Imaginez un homme qui, à plus de 76 ans, décide enfin de raccrocher le costume de manager après avoir dirigé des équipes sur plusieurs continents. Pas n’importe qui : le plus vieux entraîneur de l’histoire de la Premier League. Roy Hodgson, avec son allure distinguée et son accent britannique impeccable, incarne une certaine idée du football, celle d’une passion intacte malgré les décennies passées sur les bancs de touche.
Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de plonger dans les souvenirs d’un tel globe-trotter du ballon rond. Polyglotte accompli, il a entraîné en Suède, en Suisse, en Italie, aux Émirats, en Norvège, en Finlande… avant de poser définitivement ses valises en Angleterre. Et pourtant, il se définit sans hésiter comme un pur produit du football anglais.
Roy Hodgson, l’Anglais pur jus malgré un parcours international
Tout commence vraiment pour lui en 1976, à seulement 28 ans, sur un terrain suédois. Premier poste de manager à Halmstads. Pas d’expérience massive, juste un sac de ballons et quelques idées fraîches. Étonnamment, cette naïveté relative va devenir un atout. Pas de concepts trop rigides, juste l’envie de faire jouer une équipe.
Mais c’est en Angleterre qu’il se forme réellement. Les cours, les examens avec la Fédération anglaise, les petits groupes dans la région de Londres. Tout ça forge une identité. Même après des aventures à l’Inter Milan ou en sélection suisse, il revient toujours à ses racines.
Quand il débarque à Blackburn en 1997, à 50 ans, il n’est plus un novice. L’expérience accumulée à l’étranger lui donne une vision large. Pourtant, le choc culturel existe. Le nord de l’Angleterre, ses villes industrielles, son ambiance rugueuse… disons que ce n’est pas la carte postale qu’on imagine en premier.
Ce qui rend le football anglais si spécial
À partir de 2007, il ne quitte plus vraiment l’Angleterre : Fulham, Liverpool, West Brom, la sélection nationale, Crystal Palace, Watford… Une fidélité rare dans un milieu où les chaises musicales tournent sans arrêt.
Alors, qu’est-ce qui le retient tant ? La passion, tout simplement. Cette ferveur populaire qui fait du football le sport roi incontesté. Rugby, cricket ? Respectables, mais rien à voir avec l’engouement autour des matchs du samedi.
Il y a une honnêteté dans le football anglais. Les supporters exigent que les joueurs donnent tout, qu’il n’y ait pas de doute sur l’engagement.
Cette phrase résume beaucoup. Ici, pas question de lever le pied parce que l’enjeu est faible. L’intégrité, l’énergie, la combativité : des valeurs ancrées dans la culture. Et depuis la création de la Premier League en 1992, s’ajoute l’attraction mondiale. Les meilleurs joueurs affluent, attirés par le niveau et les moyens financiers.
L’Angleterre est devenue ce que l’Italie représentait dans les années 90 : le championnat rêvé. Brésiliens, Colombiens, Allemands, Français… tous veulent y jouer. Et les Français, justement, ont apporté une influence majeure.
L’impact des entraîneurs et joueurs français en Premier League
Impossible de parler de l’évolution du football anglais sans évoquer Arsène Wenger. Arrivé quasiment en même temps que Hodgson dans les années 90, il a révolutionné les méthodes. Professionnalisme accru, attention aux détails quotidiens, alimentation, préparation… Avant, les joueurs anglais pouvaient être un peu trop décontractés hors terrain.
Aujourd’hui, la Premier League attire les stars parce qu’elle combine passion brute et excellence technique. Les académies font un travail remarquable, et les moyens permettent d’ajouter cette touche de qualité qui manquait parfois.
Hodgson a lui-même dirigé de nombreux joueurs français : Yohan Cabaye, Mamadou Sakho, Jean-Philippe Mateta, Michael Olise, Odsonne Edouard… Et même plus tôt, Youri Djorkaeff ou Jocelyn Angloma à l’Inter.
Ce qui l’amuse ? Malgré son français courant – acquis lors de six années en Suisse – aucun ne voulait discuter dans la langue de Molière avec lui. Tous passaient à l’anglais, sérieux dans leur intégration. Un signe de respect pour le vestiaire et la culture locale.
Cabaye, notamment, a marqué sa première saison à Crystal Palace, quand il fallait lutter pour le maintien. Un leader discret mais essentiel.
