Imaginez un peu : un cinéma qui ferme ses portes à cause des loyers exorbitants, comme tant d’autres lieux culturels dans Paris. Et puis, contre toute attente, des passionnés décident de ne pas laisser mourir ce symbole du Quartier Latin. Huit ans plus tard, il renaît de ses cendres. C’est exactement ce qui arrive avec ce cinéma emblématique du 5e arrondissement. Franchement, quand on entend ce genre d’histoire, on se dit que l’espoir existe encore dans le monde de la culture.
Je me souviens encore de ces salles indépendantes qu’on fréquentait étudiant, où on découvrait des films qu’on ne voyait nulle part ailleurs. Perdre ça, c’est perdre un bout d’âme de la ville. Heureusement, parfois, les gens se mobilisent. Et là, ils ont fait bien plus que protester : ils ont tout repris en main.
Une renaissance qui semblait impossible
Tout a commencé avec une fermeture brutale en 2018. Le propriétaire de l’époque, un comité d’entreprise, n’arrivait plus à assumer les coûts. La salle, pourtant adorée des cinéphiles, risque de disparaître, peut-être transformée en quelque chose de bien moins poétique. Mais un groupe de passionnés refuse d’accepter ça.
En 2019, ils décident d’occuper les lieux. Pas pour faire du bruit, mais pour continuer à projeter des films. Pendant plus de deux ans, malgré les difficultés, ils programment des centaines de séances. On parle de plus de 1 300 projections ! C’était ouvert du matin au soir, parfois jusqu’à minuit. Une vraie résistance culturelle, en somme.
Ce lieu représente tous ces espaces culturels étouffés par la spéculation immobilière dans Paris.
– Une membre active du collectif
L’occupation prend fin en 2022 avec une expulsion, mais l’idée d’un rachat collectif a déjà germé. Au début, le prix annoncé fait peur : autour de 4 millions d’euros. Qui pourrait réunir une telle somme pour un cinéma ? Ça paraissait complètement fou.
Le pari fou du rachat citoyen
Pourtant, ils ne lâchent rien. Ils créent une structure spéciale, un fonds de dotation, qui permet de collecter des dons tout en restant dans un cadre non lucratif. Une première campagne rapporte 100 000 euros. Pas énorme, mais suffisant pour y croire vraiment.
Après de longues négociations, le prix descend à 2,3 millions. Des milliers de personnes participent : 5 000 donateurs au total. Il y a les petits gestes solidaires, et puis quelques soutiens plus conséquents. Même des figures internationales du cinéma apportent leur voix. Pensez à des réalisateurs légendaires qui prennent position publiquement. Ça donne une visibilité incroyable.
En parallèle, un prêt bancaire de 800 000 euros complète le puzzle. Et en juin 2024, c’est fait : le collectif devient propriétaire. À ce moment-là, je me suis dit que tout était possible quand une communauté se serre les coudes.
- Collecte initiale réussie qui redonne espoir
- Négociations acharnées pour baisser le prix
- Soutiens de personnalités du cinéma mondial
- Prêt bancaire pour boucler le financement
- Acquisition officielle en 2024
Cette étape marque un tournant. Posséder les murs, c’est la garantie de ne plus dépendre des loyers fous. C’est une liberté immense pour programmer ce qu’on veut, comme on veut.
Des travaux titanesques pour une mise aux normes
Mais acheter, c’est une chose. Rendre la salle exploitable en 2025, c’en est une autre. Les travaux nécessaires dépassent les 600 000 euros. Il faut tout remettre à niveau : désamiantage, sécurité incendie, électricité, accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.
Les bénévoles, toujours eux, se retroussent les manches. Aidés par des subventions du Centre national du cinéma, de la région et de la mairie de Paris. Chaque euro compte. À un moment, il manquait encore 300 000 euros. Ils ont même traversé l’Atlantique pour organiser des projections et trouver de nouveaux mécènes.
Et puis, il y a cette reconnaissance venue de Venise : une mention spéciale pour leur courage. Ça booste le moral, forcément. Finalement, la commission de sécurité donne son accord il y a quelques semaines seulement. Ouf.
Nous avons transformé un bâtiment ancien en un espace sûr et accueillant pour tous.
– Un responsable des travaux
Un modèle économique et artistique unique
Ce qui rend ce cinéma si particulier, c’est son fonctionnement. Pas de hiérarchie classique, pas de logique purement commerciale. Tout est pensé pour rester indépendant, associatif, solidaire.
