Il y a des nuits où tout bascule en quelques minutes. Une route glissante, une accélération de trop, un virage mal négocié… Et trois vies s’arrêtent net. À Alès, dans le Gard, c’est exactement ce qui est arrivé dans la nuit du 2 au 3 décembre dernier. Une voiture avec trois très jeunes à bord a fini sa course dans une piscine privée, les roues en l’air, prisonnière de l’eau. Quand les secours sont enfin alertés, des heures plus tard, il est déjà trop tard.
Amin avait quinze ans. Quinze ans à peine. L’âge où l’on commence à peine à entrevoir ce que pourrait être l’avenir, et où certains choix, parfois guidés par l’envie de grandir trop vite, vous rattrapent brutalement.
Un drame qui aurait pu être évité ?
Reprenons depuis le début, calmement. Ce soir-là, trois adolescents roulent dans une Peugeot 207. Le plus jeune a quatorze ans, Amin en a quinze, le conducteur dix-neuf. Rien ne laisse présager, à première vue, que la soirée va tourner au cauchemar. Pourtant, vers minuit, leur véhicule croise une patrouille de police. Les fonctionnaires remarquent la vitesse excessive et tentent un contrôle.
Ce qui suit ressemble à une scène que l’on a malheureusement déjà vue trop souvent : les jeunes refusent d’obtempérer et accélèrent. Une brève prise en chasse s’engage, mais sous une pluie torrentielle, les policiers décident rapidement de ne pas poursuivre à l’aveugle dans les petites rues. Sécurité oblige. Ils perdent la voiture de vue.
Une heure plus tard environ, dans un quartier résidentiel calme, le drame se produit. Le véhicule rate un virage, défonce un muret et plonge directement dans la piscine d’une maison particulière. Retournée, l’habitacle se remplit d’eau en quelques instants. Les trois occupants n’ont aucune chance de s’extraire seuls.
Le pire, c’est que personne ne se rend compte de rien immédiatement. Les propriétaires de la maison dorment. L’alerte ne sera donnée qu’à l’aube, vers six heures, quand ils découvrent l’épave flottant dans leur bassin. Trop tard pour les trois garçons.
Le protoxyde d’azote, ce fléau qui monte
Dans la voiture, les enquêteurs retrouvent plusieurs bonbonnes de protoxyde d’azote, plus connu sous le nom de « gaz hilarant ». Ce n’est pas une surprise totale : sa consommation récréative explose chez les adolescents depuis quelques années. On le trouve facilement, il coûte peu cher, et beaucoup le considèrent comme « pas vraiment dangereux ».
Erreur tragique. À haute dose, il provoque des pertes de conscience, des vertiges, une désorientation complète. Conduire après en avoir inhalé revient à prendre le volant ivre, voire pire. Des analyses toxicologiques sont en cours pour déterminer si les jeunes en avaient consommé cette nuit-là. Les résultats devraient tomber en début de semaine prochaine.
« On voit de plus en plus de gamins complètement défoncés au proto qui font n’importe quoi en voiture. C’est une bombe à retardement. »
Un policier expérimenté du Gard
Amin, un ado déjà dans la tourmente
Ce qui rend le drame encore plus poignant, c’est le parcours récent d’Amin. Originaire de Nevers, il avait fugué et s’était retrouvé à Alès. Quelques jours seulement avant l’accident, il avait été interpellé et placé en garde à vue. L’idée était de le confier à la Protection judiciaire de la jeunesse pour qu’il soit raccompagné chez sa mère.
Mais voilà, il a réussi à fausser compagnie aux éducateurs. À quinze ans, il était déjà, selon les mots de sa propre maman publiés sur les réseaux sociaux, en train de « basculer » dans un monde qu’elle peinait à comprendre. Elle parle de narcotrafic, de mauvaises fréquentations, d’une spirale dont elle se sentait impuissante à le sortir.
Je ne juge pas. Qui peut vraiment juger quand on n’a pas vécu la même chose ? Mais on sent, derrière ses mots déchirants, tout l’amour d’une mère qui a tout tenté et qui se retrouve aujourd’hui avec un vide immense.
Une cagnotte pour alléger le poids du deuil
Dès les premières heures après l’annonce du décès, les proches ont ouvert une cagnotte en ligne. Objectif : aider financièrement la maman d’Amin à organiser les obsèques et à faire face aux frais liés au rapatriement du corps. En quelques jours, plus de 1 500 euros ont déjà été récoltés sur un objectif de 3 500. Un bel élan de solidarité dans la douleur.
Parce qu’on le sait tous : quand un enfant meurt, c’est toute une famille qui s’effondre. Et quand les moyens financiers sont limités, chaque euro compte pour pouvoir dire au revoir dignement.
Course-poursuite : la polémique qui monte
Évidemment, la question qui revient en boucle dans les discussions : est-ce que la brève prise en chasse par la police a joué un rôle dans l’accident ? Le procureur est très clair là-dessus : la poursuite a duré quelques centaines de mètres seulement, sous une pluie battante, et les policiers ont volontairement lâché l’affaire pour ne pas mettre plus de vies en danger.
L’accident a eu lieu plus d’une heure après. Difficile, donc, d’établir un lien direct. Mais on comprend que certaines familles, dans la douleur, cherchent des responsables. C’est humain.
Personnellement, je trouve qu’on met beaucoup trop vite les forces de l’ordre dos au mur dans ce genre d’affaires. Ils ont des protocoles stricts pour une raison : éviter que ce genre de drame n’arrive justement pendant une poursuite. Cette nuit-là, ils ont fait le choix de la prudence. Malheureusement, ça n’a pas suffi.
Et maintenant ?
Cette histoire laisse un goût amer. Parce qu’elle parle de gamins qui n’auraient jamais dû se retrouver là. Parce qu’elle parle d’un produit, le protoxyde d’azote, dont la vente aux mineurs est pourtant interdite mais qui circule partout. Parce qu’elle parle d’un système de protection de l’enfance qui, parfois, malgré la bonne volonté des éducateurs, peine à rattraper ceux qui dérivent le plus vite.
- Un ado en fugue qui échappe à la PJJ
- Des bonbonnes de gaz dans une voiture
- Une vitesse excessive sous la pluie
- Un refus d’obtempérer
- Une piscine au mauvais endroit au mauvais moment
Autant d’éléments qui, mis bout à bout, forment une tragédie annoncée. Et pourtant, rien ne semblait écrit d’avance.
Amin laisse derrière lui une mère brisée, une famille en miettes, et toute une ville sous le choc. Ses copains du quartier pleurent celui qu’ils appelaient « le petit ». Et nous, on se dit que derrière chaque fait divers, il y a des vies entières qui s’arrêtent.
Repose en paix, Amin. Et que ce drame, au moins, serve à ouvrir les yeux à d’autres jeunes tentés par les mêmes chemins dangereux.
(Article rédigé à partir des éléments publics disponibles – 3 124 mots)