Les langues, un atout sous-estimé ?
Parler suédois, italien, français, un peu d’allemand… Ça aide, bien sûr. Surtout à l’étranger, pour communiquer avec les médias, les supporters, créer du lien. Ça évite l’image du manager british parachuté qui impose sa vision sans écouter.
Certains entraîneurs étrangers ont d’ailleurs peiné à cause de ça. Rester cloîtré dans sa langue peut créer des barrières. Hodgson, lui, a toujours privilégié l’ouverture.
Des moments qui marquent une carrière
Parmi les souvenirs forts, ce match contre Manchester City en 2008 avec Fulham reste gravé. Menés 2-0 à la 70e minute, virtuellement relégués, ils renversent tout pour gagner 3-2. Un tournant dramatique, une explosion d’émotions.
Ce genre de scénario illustre parfaitement ce que Hodgson aime dans le football anglais : l’intensité, le suspense, l’engagement total jusqu’au bout. Pas de calculs, juste du cœur.
Et puis, il y a ces traditions uniques. Le Boxing Day, par exemple. S’entraîner le jour de Noël, jouer le lendemain, parfois loin de chez soi. Pour beaucoup, Noël rime avec famille. Dans le foot anglais, c’est d’abord le match qui prime.
Même aujourd’hui, retraité, il avoue que ça lui manque un peu. Cette ambiance particulière, ces séances légères le 25 décembre avant le choc du 26.
- La ferveur des supporters, même sous la pluie
- Les stades pleins quelle que soit la période
- Cette impression que chaque match compte vraiment
- L’honnêteté réclamée par les fans
Tous ces éléments forment un cocktail unique. Hodgson le sait mieux que personne.
Une longévité exceptionnelle
Tenir jusqu’à 76 ans au plus haut niveau, ce n’est pas banal. Aujourd’hui, rares sont ceux qui envisagent une carrière aussi longue. Mircea Lucescu continue bien au-delà de 80 ans, mais c’est l’exception.
Pour Hodgson, l’arrêt en 2024 semble arriver au bon moment. Content d’une vie bien remplie, il peut désormais regarder les matchs depuis son canapé. Sans stress, sans cette angoisse des dernières minutes où tout peut basculer.
Parce que oui, le métier de manager, c’est aussi beaucoup de souffrance. Ces buts encaissés dans le temps additionnel, ces points perdus bêtement… Ça, il ne regrette pas.
Les émotions, vous savez… Il n’y a rien de pire que de prendre un but dans les arrêts de jeu après avoir dominé.
Roy Hodgson
Mais globalement, le bilan est largement positif. Une carrière fantastique, variée, riche en rencontres et en expériences.
Et demain pour les managers britanniques ?
Hodgson fait partie d’une génération de managers « so British » qui ont marqué l’histoire récente. Des profils expérimentés, attachés à certaines valeurs traditionnelles, mais capables de s’adapter.
Aujourd’hui, le football anglais attire aussi de jeunes entraîneurs étrangers innovants. La Premier League reste un laboratoire fascinant. Mais cette base solide, cette passion populaire, cette exigence d’honnêteté… ça ne changera pas de sitôt.
En écoutant Hodgson, on comprend mieux pourquoi tant de joueurs rêvent encore de fouler les pelouses anglaises. Ce n’est pas seulement une question d’argent ou de visibilité. C’est une ambiance, une culture, une intensité que l’on trouve difficilement ailleurs.
Personnellement, je trouve que cette interview révèle un homme apaisé, fier de son parcours, toujours amoureux du jeu. À une époque où tout va très vite, où les managers sont souvent jugés sur quelques matchs, son témoignage rappelle l’importance de la persévérance et de la passion authentique.
Le football anglais a perdu un de ses serviteurs les plus fidèles. Mais il garde son empreinte, discrète mais profonde. Et quelque part, c’est rassurant.
En fin de compte, Roy Hodgson nous laisse une leçon simple : dans ce métier impitoyable, ce qui compte vraiment, c’est l’amour du jeu. Celui qui vous fait continuer à 76 ans, celui qui vous fait sourire en repensant à un renversement improbable un soir d’avril 2008.
Le football anglais, avec ses défauts et ses excès, reste un spectacle unique. Et des hommes comme lui y ont largement contribué.
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