Vous êtes sur l’autoroute, il pleut des cordes, la route brille comme un miroir noir. Et d’un coup, tout bascule. C’est ce genre de scénario qu’on préférerait reléguer aux films catastrophe, mais qui, hélas, continue de se produire bien trop souvent sur nos routes. Dimanche soir, sur l’A7 au sud de Lyon, deux vies se sont éteintes en quelques minutes à peine. Et derrière ce drame, il y a encore et toujours cette combinaison fatale : vitesse, pluie, alcool et cannabis.
J’ai beau couvrir l’actualité routière depuis des années, chaque fois qu’un « suraccident » de ce type arrive, ça me retourne. Parce que c’est presque toujours la même histoire : un premier incident qui aurait pu rester bénin, des gens qui sortent de leur véhicule pour se mettre en sécurité… et puis l’irréparable.
Un enchaînement tragique en quelques minutes
Il est un peu avant 23 heures. La pluie tombe dru sur l’agglomération lyonnaise. Une voiture avec trois jeunes à bord circule direction sud. Soudain, aquaplaning. Le véhicule part en vrille, tape la glissière centrale et s’immobilise en travers des voies.
Les trois occupants – deux femmes de 25 et 27 ans, et un homme de 26 ans – sortent immédiatement. Logique : on apprend dès le permis qu’en cas d’immobilisation sur autoroute, il faut se mettre derrière les barrières de sécurité. Sauf que la nuit, sous des trombes d’eau, avec la visibilité réduite, c’est plus facile à dire qu’à faire.
Pendant ce temps, un autre véhicule arrive. Le conducteur, un homme de 30 ans, ne parvient visiblement pas à éviter les silhouettes sur la chaussée. L’impact est terrible. La passagère de 25 ans est tuée sur le coup. La conductrice de 27 ans, grièvement blessée, sera transportée en urgence absolue à l’hôpital Lyon Sud. Elle décèdera quelques heures plus tard.
L’homme qui les accompagnait, lui, a eu le réflexe ou la chance de se décaler au dernier moment. Il s’en sort indemne physiquement. Mais on imagine sans mal l’état de choc.
Le conducteur du second véhicule positif à tout
Les gendarmes procèdent aux tests habituels. Éthylotest, dépistage salivaire. Résultat : positif à l’alcool et au cannabis. Le jeune homme de 30 ans est immédiatement placé en garde à vue. Une enquête pour homicide involontaire aggravé est ouverte.
On ne connaît pas encore le taux exact d’alcoolémie, ni la quantité de THC détectée. Mais peu importe le chiffre : quand on mélange les deux, les capacités de réaction chutent de façon dramatique. Sous pluie battante, de nuit, sur autoroute, c’est jouer à la roulette russe avec la vie des autres.
« L’alcool multiplie par 8,7 le risque d’accident mortel, le cannabis par 2. Doubler la dose, c’est multiplier le risque par 29. »
D’après les chiffres de la Sécurité routière régulièrement rappelés par les associations
Pourquoi sort-on encore de sa voiture sur l’autoroute ?
C’est LA question qui revient à chaque fois. Et la réponse est à la fois simple et terrifiante : parce que c’est ce qu’on nous a appris. Gilet jaune, triangle, derrière la glissière. C’est la consigne officielle.
Mais dans les faits, de nuit, sous la pluie, avec des véhicules qui arrivent à 130 km/h (voire plus quand les conditions sont mauvaises et que certains conducteurs ne ralentissent pas), rester à l’intérieur du véhicule avec les feux de détresse peut parfois être moins risqué. Certains pays commencent d’ailleurs à faire évoluer les recommandations.
- Rester dans la voiture, ceinture attachée, feux de détresse allumés
- Appeler immédiatement les secours
- N’en sortir que si le véhicule prend feu ou risque imminent d’incendie
En France, on en est encore loin. Le message officiel reste : sortir et se mettre en sécurité. Résultat : des dizaines de piétons fauchés chaque année sur autoroute.
La pluie, cet ennemi sournois qu’on sous-estime
On parle beaucoup d’alcool et de stupéfiants – à juste titre – mais la météo a joué un rôle majeur ce soir-là. L’aquaplaning, ce n’est pas une légende. À partir de 80-90 km/h sur route mouillée, le risque devient réel.
Et quand on roule à 130 (ou 110 sous la pluie, quand la limitation temporaire est appliquée – ce qui n’est pas toujours le cas), la distance de freinage explose et la tenue de route devient aléatoire. Ajoutez une visibilité réduite, des projections d’eau des poids lourds, et vous avez la recette parfaite du drame.
J’ai remarqué, en parcourant les rapports d’accidents ces dernières années, que les mois de novembre et décembre concentrent une part inquiétante de ces suraccidents mortels. La faute à la fatigue cumulée en fin d’année ? Aux repas un peu trop arrosés des premiers week-ends de décembre ? Probablement un peu des deux.
Et maintenant ?
L’enquête dira exactement ce qui s’est passé. Vitesse excessive ? Somnolence ? Inattention ? Les caméras de l’autoroute, les traces de freinage, les analyses toxicologiques plus poussées, tout sera passé au peigne fin.
Le conducteur de 30 ans risque gros. Quand il y a consommation d’alcool et de stupéfiants associée à un homicide involontaire, les peines peuvent grimper jusqu’à 7 ans de prison et 100 000 € d’amende. Sans parler de l’annulation du permis avec interdiction de le repasser pendant plusieurs années.
Mais au-delà des sanctions, il y a deux familles détruites, des amis qui n’arrivent pas à y croire, et une question qui reste en suspens : combien de drames faudra-t-il encore pour que certains comprennent que prendre le volant après avoir bu ou fumé, c’est inacceptable ?
Ce soir-là sur l’A7, deux jeunes femmes pleines de vie ne rentreront jamais chez elles. Elles avaient 25 et 27 ans. Elles sortaient juste d’une voiture accidentée pour se mettre à l’abri. Elles n’auraient jamais dû mourir comme ça.
Alors oui, on peut parler technique, consignes de sécurité, limitations de vitesse. Mais à la fin, il y a cette réalité brutale : quand quelqu’un prend le volant en ayant bu et fumé, il met en danger non seulement sa vie, mais celle de parfaits inconnus qui n’ont rien demandé.
Prenez soin de vous sur la route. Et surtout, prenez soin des autres.
