Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait pousser des centaines d’agriculteurs, d’habitude si calmes, à bloquer des routes et à en venir aux mains avec les gendarmes ? Moi oui, surtout quand j’ai vu les images de la semaine dernière en Ariège. Une simple maladie de peau des vaches est en train de mettre le feu aux campagnes françaises. Et au milieu, une phrase qui revient en boucle : « L’abattage est la seule solution. » Vraiment ?
Une maladie qui fait trembler tout l’élevage bovin
La dermatose nodulaire contagieuse (DNC pour les intimes) n’est pas une petite rougeur passagère. C’est une maladie virale, transmise par des insectes vecteurs, qui provoque des nodules sur la peau, de la fièvre, une chute de production laitière et, dans les cas graves, la mort de l’animal. Apparue en Europe en 2015, elle progresse régulièrement vers l’ouest. Et cette année, elle a franchi un cap en France.
Ce qui inquiète particulièrement les autorités, c’est le scénario catastrophe modélisé par les vétérinaires : sans mesures radicales, jusqu’à 1,5 million et demi de bovins pourraient être touchés, voire mourir. Autant dire que l’on parle d’une hécatombe économique et humaine pour des milliers d’éleveurs.
« Sans une réaction immédiate et forte, le virus risque de se répandre à l’échelle nationale en quelques mois seulement.
Une source proche du ministère de l’Agriculture
Pourquoi l’abattage total et pas seulement les animaux malades ?
C’est la question qui met le feu aux poudres. Dans les foyers détectés, l’État ordonne l’abattage de tout le troupeau, même les bêtes en parfaite santé. La raison ? Le virus peut rester silencieux plusieurs semaines. Un animal apparemment sain peut être contagieux sans qu’on le sache. C’est le principe de précaution poussé à son paroxysme.
Pour les éleveurs, c’est une sentence de mort. Des décennies de sélection génétique, des liens affectifs forts avec certaines bêtes, des investissements colossaux… Tout ça parti en fumée (ou plutôt à l’équarrissage) en quelques jours. Je comprends leur colère. Quand on a passé sa vie à s’occuper d’un troupeau, le voir disparaître sur décision administrative, c’est violent.
Et la vaccination, elle est où ?
Là, on touche au cœur du débat. Il existe bel et bien des vaccins contre la dermatose nodulaire. Ils sont utilisés avec succès en Afrique et dans les Balkans. Mais en France, leur utilisation est… est interdite en dehors de zones très précises. Pourquoi ? Parce que l’Union européenne considère que la vaccination massive empêcherait d’obtenir le statut « indemne » de la maladie, statut qui permet d’exporter librement la viande et les animaux vivants.
Du coup, on se retrouve dans une situation absurde : on préfère abattre des centaines de milliers d’animaux sains plutôt que de vacciner et risquer de perdre… des marchés à l’export. Cherchez l’erreur.
- Le vaccin existe et fonctionne à plus de 80 %.
- Il est utilisé dans de nombreux pays sans drame économique.
- Mais il rend les animaux séropositifs, donc « positifs » aux tests, même s’ils sont protégés.
- Résultat : impossible d’exporter vers certains pays très exigeants.
La ministre a tout de même annoncé vouloir « étendre la zone vaccinale ». Traduction : on va peut-être autoriser la vaccination dans les régions très touchées. Mais pour l’instant, c’est l’abattage qui reste la règle partout ailleurs.
Une colère qui monte, qui monte…
En Ariège, la manifestation a dégénéré. 500 agriculteurs autour d’une ferme contaminée. Barrières forcées, affrontements, gaz lacrymogène, quatre interpellations. Ce n’est plus une simple protestation, c’est une détresse qui explose.
Et je les comprends. Perdre son outil de travail du jour au lendemain, voir ses animaux chargés dans des camions pour l’abattoir sans pouvoir rien dire… Il y a de quoi péter un câble. Surtout quand, dans le même temps, on entend parler de primes d’indemnisation qui arrivent avec trois mois de retard, ou pas du tout.
« On nous demande de sacrifier notre vie pour protéger l’image de la France à l’export. Mais qui va nous protéger nous ? »
Un éleveur manifestant, micro tendu par une radio locale
Y a-t-il vraiment zéro alternative ?
Hon nêtement, je trouve la position « abattage ou rien » un peu courte. D’autres pays ont choisi des stratégies mixtes :
- Abattage uniquement des animaux symptomatiques
- Vaccination en anneau autour des foyers
- Tests réguliers + isolement des positifs
- Traçabilité renforcée pour maintenir les exportations
La Suisse, par exemple, a réussi à juguler une épizootie similaire sans abattre massivement. L’Italie a vacciné en urgence en 2017 et a limité les dégâts. Alors pourquoi pas nous ?
Le problème, c’est aussi une question de timing. Plus on attend, plus le virus se répand, plus l’abattage devient inévitable. On paye aujourd’hui des années d’hésitation et de priorité donnée au commerce international sur la résilience sanitaire.
Et maintenant ?
La situation est tendue, mais pas totalement bloquée. La ministre a ouvert la porte à une extension de la vaccination. Certains départements passent déjà en zone réglementée. Des discussions sont en cours avec Bruxelles pour assouplir les règles d’export.
Mais le temps presse. Chaque semaine sans décision forte, ce sont des dizaines de nouveaux foyers. Et des centaines d’éleveurs au bord du gouffre.
Ce qui est sûr, c’est que cette crise révèle une fracture profonde : d’un côté, des technocrates qui regardent des courbes épidémiologiques et des tableaux Excel. De l’autre, des femmes et des hommes qui vivent avec leurs bêtes, qui les connaissent par leur nom, et pour qui l’abattage « sanitaire » ressemble furieusement à une expropriation déguisée.
Personnellement, je crois qu’on est à un tournant. Soit on continue sur la voie rigueur sanitaire maximale, au prix d’une explosion sociale dans les campagnes. Soit on accepte un peu de pragmatisme : vaccination large, indemnisation rapide et à 100 %, accompagnement psychologique des éleveurs, et on sauve à la fois les animaux et les hommes.
Parce qu’au final, une agriculture sans agriculteurs, ça n’existe pas.
Et vous, qu’en pensez-vous ? L’abattage total est-il justifié face à une telle crise ? Ou devrions-nous prendre le risque de la vaccination massive ? Dites-le moi en commentaire, je lis tout.
