Vous souvenez-vous de ces après-midis où, rentré de l’école, vous vous précipitiez devant la télé pour ne pas rater le générique enjoué du Club Dorothée ? Ces moments où des séries comme Hélène et les garçons rythmaient nos soirées, avec leurs histoires d’amour un peu naïves mais tellement addictives. Eh bien, derrière cette vague de programmes qui a marqué toute une génération, il y avait un homme discret mais visionnaire : Claude Berda. Son décès, survenu récemment à l’âge de 78 ans, nous rappelle à quel point certaines figures de l’ombre ont façonné notre culture populaire.
C’est avec une certaine émotion que j’ai appris la nouvelle. Pas seulement parce que ces émissions font partie de mon enfance – comme pour tant d’entre nous – mais parce que l’histoire de cet entrepreneur illustre parfaitement comment une intuition peut transformer le paysage télévisuel d’un pays entier. Claude Berda n’était pas sous les projecteurs, pourtant son impact est immense.
Un parcours qui a révolutionné la télévision jeunesse française
Tout commence vraiment dans les années 70, quand deux jeunes hommes ambitieux décident de s’associer. L’un est passionné de musique, l’autre a déjà un flair pour les affaires. Ensemble, ils fondent une société qui va d’abord se spécialiser dans le disco, avant de prendre un virage décisif vers la production télévisuelle. Ce duo complémentaire va créer ce qui deviendra l’un des empires les plus influents de la télé française des années 80 et 90.
Claude Berda, né en 1947, n’avait pas initialement prévu de devenir une figure de la télévision. Diplômé en droit et gestion, il commence modestement en vendant des vêtements, ouvre des boutiques sur la Côte d’Azur. C’est là qu’il affine son sens du commerce, comprend ce qui plaît au public. Une rencontre change tout : celle avec un ancien collaborateur d’une grande star de la chanson. De cette alliance naît AB Productions, ce « AB » qui représente leurs initiales.
Les débuts dans la musique et le virage vers la télé
À l’origine, la société se concentre sur la production musicale. Le disco bat son plein, et ils surfent sur la vague avec talent. Mais Claude Berda a une vision plus large. Il sent que la télévision, en pleine privatisation en France, offre des opportunités énormes. Surtout pour les programmes destinés aux enfants et adolescents, un créneau alors sous-exploité.
C’est ainsi que naît l’idée de proposer des émissions dynamiques, colorées, avec une animatrice charismatique capable de parler directement aux jeunes. Dorothée devient la figure de proue de cette aventure. Leur collaboration va durer des années et marquer des millions de téléspectateurs.
Mon Claude, ta petite sœur de cœur, comme tu aimais m’appeler, ne pourra jamais t’oublier.
– Dorothée
Cette phrase, pleine d’émotion, montre à quel point les liens allaient au-delà du professionnel. Une vraie complicité, presque familiale, qui transparaissait à l’écran.
Le phénomène Club Dorothée : plus qu’une émission, un rendez-vous générationnel
Diffusé pendant près de dix ans sur une grande chaîne privée, le Club Dorothée n’était pas seulement une émission jeunesse. C’était un véritable phénomène culturel. Des dessins animés japonais aux chansons interprétées en direct, en passant par les jeux et les invités, tout était pensé pour captiver les plus jeunes.
Mais ce qui a vraiment explosé, ce sont les sitcoms produites en interne. Des séries tournées rapidement, avec des budgets modestes, mais qui touchaient juste. Les histoires d’étudiants, d’amitiés, de premiers amours résonnaient parfaitement avec le public adolescent.
- Des décors simples mais efficaces, souvent un appartement ou un campus
- Des dialogues naturels, parfois improvisés, qui donnaient une impression de proximité
- Des acteurs jeunes et accessibles, qui devenaient vite des idoles
- Une production en série, permettant de diffuser plusieurs épisodes par semaine
Ces ingrédients ont fait mouche. À une époque où les séries américaines dominaient, AB Productions a réussi à imposer un modèle français, abordable et proche du public.
Hélène et les garçons : le succès qui a tout changé
Parmi toutes ces séries, une a particulièrement marqué les esprits. Hélène et les garçons, avec son générique entêtant et ses intrigues amoureuses interminables. Qui n’a pas suivi les aventures d’Hélène, des garçons du garage, des disputes et réconciliations à répétition ?
Ce succès a donné naissance à tout un univers : Premiers baisers, Le Miracle de l’amour, Les Vacances de l’amour… Des spin-off qui prolongeaient l’addiction. J’ai moi-même passé des heures devant ces épisodes, comme beaucoup d’entre vous sans doute. Il y avait quelque chose de réconfortant dans cette légèreté assumée.
