut, presque trop. Et puis, d’un coup, elle lâche les chevaux. Le bas de la Corviglia devient son terrain de jeu. Les chronos explosent, la foule hurle. Quand le temps s’affiche en vert en bas, même les plus blasés restent bouche bée. Presque une seconde d’avance. À 41 ans. Après une retraite, une prothèse de genou et cinq saisons loin des portails.
C’est le genre de performance qui vous fait douter de la réalité. On parle quand même d’une femme qui, il y a encore deux ans, boitait dans les aéroports. Et là, elle skie comme si le temps s’était arrêté en 2018, lors de sa dernière victoire à Åre.
Sept ans et demi plus tard, le même feu
Sept ans et demi. C’est long dans le sport de haut niveau. Très long. Surtout en vitesse, où le corps est mis à rude épreuve à chaque virage. Pourtant, quand on regarde les images, on a cette étrange sensation qu’elle n’est jamais partie. Les appuis sont toujours aussi tranchants, le regard toujours aussi affûté. Elle a simplement repris là où elle s’était arrêtée.
« Mon corps répond enfin à toutes les sollicitations de mon esprit. Maintenant je peux tout faire, j’ai l’impression d’être redevenue une enfant. »
Lindsey Vonn, quelques heures avant la course
Cette phrase, elle ne l’a pas lancée en l’air. Elle l’a vécue. Et on l’a tous vue.
L’été qui a tout changé
Revenons un peu en arrière. Été 2024 : elle annonce son retour. Tout le monde sourit poliment. « Sympa, mais bon… à 40 ans, avec une prothèse… » Et puis la saison dernière arrive. 14e à Saint-Moritz pour son come-back en super-G. Puis une incroyable 2e place à Sun Valley. On commence à se dire que peut-être, juste peut-être, ce n’était pas une blague.
Pendant l’intersaison, elle ne chôme pas. Plus de cinq kilos de muscles pris. Retour aux vieilles chaussures qui lui vont mieux que les nouvelles. Et surtout, elle s’entoure d’un certain Aksel Lund Svindal comme coach personnel. Quand deux monstres de la vitesse s’associent, ça ne peut donner que du lourd.
- Reprise intensive de la musculation ciblée
- Retour aux boots qui ont fait ses plus belles années
- Travail quotidien avec un double champion olympique de descente
- Des heures et des heures de vidéo pour retrouver les automatismes
Résultat ? Elle arrive en Engadine en tête des entraînements dès le mercredi. Les signaux étaient là. On ne les a juste pas tous vus.
Saint-Moritz, sa piste fétiche
Il y a des endroits où certains athlètes se sentent simplement chez eux. Pour Vonn, Saint-Moritz fait partie de ceux-là. La Corviglia, avec ses bosses, ses changements de lumière, son vent parfois traître, elle la connaît par cœur. Elle y a gagné tellement de fois qu’on a arrêté de compter.
Et cette fois, malgré un dossard moyen (le 16), malgré une piste qui s’accélérait au fil des passages, elle a été la plus forte. Les jeunes ont essayé. Elles ont toutes craqué quelque part. Elle, non.
Direction Milan-Cortina avec des ambitions folles
À deux mois des Jeux olympiques 2026, la question n’est plus de savoir si elle sera là. Elle est de savoir jusqu’où elle peut aller. La piste de Cortina, c’est aussi l’une de ses préférées. Elle y a déjà gagné. Elle y a déjà pleuré. Elle y a déjà tout vécu.
Aujourd’hui, elle arrive avec une victoire fraîche dans les jambes et une confiance retrouvée. Et franchement, quand on voit comment elle skie à 41 ans, on se dit que l’or n’est pas du tout hors de portée. Voire plusieurs ors, si elle décide de courir le super-G aussi.
« Je ne suis pas revenue pour faire de la figuration. Je suis revenue pour gagner. »
Elle l’a dit. Et maintenant, elle le prouve.
Ce que ce retour nous dit du sport de haut niveau
Au-delà de l’exploit sportif pur, il y a quelque chose de profondément inspirant dans cette histoire. À une époque où on jette les athlètes dès qu’ils passent la trentaine, Lindsey Vonn rappelle que l’expérience, la rage et le travail peuvent parfois défier la biologie.
Elle n’a pas rajeuni. Elle s’est simplement reconstruite autrement. Plus forte là où elle était fragile. Plus intelligente là où la fougue suffisait avant. C’est une leçon de résilience qui dépasse largement le cadre du ski alpin.
Et puis soyons honnêtes : voir une femme de 41 ans dominer un sport aussi exigeant physiquement, dans un univers encore très jeune, ça fait du bien. Ça casse des codes. Ça ouvre des portes.
Et maintenant ?
La saison de vitesse ne fait que commencer. Il y aura Val d’Isère, Cortina, Garmisch, puis les Jeux. Chaque course va être scrutée, analysée, commentée. Chaque virage sera une nouvelle occasion de prouver que ce n’était pas un coup d’éclat isolé.
Moi, je mise sur elle. Pas par nostalgie. Par conviction. Quand on a ce feu-là à l’intérieur, l’âge devient juste un chiffre sur une carte d’identité.
Lindsey Vonn n’est pas revenue pour nous faire plaisir. Elle est revenue parce qu’elle avait encore des choses à prouver. À elle-même d’abord. Au monde ensuite.
Et aujourd’hui, sur les hauteurs ensoleillées de Saint-Moritz, elle vient de le crier à la face du monde entier : la reine est bel et bien vivante.
Alors oui, on peut parler de miracle. On peut parler de performance historique. Moi je préfère parler d’une femme qui a refusé de ranger ses rêves au placard. Et ça, ça n’a pas de prix.
Les Jeux olympiques 2026 ? Ils viennent de trouver leur plus belle histoire. Et elle n’est pas encore terminée.
