Vous souvenez-vous de la dernière fois où une simple blague de vestiaire a fait trembler tout un club ? Moi oui, et ça remonte à peine à quelques jours. Un entraîneur expérimenté, une phrase sortie comme ça pour « détendre l’atmosphère », et boum : tempête médiatique, excuses en urgence et débat national. C’est exactement ce qui vient d’arriver avec Abel Braga, figure historique du foot brésilien et ancien passage remarqué en France.
Franchement, quand j’ai lu les mots exacts, j’ai eu un mouvement de recul. Dire à propos de maillots roses que « ça ressemble à une équipe de pédés », même en 2025, même au Brésil, même en pensant que ça reste entre mecs… ça passe plus. Et pourtant, c’est ce qu’a lâché le technicien de 73 ans lors de sa présentation officielle.
Une phrase qui a mis le feu aux poudres
Reprenons depuis le début. Abel Braga vient d’être nommé pour la huitième fois entraîneur de l’Internacional Porto Alegre. Mission sauvetage : deux journées de championnat et le club joue le maintien. Autant dire que l’ambiance n’est pas à la fête. Lors de sa première conférence de presse, il raconte une anecdote censée montrer qu’il arrive avec du caractère.
Il explique qu’en discutant maillots avec les dirigeants, il a refusé que ses joueurs s’entraînent en rose. Motif ? La phrase que vous connaissez maintenant. Objectif affiché : marquer les esprits, montrer qu’il veut « des hommes forts ». Résultat ? Un tollé immédiat sur les réseaux, des associations qui montent au créneau et une pression qui oblige le coach à faire machine arrière en moins de 24 heures.
« J’admets que je n’ai pas fait un bon commentaire à propos de la couleur rose. Avant que cela ne prenne plus de proportions, je présente mes excuses. Les couleurs ne définissent pas les genres. Ce qui définit, c’est le caractère. »
Abel Braga, sur ses réseaux sociaux
Cette phrase d’excuses, honnêtement, elle sonne comme celles qu’on entend trop souvent. On regrette le « mauvais commentaire », pas forcément le fond. Mais au moins, il a eu le réflexe de s’excuser rapidement. C’est déjà ça.
Octobre rose, le symbole que l’on oublie trop vite
Petit rappel pour ceux qui auraient zappé : les maillots roses dont il parlait avaient été portés dans le cadre d’Octobre rose, la campagne mondiale de sensibilisation au cancer du sein. Des milliers de clubs, partout dans le monde, enfilent du rose chaque année pour soutenir les malades et leurs familles.
Quand tu refuses le rose parce que ça fait « pédé », tu ne refuses pas juste une couleur. Tu balayes d’un revers de main une cause qui touche des millions de femmes, d’hommes aussi d’ailleurs, et tu renforces l’idée que la virilité doit forcément passer par le rejet de tout ce qui est perçu comme féminin ou gay. C’est violent, même si c’était dit sans méchanceté apparente.
J’ai vu des supporters de Porto Alegre eux-mêmes embarrassés. Beaucoup soutiennent leur légende – parce que oui, Abel Braga reste une légende là-bas – mais beaucoup aussi ont trouvé la sortie déplacée. Le club, lui, s’est muré dans le silence. Classique.
Le foot brésilien, terre de contrastes
On idéalise souvent le football brésilien : samba, joie, maillots jaunes flamboyants. Mais derrière les sourires, il y a aussi une culture macho très ancrée. Les insultes homophobes font partie du vocabulaire courant dans certains vestiaires et tribunes. C’est pas nouveau.
Pourtant, les choses bougent. Des joueurs sortent du placard (très rares encore), des campagnes sont lancées, des amendes tombent quand les supporters dérapent. Mais un coach de 73 ans qui arrive et qui pense que refuser le rose va remotiver ses troupes… ça montre le chemin qu’il reste à parcourir.
- Combien de joueurs gays évoluent encore cachés au haut niveau au Brésil ? Personne ne le sait exactement, mais tout le monde sait que c’est énorme.