Ce qui est fascinant, c’est la vitesse de production. AB Productions tournait à un rythme industriel, avec des équipes rodées. Claude Berda, en bon gestionnaire, veillait à l’efficacité économique tout en laissant une liberté créative.
Je perds comme un frère. On s’est connus quand on était étudiants tous les deux.
– Jean-Luc Azoulay, son associé historique
Cette réaction montre la profondeur de leur relation. Même après leur séparation professionnelle au début des années 2000, l’amitié est restée.
Les controverses : quand la réussite attire les critiques
Il faut bien l’avouer, le succès du Club Dorothée n’a pas été sans remous. À l’époque, certains critiquaient la programmation de dessins animés japonais jugés trop violents. Des débats animaient les plateaux télé, opposant défenseurs de la culture française et partisans d’une ouverture plus large.
Claude Berda et son équipe ont dû naviguer dans ces eaux troubles. Mais avec le recul, on voit bien que cette période a ouvert la voie à une télévision plus diversifiée. Les enfants d’alors ont découvert des univers variés, qui ont influencé toute une génération de créateurs.
L’aspect peut-être le plus intéressant, c’est comment ces programmes ont créé une véritable communauté. Les fans écrivaient des lettres, participaient aux émissions, collectionnaient les posters. Une interaction directe qui préfigurait, d’une certaine manière, les réseaux sociaux d’aujourdjourd’hui.
Après AB Productions : une seconde vie dans l’immobilier
Vers la fin des années 90, les choses évoluent. La concurrence s’intensifie, les goûts changent. Claude Berda choisit de passer la main sur la production télévisuelle à son associé, tout en restant actionnaire un temps. La société sera finalement rachetée des années plus tard par un grand groupe médiatique.
Lui se tourne vers d’autres horizons. L’immobilier, notamment en Suisse et au Portugal, devient son nouveau terrain de jeu. Il obtient même la double nationalité. Preuve d’une capacité d’adaptation remarquable, typique des grands entrepreneurs.
Discret, il s’éloigne des caméras. Pourtant, son héritage continue de vivre à travers les rediffusions, les plateformes de streaming qui reprennent ces classiques, et surtout dans la mémoire collective.
L’héritage d’une vision : pourquoi ça nous touche encore
Aujourd’hui, quand on regarde des séries jeunesse actuelles, on sent encore l’influence de cette époque. Cette capacité à produire en masse du contenu divertissant, proche du public. Claude Berda avait compris avant beaucoup que la télévision pouvait être un miroir de la vie quotidienne, même dans sa version idéalisée.
Son intuition a permis à des millions d’enfants de rêver, de rire, parfois de pleurer devant leurs histoires préférées. Et ça, franchement, c’est pas rien. Dans un monde médiatique souvent dominé par les grandes productions internationales, il a prouvé qu’un modèle local pouvait cartonner.
- Une compréhension fine du public jeune
- Une production efficace et créative
- Des talents mis en avant, de l’animation à la comédie
- Un sens du timing parfait pour capter les tendances
Ces éléments expliquent le succès durable. Et même si les critiques ont parfois été vives, le temps a fait son œuvre : aujourd’hui, c’est surtout la nostalgie qui domine.
Sa famille l’a décrit comme un homme chaleureux, charismatique. Ceux qui l’ont côtoyé parlent d’une intuition rare pour les affaires médiatiques. Des qualités qui ont permis de créer des programmes qui, trente ans plus tard, font encore sourire.
En fin de compte, le départ de Claude Berda nous invite à une réflexion. Sur l’importance des entrepreneurs culturels, ceux qui osent investir dans le divertissement populaire. Sur la façon dont la télévision a façonné nos souvenirs d’enfance. Et peut-être aussi sur la fragilité de ces moments qui semblaient éternels.
Personnellement, je pense que son plus grand mérite est d’avoir offert à toute une génération des repères joyeux. Dans une époque parfois compliquée, ces émissions étaient un refuge. Merci pour ça.
Et vous, quel est votre souvenir préféré de cette époque ? Une série en particulier, une chanson du Club Dorothée, un moment marquant ? Ces programmes ont accompagné tant d’enfances qu’il y a forcément une anecdote qui vous revient en tête en lisant ces lignes.
L’histoire de Claude Berda nous rappelle que derrière les écrans, il y a des femmes et des hommes qui, par leurs choix, influencent des millions de vies. Son parcours, modeste au départ, devenu exceptionnel par la persévérance et la vision, mérite qu’on s’y attarde. Parce qu’au fond, il a contribué à écrire un chapitre important de notre culture télévisuelle commune.
Reposez en paix, Monsieur Berda. Vos programmes continuent de vivre dans nos cœurs.
