Imaginez une ville magnifique, classée au patrimoine mondial, qui bascule soudain vers une gestion résolument verte. C’est ce qui s’est passé à Bordeaux en 2020. Et cinq ans plus tard, à l’approche des municipales de 2026, on se demande si cette révolution écologique tient toujours ses promesses ou si elle a dû, comme on dit, mettre un peu d’eau dans son vin.
Je me souviens encore de l’effervescence de cette soirée électorale. Beaucoup y voyaient un vent nouveau, une prise de conscience collective. Aujourd’hui, le tableau est plus nuancé. Le maire sortant, Pierre Hurmic, n’a pas encore officialisé sa candidature pour un second mandat, mais son bilan fait déjà beaucoup parler. Entre fierté affichée et critiques acerbes, Bordeaux reste une ville qui fascine et divise.
Pierre Hurmic : un mandat écologiste sous le regard de tous
Quand on pense à Bordeaux, on visualise immédiatement les quais animés, les vignobles prestigieux, cette qualité de vie qui place la ville parmi les plus attractives de France. Troisième au classement, rien que ça. Mais depuis 2020, la gestion municipale a pris un virage marqué à gauche, avec une forte coloration écologique. Et cela n’a pas été sans remous.
Pierre Hurmic incarne cette transition. Avocat de formation, engagé de longue date, il a surpris en remportant la mairie face à des poids lourds traditionnels. Son discours ? Une écologie pragmatique, ancrée dans le quotidien des habitants. Mais la réalité du pouvoir a vite imposé ses contraintes. On le sent plus mesuré aujourd’hui, comme s’il avait appris à composer avec les réalités d’une grande métropole.
Le sapin de verre : symbole d’une écologie qui ne transige pas toujours
Difficile d’évoquer ce mandat sans reparler de Noël. Vous vous souvenez sans doute de la polémique autour du traditionnel arbre. En 2021, le maire avait refusé catégoriquement l’installation d’un « arbre mort » sur la place principale. Choix assumé, presque militant. Cela avait fait les gros titres, divisant les Bordelais entre ceux qui saluaient la cohérence écologique et ceux qui y voyaient une rupture avec la magie des fêtes.
Eh bien, en cette fin 2025, le sapin est toujours là… mais en verre. Une structure imposante de 11 mètres, toute en transparence et jeux de lumière. L’équipe municipale la présente comme une alternative durable, sobre, artistique. Personnellement, je trouve que ça a du style. Ça reflète littéralement la ville, avec ses façades historiques dans les miroirs. Mais avouons-le, ça ne remplace pas tout à fait la chaleur d’un vrai sapin pour certains.
Une vision artistique durable et sobre de Noël.
– Communication municipale
Ce choix persistant montre que sur certains sujets symboliques, Pierre Hurmic ne cède pas. C’est peut-être ce qui fait sa force aux yeux de ses soutiens : une ligne claire. Mais c’est aussi ce qui alimente les critiques d’une partie de l’opposition, qui y voit une forme de rigidité.
Circulation et embouteillages : le dossier qui fait grincer des dents
Parlons maintenant d’un sujet bien plus concret : la circulation. Bordeaux veut devenir une ville apaisée, privilégiant les vélos, les tramways, les piétons. Ambitieux, nécessaire même à long terme. Mais dans les faits, beaucoup d’habitants pestent contre les embouteillages récurrents.
Les aménagements cyclables se multiplient, les zones à faible vitesse aussi. Résultat ? Certains quartiers respirent mieux, c’est indéniable. L’air est plus propre, les rues plus agréables à vivre. Mais pour ceux qui dépendent de leur voiture – artisans, familles avec enfants, habitants de la périphérie – c’est parfois la galère quotidienne.
J’ai discuté récemment avec un commerçant du centre-ville. Il me confiait que les livraisons sont devenues un casse-tête. Les clients hésitent à venir en voiture, craignant les bouchons ou les contraventions. Est-ce que l’équilibre est trouvé ? Pas encore, semble-t-il. Pierre Hurmic répète qu’il faut du temps pour changer les habitudes. C’est vrai. Mais à moins de quatre mois des élections, le temps presse.