- Combien d’entraîneurs osent parler ouvertement d’inclusion ? Très peu.
- Combien de fois entend-on encore « pédé » comme insulte sur un terrain sud-américain ? Trop souvent.
C’est cette réalité-là que la sortie d’Abel Braga met en lumière, même si c’était maladroit et involontaire.
En France, on a connu ça aussi
Abel Braga, ce n’est pas n’importe qui pour le public français. Il a joué au PSG entre 1979 et 1981, à l’époque où le club luttait pour exister en D1. Et surtout, il a entraîné l’OM pendant quelques mois en 2000. Un passage éclair, mais marquant.
Quand la nouvelle est tombée, pas mal de supporters marseillais ou parisiens ont eu un petit sursaut. « Attends, le mec qui a coaché chez nous a dit ça ? » Oui. Et ça rappelle que l’homophobie dans le foot n’a pas de frontière. On se souvient des affaires en Ligue 1, des insultes dans les tribunes, des joueurs qui refusent de porter des lacets arc-en-ciel.
Même en Europe, où on aime se donner bonne conscience avec des campagnes tous les ans, le vestiaire reste souvent un endroit où la blague « de mecs » est encore tolérée. Abel Braga a juste eu le malheur de la dire devant des micros.
Les excuses : sincères ou sous pression ?
Maintenant, la grande question : est-ce qu’il a compris pourquoi c’était grave, ou est-ce qu’il s’est excusé parce que ça chauffait trop ? Sa formulation (« je n’ai pas fait un bon commentaire ») laisse dubitatif. On sent plus la gestion de crise que la prise de conscience profonde.
Cela dit, à 73 ans, changer radicalement de vision du monde en 24 heures, c’est compliqué. Peut-être que c’est un début. Peut-être que des gens autour de lui lui ont expliqué calmement. En tout cas, il a écrit que « les couleurs ne définissent pas les genres ». C’est déjà une phrase qu’on n’aurait probablement pas entendu de lui il y a dix ans.
Et maintenant, quelles conséquences ?
Pour l’instant, aucune sanction officielle. Le club ne commente pas, la fédération brésilienne non plus. Au Brésil, ce genre d’histoire finit souvent par s’éteindre d’elle-même, surtout quand il s’agit d’une figure respectée.
Moi je pense qu’on rate une occasion. Une petite amende, une obligation de rencontrer des associations LGBT, une campagne avec le club pour Octobre rose l’an prochain… ça aurait pu transformer une bourde en quelque chose de positif.
Parce que le foot a un pouvoir énorme. Quand un coach aussi respecté qu’Abel Braga s’excuse publiquement, ça envoie un message. Pas encore parfait, mais un message quand même.
Le long chemin vers l’inclusion
On aimerait croire que 2025 serait l’année où ce genre de dérapages appartiendrait au passé. Force est de constater que non. Mais chaque polémique, chaque excuse forcée ou sincère, fait avancer le schmilblick d’un centimètre.
Des joueurs comme Josh Cavallo en Australie, des initiatives comme les brassards arc-en-ciel (même quand certains les refusent), des supporters qui se mobilisent… tout ça finit par peser.
Un jour, un gamin gay dans un vestiaire brésilien, français ou ailleurs, entendra son coach dire que la force n’a rien à voir avec la couleur du maillot ou l’orientation sexuelle. Ce jour-là, on aura gagné quelque chose.
En attendant, l’histoire d’Abel Braga et de ses maillots roses nous rappelle qu’on n’y est pas encore. Mais qu’on avance. Lentement, maladroitement, mais on avance.
Et vous, vous en pensez quoi ? Est-ce que les excuses suffisent ? Est-ce qu’on demande trop à des entraîneurs de la vieille école ? Ou au contraire, est-ce qu’on n’est jamais assez exigeants sur ces sujets ? Dites-le moi en commentaire, j’ai vraiment envie de connaître votre avis là-dessus.
