Vous est-il déjà arrivé de regarder un série politique et de vous dire « non, quand même, c’est trop gros, ça n’arrive pas dans la vraie vie » ? Eh bien, l’Espagne de décembre 2025 nous prouve le contraire. Le Parti socialiste ouvrier espagnol, au pouvoir depuis 2018, ressemble à un feuilleton où chaque épisode apporte son lot de rebondissements plus accablants que le précédent. Et au centre de tout ça, un homme : Pedro Sánchez.
Une tempête qui ne désemplit pas
Imaginez : vous êtes président du gouvernement, vous avez survécu à deux motions de censure, à une pandémie, à des alliances improbables avec l’extrême gauche et les indépendantistes… et là, bam, vos plus proches collaborateurs se retrouvent en prison ou accusés des pires choses. C’est exactement ce qui arrive à Pedro Sánchez en cette fin d’année.
Le dernier coup de tonnerre ? La confirmation, par la plus haute juridiction espagnole, qu’un ancien ministre clé de son gouvernement va bel et bien être jugé dans ce qu’on appelle désormais l’affaire des masques. Vingt-quatre années de prison requises. Rien que ça.
L’affaire Koldo, ou quand la pandémie devient un business
Retour en 2020. Le monde entier court après les masques chirurgicaux. L’Espagne, comme les autres, passe des contrats en urgence. Des contrats à plusieurs centaines de millions d’euros. Et visiblement, certains en ont profité pour se remplir les poches.
Au cœur du dossier : un ex-conseiller devenu l’ombre d’un ministre, un entrepreneur bien introduit et surtout un ancien ministre des Transports qui était, il n’y a pas si longtemps, l’un des piliers du retour en force de Pedro Sánchez au sein du parti. Ce petit groupe, que l’opposition surnomme avec ironie le clan Peugeot (à cause d’une fameuse tournée en voiture pour reconquérir les militants en 2017), se retrouve aujourd’hui accusé de trafic d’influence, organisation criminelle et corruption.
« Le capitaine n’abandonne pas le navire quand la mer se déchaîne, il reste pour affronter la tempête.
Pedro Sánchez, décembre 2025
La phrase est belle. Elle sonne même héroïque. Sauf que dans le même temps, le numéro trois du parti est en détention provisoire depuis cinq mois et un autre poids lourd attend son procès. Difficile de maintenir que tout va bien à bord.
Quand le partenaire de coalition tape du poing sur la table
Ce qui rend la situation encore plus explosive, c’est que l’allié de gauche du gouvernement, la plateforme communiste et éclectique menée par la vice-présidente Yolanda Díaz, ne se contente plus de murmurer dans les couloirs. Elle exige, publiquement, un remaniement en profondeur.
Et elle ne mâche pas ses mots : « Ces histoires de coureurs de jupons, d’escrocs et de corruption… c’est une Espagne qui n’existe plus. Il est temps de tourner la page. » Aïe. Quand votre partenaire vous dit ça en direct, vous savez que ça chauffe.
Harcèlement sexuel : l’autre bombe à retardement
Comme si la corruption ne suffisait pas, le PSOE doit aussi gérer une vague d’accusations de harcèlement sexuel qui touche plusieurs de ses cadres. Et pas des petits militants de base : on parle de responsables régionaux, d’anciens conseillers très proches du président du gouvernement, de membres de la direction fédérale.
- Un responsable provincial accusé d’avoir envoyé pendant des années des messages à caractère sexuel et d’avoir eu des gestes déplacés.
- Un ex-conseiller de la Moncloa qui considérait qu’un « non » poli n’en était pas vraiment un.
- Un cadre de la direction nationale visé par de nouvelles plaintes récentes.
- Et même des employées subalternes qui racontent des invitations insistantes à dîner ou à dormir « chez lui ».
Le parti a beau avoir annoncé la mise en place d’un soutien juridique et psychologique pour les victimes, le mal est fait. L’image du PSOE progressiste, défenseur des droits des femmes, en prend un sérieux coup.
Je ne peut s’empêcher de penser à cette vieille règle en politique : ce n’est pas le scandale qui tue, c’est la répétition. Et là, on n’est plus dans le scandale isolé. On est dans le système.
Les mesures annoncées : pansement ou vraie réforme ?
Face à la bronca, Pedro Sánchez a dégainé plusieurs annonces : réforme des statuts pour éviter la concentration du pouvoir, protection renforcée des lanceurs d’alerte, anonymat garanti… Des mesures qui, sur le papier, ont l’air sérieuses.
Mais dans les faits ? Beaucoup y voient une opération de communication. Parce que quand vos trois principaux lieutenants historiques sont soit en prison, soit en attente de jugement, soit éclaboussés, promettre de « déconcentrer le pouvoir » sonne un peu comme fermer la porte après que le cheval s’est enfui.
Et maintenant ?
La grande question, c’est jusqu’où cette crise peut aller. Car Pedro Sánchez a déjà prouvé par le passé qu’il était un survivant politique hors pair. Il a repris le parti en 2017 contre tout le monde, a gagné des élections qu’on lui promettait perdues, a formé des gouvernements minoritaires improbables.
Mais là, on joue dans une autre catégorie. Quand votre propre ministre du Travail, qui plus est issue de la gauche radicale, vous somme de « refondre le gouvernement de fond en comble », c’est que la coalition craque de partout.
Et puis il y a l’opinion publique. Les Espagnols ont la mémoire longue pour ce genre de choses. Ils ont déjà fait tomber des gouvernements pour moins que ça – souvenez-vous du Parti populaire et l’affaire Gürtel.
Pour l’instant, Sánchez refuse de remanier et jure qu’il ira jusqu’au bout. Mais dans les couloirs du Congrès, on murmure déjà que 2026 pourrait être une année électorale anticipée. À moins que la justice, elle, ne décide avant.
Une chose est sûre : en cette fin 2025, le PSOE version Pedro Sánchez vit peut-être ses heures les plus sombres depuis son retour au pouvoir. Et l’histoire nous a appris qu’en politique espagnole, quand la tempête arrive, elle ne fait jamais dans la demi-mesure.
Alors, Pedro Sánchez sortira-t-il indemne de cette énième épreuve ? Ou le « capitaine » finira-t-il par être emporté par la vague qu’il prétend affronter ? L’année 2026 nous le dira. En attendant, une chose est certaine : la politique espagnole n’a pas fini de nous surprendre.
