Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait pousser quelqu’un à transformer sa maison en véritable sanctuaire pour des oiseaux ? Pas n’importe quels oiseaux, attention : des perruches anglaises, ces petites boules de plumes sophistiquées qui demandent des soins dignes d’athlètes de haut niveau. J’avoue que quand j’ai entendu parler de cette histoire, j’ai d’abord souri. Et puis, en creusant un peu, je me suis dit que derrière cette passion apparemment insolite se cache quelque chose de profondément humain.
C’est en Lorraine, dans une petite ville de la vallée de la Fensch, qu’un retraité approche des 70 ans consacre presque toute son énergie à environ 200 perruches. Et pas pour le plaisir des yeux seulement : cet homme est rien de moins que double champion du monde dans sa discipline. Oui, vous avez bien lu. Il existe des championnats du monde pour ces volatiles, et lui y excelle.
Une passion née d’un heureux hasard
Tout a commencé il y a près de quarante ans, presque par accident. Un jour, une proche lui confie deux canaris pour quelques jours. À son retour, elle remarque que les oiseaux semblent plus épanouis chez lui. « Garde-les, ils ont l’air plus heureux avec toi », lui dit-elle. Ce petit épisode anodin allait changer sa vie.
Curieux, il se renseigne auprès d’éleveurs locaux. Il teste différentes espèces, mais très vite, son cœur balance pour la perruche anglaise. Cette variété, plus imposante et plus sophistiquée que la perruche ondulée classique, le fascine. Ses plumes abondantes, sa posture fière, son allure presque aristocratique… Il y voit une beauté à préserver et à perfectionner.
Aujourd’hui, quand il raconte cette anecdote, on sent encore l’amusement dans sa voix. Comme si cette rencontre fortuite avec deux canaris avait ouvert une porte qu’il n’imaginait même pas. L’aspect le plus touchant, peut-être, c’est que cette passion est arrivée à un moment où il exerçait un métier bien différent : il était policier. Deux univers aux antipodes, non ?
Une maison transformée en volière géante
Chez lui, tout est organisé autour de ses protégées. Au rez-de-chaussée, sous le salon, des cages accueillent les oiseaux en phase d’élevage. Quand la saison de reproduction arrive, il accouple soigneusement les couples, surveille les œufs dans de petites niches protégées. Chaque détail compte.
Les petits grandissent, sont choyés, sélectionnés. Certains sont échangés avec d’autres passionnés du club local. Les adultes les plus prometteurs rejoignent une grande volière installée dans le jardin. Là, ils peuvent voler librement, profiter de l’air frais. C’est un peu leur terrain d’entraînement ultime avant les grands concours.
Mais la partie la plus impressionnante reste l’élite. Ces perruches-là sont préparées comme des championnes olympiques. Avant chaque compétition, il passe des heures à épiler délicatement les plumes rebelles, à vérifier leur posture, leur éclat. Parce que dans ces concours, tout se joue sur l’esthétique parfaite.
« J’ai l’impression d’être un entraîneur sportif. Elles doivent se tenir droites, fières, avec une allure impeccable. »
Et le résultat parle de lui-même : 84 titres nationaux et deux couronnes mondiales. Des chiffres qui donnent le vertige quand on imagine la concurrence.
Les exigences d’une perruche anglaise
Pourquoi la perruche anglaise et pas une autre espèce ? Tout simplement parce qu’elle est plus exigeante. Plus grande, avec une crête impressionnante et un plumage très fourni, elle demande une attention constante. L’alimentation doit être parfaitement équilibrée, l’environnement stable, les soins quotidiens rigoureux.
Cela coûte cher, aussi. Près de 200 euros par mois aux périodes les plus intenses. Graines spéciales, suppléments vitaminiques, matériel… Tout s’additionne. Sans parler du temps passé : plusieurs heures par jour, été comme hiver. C’est une passion qui dévore, au sens propre comme au figuré.
- Nettoyage quotidien des cages
- Préparation des mélanges alimentaires adaptés
- Surveillance de la santé de chaque individu
- Sélection génétique pour améliorer les lignées
- Épilation minutieuse avant concours
Mais pour lui, ça en vaut largement la peine. Il compare souvent son rôle à celui d’un coach : il faut motiver, préparer, corriger. Et quand une de ses perruches monte sur le podium, la fierté est immense.
