Imaginez un instant : vous êtes élu local, respecté, en pleine ascension politique… et un jour, une vidéo intime tourne en boucle pour vous faire taire. C’est exactement ce qui est arrivé à un ancien premier adjoint d’une grande ville française. Et celui qui est accusé d’avoir tiré les ficelles ? Son propre maire.
Cette histoire, digne d’un scénario de série noire, secoue la politique française depuis des années. Et elle vient de connaître un nouveau rebondissement majeur.
Un verdict qui a fait l’effet d’une bombe
Le 1er décembre dernier, le tribunal correctionnel de Lyon a rendu une décision sans appel : l’ancien maire de Saint-Étienne, âgé de 53 ans, a été reconnu coupable de chantage et atteinte à l’intimité de la vie privée. Résultat ? Quatre ans de prison ferme, exécution immédiate, et une inéligibilité avec effet immédiat. Autant dire une chute brutale pour quelqu’un qui visait encore récemment les plus hautes marches du pouvoir local.
Mais voilà, l’intéressé n’a pas l’intention de se laisser faire. À peine la sentence prononcée, il clame son innocence haut et fort et annonce qu’il fait appel. « Je suis innocent, cette décision est totalement incompréhensible », a-t-il lancé en quittant le palais de justice, le visage fermé.
Retour sur les faits : comment tout a commencé
Remontons en 2015. À l’époque, la majorité municipale stéphanoise est fracturée. Deux hommes forts s’opposent en coulisses : le maire et son premier adjoint centriste, Gilles Artigues. Ce dernier commence à poser des questions gênantes sur la gestion de la ville et menace ouvertement l’équilibre politique.
C’est là que, selon l’accusation, un piège redoutable aurait été tendu. Gilles Artigues est invité dans une chambre d’hôtel parisien par un proche du maire. Sur place, un escort masculin l’attend. La rencontre est filmée à son insu grâce à une caméra cachée. Quelques mois plus tard, la vidéo commence à circuler dans certains cercles… avec un message clair : tais-toi, ou ça sort.
Effet immédiat : l’adjoint se met en retrait, abandonne ses ambitions, et finit même par quitter ses fonctions. Le silence est acheté. Pendant des années.
Les preuves qui ont fait basculer le procès
Ce qui est fascinant – et terrifiant – dans cette affaire, c’est la quantité de preuves accumulées au fil des années.
- Des écoutes téléphoniques où l’on entend clairement des proches du maire parler du « dossier » et de la nécessité de « tenir » l’adjoint.
- Des SMS explicites échangés entre les protagonistes : « Il faut qu’on lui montre la vidéo », « il a compris le message ».
- Le témoignage de l’escort lui-même, qui affirme avoir été rémunéré 3000 euros pour la soirée et avoir reçu des instructions précises.
- Et surtout, les déclarations de Gilles Rossary-Lenglet, ex-compagnon de l’ancien maire et principal organisateur reconnu du piège, qui a tout avoué en échange d’une peine réduite.
Face à ce déluge, la défense a tenté de jouer la carte du complot : on voudrait faire tomber un maire trop ambitieux. Mais le tribunal n’y a pas cru une seconde.
« Les éléments matériels sont accablants et convergents. L’intention de nuire et d’obtenir le silence politique de la victime est caractérisée. »
Extrait du jugement
Pourquoi cet appel a peu de chances d’aboutir (mon avis)
Franchement, j’ai suivi beaucoup d’affaires politico-judiciaires. Et celle-ci est particulière parce que les preuves ne reposent pas sur des « on-dit » ou des interprétations. On a des enregistrements, des messages écrits, des témoins directs. C’est rare d’avoir un dossier aussi solide en matière de chantage politique.
L’appel va permettre de rejuger l’affaire, c’est certain. Mais inverser complètement la décision ? Ça me semble très compliqué. À moins d’une bombe procédurale ou d’un revirement spectaculaire de témoins (ce qui arrive, soyons honnêtes, presque jamais), la cour d’appel risque fort de confirmer la peine, voire de l’alourdir.
Les autres condamnés font aussi appel
Gaël Perdriau n’est pas seul dans le bateau qui coule. Gilles Rossary-Lenglet, reconnu comme l’exécutant principal, a pris trois ans dont dix-huit mois ferme. Samy Kefi-Jérôme, ancien adjoint à l’éducation impliqué dans la diffusion de la vidéo, a écopé de deux ans avec sursis. Les deux hommes font également appel.
On se dirige donc vers un deuxième procès, probablement en 2026 ou 2027, qui s’annonce tout aussi médiatique et explosif.
Ce que cette affaire dit de la politique française
Au-delà du fait divers glauque, il y a quelque chose de profondément triste. On parle d’élus censés servir l’intérêt général, qui en train d’organiser des pièges sexuels avec caméra cachée pour conserver le pouvoir. C’est violent.
Et le pire ? Ce n’est probablement pas un cas isolé. Combien de vidéos, de dossiers, de rumeurs circulent dans les arrière-boutiques des mairies, des conseils départementaux ou régionaux ? Combien de carrières brisées en silence ? Cette affaire a au moins le mérite de mettre en lumière des pratiques qu’on préfère généralement ignorer.
Elle pose aussi la question de l’homosexualité en politique. Car oui, la victime était filmée avec un homme. Et même en 2025, dans certains milieux, ça reste une arme. C’est pathétique, mais c’est la réalité.
Et maintenant ?
Pour l’instant, l’ancien maire reste libre pendant l’appel – la peine n’est pas exécutée tant que la justice n’a pas statué en dernier ressort. Il conserve théoriquement ses droits civiques jusqu’à confirmation du jugement. Mais dans les faits, sa carrière politique est probablement terminée.
À Saint-Étienne, un nouveau maire a été élu en 2024 dans un climat délétère. La ville tente de tourner la page, mais les stigmates sont là. Et tant que l’appel n’aura pas eu lieu, le fantôme de cette sextape continuera de hanter les couloirs de l’hôtel de ville.
Une chose est sûre : cette histoire n’a pas fini de nous surprendre. Et quelque part, c’est ça qui est le plus inquiétant.
(Article mis à jour le 12 décembre 2025 – Suivez l’évolution de l’affaire en temps réel)
