Vous est-il déjà arrivé de passer tous les jours devant un virage et de vous dire, un peu machinalement, « un jour il y aura un accident grave là » ? Moi oui. Et puis un matin, la réalité vous rattrape brutalement. À Alès, dans le Gard, c’est exactement ce qui s’est produit dans la nuit du 2 au 3 décembre 2025. Trois jeunes vies fauchées en quelques secondes. Une voiture qui finit sa course… dans une piscine. L’histoire est tellement improbable qu’on peine à y croire, et pourtant elle est bien réelle.
Un accident qui glace le sang
Reprenons depuis le début. Vers 4 heures du matin, une voiture avec trois occupants – un conducteur de 19 ans et deux passagers de 14 et 15 ans – emprunte une petite route résidentielle. Un virage un peu serré, mal éclairé, que les riverains connaissent par cœur. La voiture rate la courbe, percute un muret en pierre, fait un tonneau et termine sa chute dans la piscine d’une maison particulière, complètement retournée, les quatre roues en l’air.
Quand on visualise la scène, on se dit que c’est presque un mauvais film. Sauf que non. Les pompiers, arrivés rapidement, ont tout tenté. Mais le véhicule était littéralement coincé, les portes impossibles à ouvrir, l’eau glacée en plein mois de décembre. Les trois jeunes n’ont jamais pu sortir. Ils sont morts noyés, piégés dans l’habitacle.
« Ils n’avaient aucune chance. Ce n’est pas le choc qui les a tués, c’est l’eau froide, la tête en bas, l’impossibilité de s’extraire… »
Un enquêteur présent sur place
Le témoignage bouleversant de la propriétaire
Stéphanie (le prénom a été modifié pour préserver son anonymat) vit dans cette maison depuis sept ans. C’est son fils qui, en allant chercher le pain le matin, a découvert la voiture dans la piscine. Le choc a été terrible.
« C’est un cauchemar absolu », confie-t-elle la voix tremblante. « On ne pourra plus vivre ici. Mes enfants ont exactement le même âge que ces garçons… Je connaissais même le papa de l’un d’eux. » On sent la culpabilité irrationnelle qui ronge déjà cette mère de famille, pourtant totalement étrangère à l’accident.
Et puis il y a cette phrase qui revient sans cesse : « Ça fait sept ans qu’on alerte la mairie sur ce virage ». Sept ans de courriers, de signalements, de discussions avec les voisins. Rien n’a bougé. Ou presque.
Un virage maudit que tout le monde connaissait
Le quartier est tranquille, plutôt résidentiel. Mais cette portion de route concentre les inquiétudes depuis des années. Les riverains racontent les sorties de route à répétition, les voitures qui frôlent les murs, les deux-roues qui se font peur. Des panneaux « sens interdit » ont bien été posés, mais comme souvent… personne ne les respecte vraiment.
Le maire de la ville a reconnu le problème « récurrent ». Des mesures avaient été prises, dit-il. Des ralentisseurs ? Non. Un vrai rond-point ? Pas encore. Des glissières de sécurité ? Toujours pas. Résultat : la fatalité a fini par frapper.
- Des riverains qui signalent le danger depuis 2018
- Des accidents matériels réguliers mais jamais graves… jusqu’à maintenant
- Des sens interdits ignorés par les automobilistes et même les GPS
- Aucune barrière de protection sérieuse avant la descente vers les maisons
Franchement, quand on entend ça, on se demande combien de vies il faut encore pour qu’une collectivité réagisse vraiment. Un mort ? Deux ? Là, trois d’un coup. Espérons que ça serve enfin de déclic.
Le protoxyde d’azote, l’ombre au tableau
L’enquête est en cours, et un élément trouble particulièrement les enquêteurs : la présence de nombreuses bouteilles de protoxyde d’azote dans l’habitacle. Vous savez, ce gaz qu’on appelle aussi « proto » ou « gaz hilarant », détourné de son usage médical pour ses effets euphorisants.
On en trouve facilement, malheureusement. Les jeunes l’utilisent parfois en soirée, dans la voiture, pour « décompresser ». Les effets ? Rire incontrôlable, sensation de flottement… et surtout une perte totale des réflexes. Conduire après avoir inhalé, c’est jouer à la roulette russe.
Est-ce que c’est LA cause de la sortie de route ? Trop tôt pour l’affirmer. Les analyses toxicologiques et l’autopsie diront si le conducteur était sous emprise au moment des faits. Mais une chose est sûre : ce fléau touche de plus en plus de jeunes, même dans des villes moyennes comme Alès.
« On retrouve ce gaz dans beaucoup trop d’accidents nocturnes impliquant des jeunes. Ce n’est plus une mode, c’est une vraie problématique de santé publique. »
Un policier spécialisé
Un concours de circonstances tragiques
Ce qui rend cette affaire encore plus dure à encaisser, c’est le caractère invraisemblable de l’enchaînement :
- Une vitesse probablement excessive dans un virage mal sécurisé
- Un possible état altéré lié au protoxyde
- Un muret qui cède (conçu pour retenir la terre, pas une voiture lancée)
- Une piscine juste en contrebas, sans aucune barrière de protection efficace
- Une voiture qui se retourne et se coince parfaitement dans le bassin
Changez un seul de ces paramètres et ils étaient peut-être encore en vie aujourd’hui. C’est ça qui rend ces drames insupportables : on se dit toujours « et si… ».
Et maintenant ?
L’enquête pour « recherche des causes de la mort » est ouverte. Les familles, elles, sont brisées. La propriétaire de la piscine parle déjà de déménager – comment continuer à vivre normalement avec une piscine devenue tombeau ?
Dans le quartier, on murmure que les travaux vont enfin commencer. Un peu tard. Mais au moins, que ces trois vies perdues servent à quelque chose. Que ce virage maudit soit enfin sécurisé pour de bon. Que les parents parlent davantage à leurs ados du danger du protoxyde. Que les piscines privées en bord de route soient mieux protégées.
Parce que derrière les titres choc, il y a trois garçons qui ne rentreront plus jamais chez eux. Des familles détruites. Une ville en deuil. Et une question qui reste en suspens : combien de fois faudra-t-il encore que ça arrive pour qu’on agisse vraiment ?
Cet accident nous renvoie à notre propre responsabilité collective. Conducteurs, parents, élus, voisins… on a tous un rôle. Parfois, il faut une tragédie pour ouvrir les yeux. Espérons qu’à Alès, les yeux sont désormais grands ouverts.
Prenez soin de vous sur la route. Et parlez à vos ados. Vraiment.