Des concours où tout se joue sur un détail
Dans le monde de l’ornithologie de concours, la perruche anglaise est jugée sur des critères très précis. Taille, forme du corps, qualité et densité du plumage, couleur, posture sur le perchoir… Un jury expérimenté passe au peigne fin chaque spécimen.
À l’échelle mondiale, la concurrence est féroce. Lors des grands championnats, ce sont parfois près de 20 000 oiseaux qui s’affrontent. Imaginez l’organisation que cela représente. Et pourtant, ce Lorrain a réussi à placer les siennes tout en haut, à deux reprises.
Prochain objectif ? Les championnats du monde prévus en 2028 à Colmar, en Alsace. Cette fois, pas besoin de prendre l’avion : la compétition se déroule en France. Il pourra transporter ses championnes sans trop de stress. Parce que oui, le bien-être des oiseaux passe avant tout.
« Je refuse de les faire voyager à l’étranger. Elles ne supporteraient pas le trajet. »
Cette phrase en dit long sur l’attachement qu’il leur porte. Ce ne sont pas de simples animaux de concours. Ce sont des compagnons.
Un attachement viscéral
Parler de ses perruches, c’est aussi évoquer l’émotion. Il avoue sans détour que lorsqu’il en perd une, ça lui prend aux tripes. Après tant d’heures passées ensemble, tant de soins prodigués, la disparition laisse un vide.
Cet aspect-là m’a particulièrement touché. Dans une société où l’on valorise souvent les passions spectaculaires ou lucratives, voilà un homme qui trouve son équilibre dans le soin apporté à de petits êtres fragiles. Pas de gloire tapageuse, pas de fortune. Juste une relation profonde avec la nature et les animaux.
Sa famille, elle, suit avec un mélange d’admiration et parfois d’exaspération. On imagine facilement que 200 oiseaux à la maison, ça prend de la place. Ça fait du bruit. Ça demande une organisation sans faille. Mais quand on voit la sérénité qui émane de cet éleveur, on comprend que cette passion lui apporte bien plus qu’elle ne coûte.
L’ornithologie amateur, une communauté passionnée
Il n’est pas seul dans cette aventure. Un club local réunit les éleveurs de la région. On y échange des oiseaux, des conseils, des astuces. C’est une communauté soudée, où la transmission du savoir est essentielle.
Beaucoup commencent comme lui : par hasard, par curiosité. Et puis, petit à petit, la passion grandit. Certains se spécialisent dans les canaris, d’autres dans les diamants de Gould ou les mandarins. Mais la perruche anglaise reste une discipline à part, plus technique, plus exigeante.
- Choisir une espèce qui nous correspond
- Apprendre les bases auprès d’éleveurs expérimentés
- Investir dans du matériel de qualité
- Participer à des expositions locales pour progresser
- Viser les grands concours nationaux, puis internationaux
Le parcours classique, en somme. Mais peu arrivent au niveau mondial. Cela demande une constance rare, une attention aux détails presque obsessionnelle.
Et demain ?
À l’approche de la retraite bien entamée, il prépare déjà l’avenir. Sélectionner les meilleures lignées, transmettre son savoir, peut-être encourager un jeune à prendre la relève. Parce que ces passions-là, elles se perdent si personne ne les porte.
En 2028, à Colmar, il espère briller une nouvelle fois. Pas pour la gloire personnelle, mais pour ses oiseaux. Pour leur rendre hommage, en quelque sorte. Et qui sait, peut-être qu’une de ses perruches décrochera un troisième titre mondial pour la maison.
En attendant, la vie continue au rythme des battements d’ailes et des gazouillis. Une vie simple, en apparence. Mais tellement riche en émotions. Parfois, je me dis que nous pourrions tous apprendre quelque chose de cet homme : prendre le temps de s’occuper vraiment de ce qui nous tient à cœur, même si cela semble insignifiant aux yeux du monde.
Et vous, quelle est votre passion un peu folle ? Celle qui vous fait lever le matin avec le sourire ? Celle pour laquelle vous seriez prêt à tout ? Peut-être que l’histoire de ce champion lorrain vous donnera envie de vous lancer, ou simplement de redécouvrir ce qui vous fait vibrer.
Cet univers des concours ornithologiques est bien plus vaste et captivant qu’on ne l’imagine. Derrière les plumes colorées se cachent des années de patience, de savoir-faire et d’amour inconditionnel pour les animaux. Une belle leçon de vie, finalement.