- Réduction significative de la place de la voiture dans l’hyper-centre
- Développement massif des pistes cyclables
- Extension des lignes de tramway
- Augmentation des zones 30 km/h
- Critiques sur l’accès aux commerces et aux équipements
Ces mesures ne sont pas isolées. Elles s’inscrivent dans une vision globale de transition. Mais leur mise en œuvre progressive laisse un sentiment mitigé.
Sécurité : un sujet sensible dans une ville attractive
Bordeaux attire. Étudiants, cadres, touristes, retraités aisés… Tout le monde veut sa part du rêve bordelais. Mais cette attractivité a un revers : la pression sur la sécurité.
Le maire écologiste a renforcé la police municipale, installé plus de caméras, développé la médiation. Des efforts visibles. Pourtant, les faits divers continuent de marquer les esprits. Incivilités, trafics dans certains quartiers, sentiment d’insécurité la nuit… Les habitants en parlent beaucoup.
L’opposition pointe du doigt une supposée naïveté. Les soutiens du maire, eux, rappellent que la sécurité relève d’abord de l’État. C’est un débat classique dans toutes les grandes villes. Mais à Bordeaux, il prend une dimension particulière parce que l’image de ville bourgeoise et paisible a été écornée.
Ce qui m’interpelle, c’est que Pierre Hurmic semble avoir durci le ton ces derniers mois. Plus de fermeté affichée, plus de collaboration avec les forces de l’ordre nationales. Comme s’il avait pris la mesure de l’attente des habitants sur ce point crucial.
Logement et attractivité : le paradoxe bordelais
Comment une ville aussi désirée peut-elle connaître une crise du logement aussi aiguë ? C’est le paradoxe de Bordeaux. Les prix flambent, les jeunes peinent à se loger, les classes moyennes s’exilent en périphérie.
La municipalité a lancé des programmes de logements sociaux, encadré les locations saisonnières, combattu la spéculation. Des mesures courageuses, parfois impopulaires auprès des propriétaires. Mais les résultats tardent à se voir concrètement.
En parallèle, l’attractivité ne faiblit pas. Nouvelles entreprises, événements culturels, tourisme en hausse. Bordeaux reste un aimant. Mais pour qui ? C’est la question que beaucoup se posent. L’écologie municipale veut une ville inclusive, mais les réalités économiques tirent dans l’autre sens.
On sent que Pierre Hurmic cherche le juste milieu. Moins dogmatique qu’au début du mandat, plus à l’écoute des contraintes. Il parle désormais d’écologie réaliste, adaptée aux besoins des Bordelais. Un virage stratégique ? Peut-être. En tout cas, une évolution notable.
Vers 2026 : quel avenir pour la Bordeaux verte ?
À quelques mois du scrutin, le suspense reste entier. Pierre Hurmic va-t-il rempiler ? Ses alliés le poussent, ses adversaires l’attendent au tournant. L’opposition fourbit déjà ses armes, promettant plus de fluidité, plus de sécurité, plus de concertation.
Ce qui est certain, c’est que ce mandat aura marqué les esprits. Il a imposé l’écologie dans le débat public local, parfois brutalement, souvent avec conviction. Il a aussi montré les limites de l’exercice du pouvoir quand on veut tout changer vite.
Personnellement, je pense que Bordeaux a gagné en maturité écologique. Les consciences ont évolué. Mais le prochain maire, quel qu’il soit, devra trouver cet équilibre délicat entre ambition verte et réalisme quotidien. Parce que les Bordelais aiment leur ville, et ils veulent qu’elle reste belle, vivable, accueillante.
Les municipales de 2026 s’annoncent passionnantes. Elles diront si l’expérience Hurmic était une parenthèse ou le début d’une nouvelle ère. En attendant, le sapin de verre continue de briller sur la place. Symbole d’une écologie qui, finalement, a appris à refléter la diversité des attentes.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Bordeaux a-t-elle trouvé le bon chemin entre écologie et pragmatisme ? Les prochains mois nous le diront. Une chose est sûre : la capitale girondine ne laisse personne indifférent.
