Vous souvenez-vous de ce frisson qui avait parcouru Toulouse en 2022 quand Jean-Luc Mélenchon avait écrasé le premier tour de la présidentielle avec près de 37 % des voix ? La Ville rose vibrait, les terrasses débordaient de discussions enflammées, on sentait que quelque chose pouvait bouger. Quatre ans plus tard, le vieux lion revient. Et cette fois, ce n’est pas pour l’Élysée. C’est pour le Capitole.
Le jeudi 22 janvier, la salle Jean-Mermoz va trembler. François Piquemal, député insoumis et candidat déclaré, a décroché le jackpot : le fondateur de La France insoumise en personne vient tenir meeting. Et il ne viendra pas seul. Une « personnalité de stature internationale » montera sur scène à ses côtés. Le suspense est total. On parle, en coulisses, de figures sud-américaines, de leaders de la gauche européenne… ou peut-être plus surprenant encore. Piquemal, lui, jubile déjà : « Ce sera un moment qui restera dans les mémoires. »
Pourquoi Mélenchon joue gros sur Toulouse
À première vue, on pourrait se dire : pourquoi le chef historique de la gauche radicale se déplace-t-il pour une municipale ? La réponse est simple. Toulouse n’est pas n’importe quelle ville. Troisième agglomération de France après Paris et Lyon, bastion historique de la gauche (rappelez-vous Pierre Cohen entre 2008 et 2014), laboratoire politique permanent. Perdre Toulouse, ce serait admettre que le modèle insoumis ne passe plus nulle part hors des grandes banlieues populaires.
Et puis il y a l’histoire personnelle. Mélenchon adore cette ville. Il y revient toujours avec une gourmandise visible. Les Toulousains le lui rendent bien. En 2022, il devançait Emmanuel Macron de plus de dix points. Un score rarissime dans une grande ville. Ce capital sympathie, il veut le transformer en carburant électoral pour 2026.
François Piquemal, l’outsider qui monte
Qui est vraiment ce député de 37 ans que peu connaissaient il y a encore deux ans ? Originaire du quartier populaire des Izards, ancien professeur d’histoire-géo, élu en 2022 sur la vague NUPES, Piquemal incarne la nouvelle génération insoumise. Moins théâtral que Mélenchon, plus ancré localement. Il connaît chaque rue, chaque association, chaque colère du Toulouse qui travaille et qui galère.
Son programme ? Radicalement écologique, profondément social. Gratuité totale des transports, municipalisation de l’eau, plan massif de rénovation thermique, référendum pour une régie publique de l’énergie… Des mesures qui parlent directement aux classes populaires et à la jeunesse étudiante, si nombreuse ici.
« On ne fait pas de la politique pour gérer la misère, on la fait pour la supprimer. Toulouse mérite mieux que la résignation rose bonbon. »
François Piquemal, lors de l’annonce de sa candidature
Un adversaire solide : Jean-Luc Moudenc, le maire qui ne lâche rien
Depuis 2014, Jean-Luc Moudenc règne sur Toulouse. D’abord sous étiquette UMP, puis LR, et maintenant avec le soutien plein et entier de la macronie. Il a survécu à tout : la vague rose de 2020 (où il ne l’emporte qu’à 52 voix près face à Archipel Citoyen), les critiques sur la circulation, les polémiques sur la vidéosurveillance, les accusations de clientélisme.
Son bilan ? Mitigé selon les quartiers. Hyper-centre embelli, aéronautique choyée, mais périphéries oubliées, loyers qui explosent, transports en commun saturés. Beaucoup de Toulousains en ont assez de cette gestion « ni de gauche ni de gauche » qui finit toujours par satisfaire les mêmes.
- Logement : +40 % en dix ans
- Temps de trajet domicile-travail : parmi les plus longs de France
- Qualité de l’air : régulièrement hors normes
- Budget culture : en baisse constante
Moudenc part favori, c’est vrai. Mais il est usé. Et surtout, il doit affronter une gauche qui, pour une fois, pourrait jouer malin.
La gauche divisée… ou pas ?
Le vrai danger pour Piquemal ne vient pas forcément de la droite. Il vient de la liste d’union de la gauche classique, emmenée par le socialiste François Briançon. Écologistes, communistes, Place publique, Génération.s… presque tout le monde est là. Sauf LFI.
Les négociations ont échoué. Ambiance glaciale. Chacun accuse l’autre d’arrogance. Résultat ? Deux listes au premier tour. Un scénario catastrophe qui pourrait offrir la ville au centre-droit… ou pire.
Mais – et c’est là que ça devient intéressant – le meeting du 22 janvier pourrait tout changer. Si Mélenchon parvient à remplir la salle Jean-Mermoz (800 à 1 000 places, c’est énorme pour un meeting municipal), si la fameuse personnalité internationale fait l’effet escompté, alors la dynamique peut basculer. Certains élus écolos ou socialistes locaux commencent déjà à grincer des dents face à la machine LFI qui se met en route.
Le RN dans l’ombre : le vrai faiseur de roi ?
Et puis il y a eux. Le Rassemblement national. Pour l’instant discret. Pas encore de candidat officiel. Mais tout le monde sait qu’une liste sera déposée. Et à Toulouse, même avec 10-12 %, ils peuvent peser lourd au second tour.
Le calcul est simple : si la gauche reste divisée, si Moudenc fait autour de 30-35 % au premier tour, une triangulaire devient inévitable. Et là, tout est possible. Y compris le pire.
C’est pour ça que le meeting de janvier n’est pas qu’un show. C’est une opération commando. Objectif : démontrer que l’insoumission reste la seule force capable de fédérer la colère populaire et de battre la droite durablement.
Ce qu’on attend vraiment du 22 janvier
Beyond le discours de Mélenchon – qu’on connaît par cœur, puissant, lyrique, parfois clivant – c’est l’effet domino qui intrigue.
- La fameuse personnalité internationale : Lula ? Iglesias ? Corbyn ? Ou quelqu’un de plus inattendu ?
- Les annonces de ralliements de dernière minute (on parle de figures d’Archipel Citoyen qui pourraient franchir le pas)
- Le début d’une campagne de terrain ultra-agressive : visites d’entreprises, porte-à-porte massif, présence quotidienne sur les marchés
- Une possible réponse à la liste Briançon : fusion ou guerre totale ?
Une chose est sûre : après ce meeting, plus rien ne sera comme avant dans la campagne toulousaine. Soit Piquemal s’impose comme le seul vrai challenger crédible. Soit la division perdure et Moudenc se frotte les mains.
Moi, je serai dans la salle. Micro en main ou pas. Parce que ces moments-là, on ne les vit pas tous les jours. Quand une ville entière retient son souffle avant de choisir son avenir. Quand la politique redevient, l’espace d’une soirée, une aventure collective.
Janvier 2026. Toulouse. Il fera froid dehors. Mais dans la salle Jean-Mermoz, ça risque de chauffer très fort.
Et vous, vous viendrez ?
