Imaginez la scène : il est 8 h 45, l’heure où les parents déposent leurs enfants, où les cours vont commencer. Une jeune femme de 27 ans arrive à la grille de l’école, souriante, sans aucun signe particulier. Quelques minutes plus tard, c’est le chaos. Sept personnes sont agressées, le directeur, un agent municipal, des parents… Tout le monde est sous le choc. Et pourtant, rien ne semblait laisser présager un tel déchaînement.
Ce genre d’histoire, on croit toujours que ça n’arrive qu’aux autres. Et puis un matin, dans une école de quartier tout ce qu’il y a de plus ordinaire à Nice, la réalité rattrape tout le monde. J’ai moi-même déposé mes enfants à l’école des centaines de fois ; je sais à quel point ce moment est censé être banal et rassurant. Alors quand on apprend qu’une mère de famille a pu basculer comme ça, on ne peut pas s’empêcher de se poser mille questions.
Un matin qui bascule en quelques minutes
Tout commence donc en fin de matinée ce jeudi 4 décembre. La jeune femme se présente à l’entrée de l’école Jean Macé, dans le quartier Saint-Maurice à Nice. Selon les témoins, elle n’a rien d’inquiétant : elle discute même calmement avec le personnel. Et puis, sans prévenir, elle pousse violemment la porte et se rue à l’intérieur.
En quelques instants, elle s’en prend à sept personnes. Coups, bousculades, cris… Le directeur tente de s’interposer, un agent de surveillance de la voie publique qui passait par là également. Des parents présents pour la rentrée des classes se retrouvent pris dans la tourmente. Heureusement, les blessures restent superficielles, mais le traumatisme, lui, est profond.
« Elle est arrivée très calme, presque trop calme… Personne n’a vu venir le changement. En deux minutes, c’était la panique totale. »
Un parent présent sur place
Les forces de l’ordre interviennent rapidement. La jeune femme est maîtrisée et placée en garde à vue pour violences aggravées. Très vite, les enquêteurs comprennent que quelque chose cloche : son attitude, ses propos décousus, son regard vide. Direction l’expertise psychiatrique en urgence.
L’expertise qui change tout : abolition du discernement
Le verdict de l’expert tombe comme un couperet : abolition totale du discernement au moment des faits. En langage clair, cela signifie que la jeune femme n’était pas en mesure de comprendre ce qu’elle faisait ni d’en mesurer les conséquences. Conséquence immédiate : la garde à vue est levée et elle est hospitalisée d’office en unité psychiatrique.
Ce n’est pas la première fois qu’on entend ce terme, mais il fait toujours froid dans le dos. Cela veut dire que, juridiquement, elle n’est pas pénalement responsable. On passe d’un dossier de violences volontaires à un dossier médical et social extrêmement lourd.
Et là, on commence à comprendre qu’il y avait des signaux avant-coureurs. Les services sociaux connaissaient déjà la famille : entre janvier 2023 et octobre 2024, les deux enfants du couple ont fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative décidée par le juge des enfants. Une nouvelle évaluation était d’ailleurs en cours. Des difficultés parentales, peut-être une souffrance ancienne qui couvait…
Une école sous le choc et une ville qui réagit
L’émotion est immense dans l’établissement. Enseignants, ATSEM, personnel municipal : tout le monde est touché. Le maire de Nice s’est rendu sur place dans la journée et a annoncé que la ville allait porter plainte, tout comme les victimes.
« Il y a une très grosse émotion que je partage avec la communauté scolaire (…). Je veux leur témoigner tout mon soutien. »
Christian Estrosi, maire de Nice
Il a immédiatement annoncé un renforcement des dispositifs de sécurité autour et dans les écoles de la ville. Plus de patrouilles, peut-être des contrôles d’accès plus stricts… Des mesures qui font débat : certains parents trouvent cela rassurant, d’autres estiment qu’on ne pourra jamais tout prévoir quand une personne perd pied à ce point.
Derrière le fait divers, un malaise plus profond
Ce qui me frappe le plus dans cette affaire, c’est à quel point elle met en lumière des failles qu’on préfère souvent ignorer. Oui, il y a une crise aiguë, probablement une décompensation psychotique. Mais comment en est-on arrivé là ?
Les professionnels de la psychiatrie le répètent depuis des années : les services sont saturés, les listes d’attente interminables, manque cruel de moyens. Une personne en souffrance peut rester des mois, voire des années, sans suivi adapté. Et quand la bombe explose, c’est souvent dans les lieux les plus improbables… comme une école primaire un matin d’hiver.
- Manque de places en psychiatrie adulte et infanto-juvénile
- Désengorgement des CMP (centres médico-psychologiques)
- Suivi parfois interrompu faute de relais entre services
- Stigmatisation qui empêche les familles de demander de l’aide tôt
Et puis il y a la question des enfants. Ces deux petits qui ont vu leur maman emmenée menottée, qui ont déjà connu l’assistance éducative… Quel impact sur eux ? Les services sociaux vont devoir redoubler d’efforts pour les protéger et les accompagner. Parce que, oui, dans ce genre de drame, les premières victimes collatérales sont souvent les enfants.
La sécurité scolaire : jusqu’où aller ?
Depuis quelques années, les agressions dans les écoles (par des élèves, des parents, parfois des inconnus) se multiplient dans les faits divers. Chaque fois, la même question revient : comment protéger mieux nos enfants sans transformer les écoles en bunkers ?
Badges, portiques, caméras avec reconnaissance faciale, agents de sécurité… Certaines villes ont déjà franchi le pas. À Nice, on parle désormais de renforcer tout ça. Mais est-ce vraiment la solution quand l’auteur des faits est… une maman qui dépose habituellement ses enfants ?
J’ai discuté avec plusieurs parents d’élèves ces derniers jours. Beaucoup sont partagés. D’un côté, ils veulent que leurs enfants soient en sécurité. De l’autre, ils ne veulent pas qu’ils grandissent dans un climat de peur permanente. Trouver le juste milieu semble impossible.
Et maintenant ?
La jeune femme est toujours hospitalisée. Son état sera régulièrement réévalué. Un jour, peut-être, elle pourra expliquer ce qui s’est passé dans sa tête ce matin-là. En attendant, les plaintes sont déposées, les enquêtes se poursuivent, et la vie de l’école tente de reprendre son cours.
Mais une chose est sûre : cet événement laissera des traces. Chez les victimes directes, bien sûr. Chez les enfants qui ont vu la scène. Chez les enseignants qui se demandent s’ils sont assez protégés. Et chez tous les parents qui, comme moi, regardent désormais la grille de l’école un peu différemment le matin.
Parce qu’au fond, ce fait divers nous renvoie à notre propre vulnérabilité. On peut tout prévoir, tout sécuriser, tout contrôler… jusqu’au jour où une personne ordinaire, une mère de famille, bascule sans crier gare. Et là, plus rien ne tient.
Espérons simplement que ce drame serve au moins à rappeler qu’avant de parler sécurité, il faut parler humanité. Prendre soin des uns et des autres, repérer les signaux faibles, tendre la main avant qu’il ne soit trop tard. Parce que derrière chaque titre choc, il y a toujours une histoire humaine bien plus complexe qu’il n’y paraît.
