Vous êtes déjà passé devant un collège à la sortie des cours récemment ? Si oui, vous avez forcément vu ça : des gamins de 12-14 ans qui soufflent d’énormes nuages parfumés pastèque ou bubble-gum. Ce truc, c’est la puff. Une petite cigarette électronique jetable, ultra-colorée, qui coûte trois fois rien et qui, soi-disant, « c’est juste de la vapeur ». Sauf que non. Et le plus dingue, c’est que ceux qui le crient le plus fort aujourd’hui… ce sont les ados eux-mêmes.
Quand les ados décident de parler aux ados
Franchement, j’ai été scotché. Dans un département francilien, des membres d’un conseil de jeunes ont pris les choses en main. Pas d’adultes qui font la morale avec des PowerPoint ringards, non. Eux, ils ont sorti les smartphones, écrit des scénarios, tourné et monté deux vidéos courtes, percutantes, destinées à tourner en boucle sur les réseaux et dans les collèges. Et leur argument massue ? « Avec une vidéo, le message passe mieux qu’avec un texte. Ça rentre direct dans la tête, on n’a pas l’impression de se prendre une leçon. » Difficile de leur donner tort.
Un gamin de 13 ans m’a expliqué ça avec une maturité qui m’a laissé sans voix : dans son collège, presque personne ne fume de cigarettes classiques. Par contre, la puff ? C’est devenu le nouveau rite de passage. Moins cher, moins odeur, et surtout : ça ne fait « pas vieux ». Résultat : l’addiction à la nicotine explose chez les moins de 15 ans, souvent sans que les parents s’en rendent compte.
La puff, c’est quoi exactement ? (Et pourquoi c’est pire qu’on croit)
Une puff, c’est une cigarette électronique à usage unique. Entre 500 et 800 bouffées, selon les modèles. Des goûts sucrés à mourir : mangue glacée, fraise banane, marshmallow… Tout ce que les ados adorent. Et surtout, un taux de nicotine souvent équivalent à un paquet de cigarettes classiques, voire plus. Le piège est diabolique : comme c’est doux et fruité, on ne tousse pas, on ne sent pas le tabac. Du coup, on vapote beaucoup plus souvent. Et quand la puff est vide… le cerveau, lui, est déjà accro.
« La première fois, c’est pour rigoler. La dixième, c’est parce que t’as envie. Et après, t’as juste besoin. »
– Un collégien de 14 ans, anonyme
Ce témoignage, je l’ai entendu plusieurs fois. Et il résume parfaitement le problème : la puff n’est pas une alternative « moins pire » au tabac. C’est une porte d’entrée ultrarapide vers la dépendance à la nicotine, chez des cerveaux encore en construction.
Interdite mais toujours là : le grand paradoxe
Depuis février 2025, la vente de puffs est théoriquement interdite en France aux mineurs… et même totalement interdite en tant que produit jetable. Super. Sauf que dans la vraie vie ? Elles sont toujours là. Dans les bureaux de tabac qui ferment les yeux, sur internet avec des livraisons discrètes, ou carrément revendues entre élèves à la récré. Le business est trop juteux pour s’arrêter comme ça.
Et c’est précisément parce que les contrôles peinent à suivre que ces jeunes ont décidé d’agir autrement. Pas en attendant que les adultes règlent le problème (ça risque de prendre du temps), mais en s’adressant directement à leurs pairs.
Pourquoi les vidéos faites par des ados, ça change tout
J’ai vu les deux vidéos. Elles durent à peine une minute trente chacune. Pas de mise en scène compliquée, pas d’effets spéciaux hollywoodiens. Juste des ados qui parlent vrai, avec leurs mots, leurs blagues, leur façon de filmer un peu bancale mais tellement authentique.
- Dans la première, un garçon démonte une puff devant la caméra et montre la quantité hallucinante de nicotine dedans.
- Dans la seconde, une fille raconte comment sa meilleure amie a commencé « juste pour essayer » et se retrouve maintenant à paniquer quand elle n’a pas sa dose.
- Ils finissent tous par un message simple : « On n’est pas des rageux, on veut juste que tu saches avant de commencer. »
Résultat ? Les vidéos tournent en boucle. Pas parce qu’un prof les a imposées, mais parce que les ados se les envoient entre eux. Sur Snapchat, sur Insta, dans les groupes WhatsApp de classe. C’est ça, la vraie force : la crédibilité.
Les chiffres qui font froid dans le dos
Parce que derrière l’anecdote, il y a des chiffres effrayants. En quelques années seulement, le vapotage chez les 13-16 ans a explosé. Et les puffs y sont pour beaucoup.
| Âge | % ayant déjà essayé une puff | % usage régulier |
| 13-14 ans | Plus de 50 % dans certains collèges | Jusqu’à 15 % |
| 15-16 ans | Proche de 70 % d’expérimentation | Plus de 25 % |
Ces chiffres ne sortent pas de nulle part. Ils viennent d’enquêtes menées directement dans les établissements. Et le pire ? Beaucoup de parents pensent encore que « c’est juste de la vapeur d’eau ».
Et les parents dans tout ça ?
C’est peut-être l’aspect le plus triste. Beaucoup de parents ne se rendent compte de rien. La puff ne sent pas le tabac, elle se cache facilement dans une trousse ou une poche de jogging. Et quand l’ado devient irritable ou anxieux, on met ça sur le dos des « hormones » ou du stress du collège.
Un principal de collège me confiait récemment : « On a des élèves de 4e qui viennent nous voir en pleurs parce qu’ils n’arrivent plus à arrêter. Ils ont commencé à 12 ans. À 12 ans ! »
Ce qu’on peut faire, concrètement
Alors oui, l’idéal serait que l’interdiction soit enfin appliquée partout. Mais en attendant, il y a des choses simples :
- Parler vrai avec ses ados, sans jugement mais sans minimiser non plus.
- Regarder ensemble les vidéos faites par des jeunes – elles passent souvent mieux que les discours parentaux.
- Être attentif aux signes : argent de poche qui fond trop vite, sautes d’humeur, odeur sucrée bizarre sur les vêtements.
- Et surtout, valoriser ceux qui résistent. Parce que oui, il y en a encore beaucoup qui disent non.
Ce qui me marque le plus dans cette histoire, c’est finalement l’espoir. Des gamins de 13-14 ans qui prennent conscience du piège, qui décident d’agir, et qui arrivent à toucher leurs camarades là où les campagnes officielles échouent souvent. C’est peut-être ça, la plus belle leçon : quand on parle le même langage, on peut vraiment changer les choses.
Si vous avez des ados autour de vous, montrez-leur ces vidéos. Pas en mode « regardez ça, c’est important », mais juste « tiens, c’est des jeunes qui ont fait ça, c’est pas mal ». Vous verrez la différence.
Parce qu’au fond, la puff n’a pas gagné. Pas encore. Et tant qu’il y aura des ados pour alerter d’autres ados, il reste de l’espoir.
