Imaginez un peu : des vallées entières recouvertes d’un vert éclatant, des plantes alignées à perte de vue sous le soleil andin. C’est beau, presque paisible. Mais derrière cette image carte postale se cache une réalité bien plus complexe, et franchement préoccupante. En Bolivie, la culture de la coca vient de battre tous ses records récents, et pas dans le bon sens du terme.
Une explosion qui ne surprend plus grand monde
Les chiffres tombent comme un couperet. Entre 2023 et 2024, la superficie dédiée à la coca a grimpé de 10 % pour atteindre 34 000 hectares. Pour vous donner une idée, cela représente environ trois fois la superficie de Paris. Trois fois ! Et pourtant, la loi du pays n’autorise que 22 000 hectares pour les usages traditionnels. On parle donc d’un excédent de 12 000 hectares. Autant dire que la différence est énorme.
Je me souviens avoir suivi ce dossier il y a quelques années, et déjà à l’époque, les alertes fusaient. Mais là, on passe un cap. Ce n’est plus une simple dérive, c’est une véritable flambée. Et le plus troublant, c’est que beaucoup semblaient s’y attendre.
La coca, entre tradition et déviation
Il faut bien comprendre une chose : la feuille de coca n’est pas diabolique en soi. Dans les communautés autochtones, elle fait partie intégrante de la culture depuis des siècles. On la mâche pour lutter contre le mal des montagnes, on en fait des infusions pour ses vertus médicinales. C’est un symbole fort, presque sacré pour certains.
Mais voilà, cette même feuille est aussi la matière première de la cocaïne. Et quand les surfaces cultivées dépassent largement ce qui est nécessaire pour les usages légaux, une grande partie finit inévitablement dans les laboratoires clandestins. Les experts sont unanimes là-dessus : l’excédent alimente directement le narcotrafic.
L’écart entre la superficie autorisée et celle constatée atteint 12 000 hectares.
– Une représentante d’un organisme international spécialisé
Cette citation résume parfaitement l’ampleur du problème. Et elle date de la présentation des derniers chiffres. Difficile de faire plus clair.
Un héritage politique lourd à porter
Maintenant, intéressons-nous aux raisons. Parce que non, ce n’est pas sorti de nulle part. Beaucoup pointent du doigt une certaine permissivité qui aurait marqué les années précédentes. Pendant près de vingt ans, le pays a été dirigé par des gouvernements de gauche qui défendaient ardemment la feuille de coca comme élément de souveraineté nationale.
Cette posture avait même conduit à l’expulsion, en 2008, de l’agence américaine chargée de la lutte antidrogue. Un geste fort, symbolique. Résultat ? Pendant longtemps, les contrôles ont été relâchés, les éraddications limitées. Et la nature, comme on dit, a horreur du vide.
Aujourd’hui, avec l’arrivée d’un gouvernement de centre droit, le ton change radicalement. Le ministre de l’Intérieur parle sans détour de « permissivité qui existait dans un passé récent ». Et il promet de travailler « d’arrache-pied » pour réduire ces cultures. On sent une vraie volonté de rupture.
La Bolivie dans le trio de tête mondial
Pour bien mesurer l’enjeu, il faut zoomer un peu. La Bolivie n’est pas un acteur mineur. Elle occupe la troisième place mondiale pour la culture de coca, derrière la Colombie et le Pérou. En 2023, ces deux derniers dominaient largement le classement, mais la Bolivie grignotait du terrain.
Ce qui frappe, c’est la dynamique. Pendant que certains voisins arrivaient à stabiliser ou même réduire leurs surfaces, la Bolivie, elle, accélérait. Comme si les efforts internationaux concentrés ailleurs avaient laissé un boulevard.
- Colombie : leader incontesté avec des centaines de milliers d’hectares
- Pérou : solide deuxième, avec une production importante
- Bolivie : troisième, mais en forte progression ces dernières années
Cette liste montre bien que le problème est régional. Aucun pays n’est une île dans ce domaine.
Vers un durcissement de la lutte antidrogue ?