La programmation ? Elle se fait collectivement. On met en avant des films qu’on ne voit pas partout : auteurs peu distribués, cinéma engagé, récits venus du monde entier, patrimoine oublié ou sorties récentes hors circuits mainstream.
- Films de lutte et engagés
- Œuvres d’autrices et auteurs invisibilisés
- Projections de patrimoine en 35 mm
- Découvertes internationales
- Séances organisées par des associations partenaires
Et le prix d’entrée ? Libre. Chacun donne ce qu’il peut ou ce qu’il veut. Pendant l’occupation, la moyenne tournait autour de 4,40 euros. C’est une philosophie : la culture doit être accessible, pas un luxe.
Pour assurer la pérennité, il y aura un bar tout neuf, des salles de post-production, et la possibilité de privatiser pour des événements. Une demi-douzaine d’associations prévoient déjà d’y organiser leurs cycles. Ouvert du mercredi au dimanche, avec des temps forts réguliers.
Deux salles préservées pour l’avenir du cinéma
Le bâtiment garde ses deux salles : une de 120 places, l’autre de 65. Les cabines sont équipées à la fois en numérique et en 35 mm. C’est rare de nos jours, cette capacité à projeter des copies pellicule. Ça permet de montrer des classiques dans leur format d’origine, avec ce grain si particulier.
Personnellement, je trouve ça essentiel. Dans un monde où tout passe au numérique, garder cette option, c’est préserver une partie de l’histoire du cinéma. Et puis, l’expérience n’est pas la même.
Pourquoi cette histoire nous touche autant
Au-delà des chiffres et des dates, il y a quelque chose de profondément humain. Près de 200 bénévoles qui donnent de leur temps, de leur énergie. Des gens ordinaires qui refusent de voir leur quartier perdre son âme.
Paris change vite. Les loyers grimpent, les lieux indépendants ferment les uns après les autres. Cette victoire montre qu’on peut résister. Pas seul, mais ensemble. En créant des modèles alternatifs, solidaires.
Et puis, il y a cette idée que la culture n’appartient pas qu’aux gros groupes. Elle peut être gérée par ceux qui l’aiment vraiment. Sans chercher le profit maximum, mais l’impact maximum.
C’est l’aboutissement de années de combat, mais aussi le début d’une nouvelle aventure.
Vers une réouverture attendue le 14 janvier 2026
La date est fixée : le 14 janvier 2026. La première séance reste une surprise, mais on sait déjà qu’il y aura des événements forts dès le départ. Les membres du collectif préparent tout avec enthousiasme.
Si vous êtes à Paris, ou de passage, marquez cette date. Aller voir un film là-bas, ce sera plus qu’une sortie cinéma. Ce sera soutenir un projet qui prouve que la passion peut déplacer des montagnes.
L’aspect le plus touchant, à mon avis, c’est cette persévérance. Huit ans de lutte, de doutes, de petites victoires et de gros obstacles. Et pourtant, ils y sont arrivés. Ça redonne foi en la capacité des citoyens à reprendre la main sur leur environnement culturel.
Dans une époque où tout semble aller trop vite, où les algorithmes décident souvent de ce qu’on voit, un lieu comme celui-ci fait figure d’oasis. Un espace où le choix est humain, collectif, engagé.
Alors oui, le 14 janvier, les lumières s’allumeront à nouveau rue Daubenton. Et avec elles, un peu d’espoir pour tous les amoureux du cinéma indépendant. Parce que finalement, sauver une salle, c’est sauver bien plus que ça.
Et vous, avez-vous déjà vécu une mobilisation comme celle-ci dans votre quartier ? Ou fréquenté des cinémas associatifs qui résistent ? Ce genre d’initiative mérite d’être connu et soutenu. Paris a de la chance d’avoir encore des passionnés prêts à tout pour préserver son patrimoine culturel vivant.
En attendant la réouverture, on peut déjà imaginer les futures séances. Des débats animés après les projections, des découvertes inattendues, des soirées thématiques. Tout ce qui fait le sel du cinéma d’art et d’essai.
Cette histoire nous rappelle aussi l’importance de l’accès à la culture pour tous. Avec le prix libre, personne n’est exclu pour des raisons financières. Dans une ville aussi chère que Paris, c’est un geste fort.
Bref, j’ai hâte de voir la suite. Et je suis sûr que beaucoup de cinéphiles partagent ce sentiment. Le Quartier Latin va retrouver un de ses joyaux. Et peut-être que cette réussite inspirera d’autres collectifs ailleurs en France.
Parce qu’après tout, la culture, c’est nous qui la faisons vivre. Ou pas.