Le nouveau pouvoir semble décidé à passer à l’action. Parmi les annonces qui ont retenu l’attention : le retour imminent d’une coopération internationale renforcée, y compris avec des partenaires autrefois écartés. Le chef de la lutte antidrogue parle même de chiffres « exorbitants » et promet une intensification des éraddications.
Mais soyons honnêtes, ce n’est pas la première fois qu’on entend ce discours. La question que je me pose, et que beaucoup se posent, c’est : est-ce que cette fois sera la bonne ? Parce que réduire 12 000 hectares illégaux, ça ne se fait pas en claquant des doigts.
Il faudra non seulement des moyens, mais aussi une vraie stratégie. Car derrière chaque champ de coca, il y a des familles qui en vivent. Des paysans souvent pauvres, pour qui cette culture représente la seule source de revenu décente. Ignorer cet aspect social serait une erreur fatale.
Nous allons travailler d’arrache-pied pour tenter de réduire les cultures de coca.
– Un haut responsable du gouvernement bolivien
Ces mots sonnent comme une détermination réelle. Reste à voir si les actes suivront.
Les défis d’une éradication efficace
Éradiquer, c’est bien. Mais éradiquer intelligemment, c’est mieux. L’histoire a montré que les destructions forcées sans alternative économique conduisent souvent à des révoltes ou à un déplacement du problème vers d’autres zones.
En Bolivie, les régions productrices comme les Yungas ou le Chapare sont des bastions historiques. Les cocaleros – les cultivateurs de coca – y sont organisés, influents. Toute politique trop brutale risque de provoquer des tensions sociales majeures.
L’idéal serait de combiner répression et développement. Proposer des cultures de substitution rentables : bananes, café, cacao, agrumes… Plus facile à dire qu’à faire, je vous l’accorde. Les prix de la coca restent attractifs, surtout quand le marché international de la cocaïne tourne à plein régime.
Un problème aux ramifications mondiales
On a tendance à voir ça comme un problème bolivien, ou au mieux sud-américain. Mais en réalité, la cocaïne produite là-bas finit sur tous les continents. L’Europe, les États-Unis, l’Asie… personne n’est épargné.
Et la demande ne faiblit pas. Au contraire. Tant qu’il y aura des consommateurs prêts à payer cher, il y aura des producteurs prêts à prendre le risque. C’est une équation cruelle, mais implacable.
Du coup, la responsabilité est partagée. Les pays producteurs doivent agir, bien sûr. Mais les pays consommateurs ont aussi leur part du boulot : prévention, répression du trafic, traitement des addictions.
Et demain ? Scénarios possibles
Franchement, l’avenir reste incertain. Si le gouvernement tient ses promesses et que la coopération internationale repart, on pourrait assister à une inversion de tendance d’ici quelques années. Mais il faudra du temps, de la constance, et beaucoup de moyens.
À l’inverse, si les efforts retombent comme par le passé, les 34 000 hectares d’aujourd’hui pourraient n’être qu’un étape vers des chiffres encore plus vertigineux. Et là, le défi deviendrait quasi insurmontable.
Personnellement, j’espère que cette fois sera différente. Parce que derrière les statistiques, il y a des vies, des communautés, un pays entier qui mérite mieux que d’être résumé à ce seul problème. La Bolivie a tant à offrir : ses paysages grandioses, sa richesse culturelle, son peuple résilient.
Peut-être que cette crise sera l’occasion d’un vrai tournant. Pas seulement répressif, mais aussi social et économique. Un tournant qui permettrait enfin de distinguer clairement la coca sacrée de la coca déviante. Utopique ? Peut-être. Mais parfois, il faut oser y croire.
En attendant, une chose est sûre : le sujet mérite qu’on s’y attarde. Parce qu’il nous parle de traditions, de pauvreté, de géopolitique, de choix de société. Rien de moins.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Les annonces du nouveau gouvernement vous semblent-elles crédibles ? Ou reste-t-on dans le éternel cycle des promesses non tenues ? Le débat est ouvert.
