Vous est-il déjà arrivé de vous demander jusqu’où peut aller la haine politique dans ce pays ? Moi, oui. Samedi après-midi, à Moissac, petite commune du Tarn-et-Garonne, un homme de 74 ans a franchi un pas de plus dans l’expression de son opposition à l’extrême droite. Son arme ? Un simple œuf. Sa cible ? Jordan Bardella, président du Rassemblement National, en pleine séance de dédicaces.
L’image est presque comique si elle n’était pas aussi révélatrice d’une tension qui ne désarme pas. Un retraité qui casse un œef sur la tête d’un des hommes politiques les plus médiatisés de France. Et pourtant, derrière ce geste apparemment anodin, il y a tout un passif. Parce que cet homme-là n’en était pas à son coup d’essai.
Quand l’œuf devient une arme politique récurrente
Ce qui s’est passé à Moissac n’est pas un incident isolé. C’est même la troisième fois que ce septuagénaire passe à l’acte avecement avec la même méthode. En 2022, il avait déjà ciblé Éric Zemmour de la même façon. Quelques mois plus tôt, il avait jeté des œufs sur le bus de campagne de Marine Le Pen dans le département. À l’époque, aucune poursuite n’avait été engagée. Cette fois, les choses sont différentes.
Le parquet de Montauban n’a pas hésité. Lundi, il a requis le placement en détention provisoire du suspect en vue de son jugement en comparution immédiate prévu ce mardi. L’homme est en état de récidive légale pour violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique – ici, un élu européen. Et la justice semble décidée à marquer le coup.
Il a expliqué avoir agi par opposition à l’extrême droite.
– Le procureur, dans son communiqué
Une phrase toute simple. Presque banale. Et pourtant, elle résume tout le malaise actuel.
Un profil qui détonne avec l’image du militant radical
On pourrait s’attendre à un jeune activiste antifasciste, un black bloc, quelqu’un qui colle des affiches la nuit. Eh bien non. L’auteur des faits est un agriculteur à la retraite, 74 ans, qui vit tranquillement dans sa campagne. Il n’est encarté nulle part, ne milite dans aucun parti, aucune association. Il n’a même pas de casier judiciaire particulièrement chargé – hormis ces précédents avec les œufs.
C’est peut-être ça le plus troublant. Ce n’est pas un professionnel de l’action directe. C’est monsieur Tout-le-Monde, ou presque, qui un jour décide qu’il ne peut plus supporter ce qu’il entend et décide d’agir. Avec les moyens du bord. Un œuf.
J’ai du mal à imaginer la scène. Ce retraité qui arrive à la dédicace, qui fait la queue peut-être, qui attend son tour, un œuf dans la poche. Et qui, au moment où Jordan Bardella lève la tête pour signer le livre, crac. Le geste est rapide, presque enfantin. Mais les conséquences, elles, sont bien adultes.
Jordan Bardella, cible privilégiée d’une semaine agitée
Il faut dire que le président du RN n’a pas été épargné ces derniers jours. Quelques jours avant l’incident de Moissac, il s’était déjà pris un nuage de farine en pleine figure lors d’une visite dans une foire agricole à Vesoul. L’auteur, un lycéen de 17 ans, a été interpellé puis relâché avec obligation de stage de citoyenneté.
Deux agressions en une semaine. Deux gestes symboliques, humiliants, mais sans gravité physique. Et pourtant, ils marquent les esprits. Parce qu’ils montrent que Jordan Bardella, plus encore que Marine Le Pen ces derniers temps, cristallise une forme de rejet viscéral.
- Farine à Vesoul → un mineur
- Œuf à Moissac → un retraité récidiviste
- Même cible, méthodes différentes, même message : on ne veut pas de vous
Et entre les deux, la sécurité du RN a été renforcée. Mais visiblement, pas assez pour empêcher un septuagénaire déterminé.
La justice face à la récidive « œufologique »
Ce qui change cette fois, c’est la réponse judiciaire. En 2022, les œufs sur le bus de Marine Le Pen n’avaient donné lieu à rien. L’affaire Zemmour non plus, ou si peu. Mais là, le parquet tape fort. Détention provisoire requise, comparution immédiate, état de récidive légale. On sent que la justice veut envoyer un signal.
Est-ce que ça calmera les ardeurs ? Rien n’est moins sûr. Parce que ces gestes, même s’ils sont condamnables, participent aussi d’une forme de folklore politique français. L’œuf, la farine, la crème chantilly… On a vu ça sur tant de personnalités, de tous bords. Souvenez-vous de Bill Gates enfariné, de François Hollande et son gâteau, de Manuel Valls et sa gifle.
Mais là, il y a une différence. Le caractère répétitif. Le même homme, la même méthode, les mêmes cibles. Ça passe du simple happening à quelque chose de plus obsessionnel.
Derrière l’œuf, une société qui craque
Ce qui me frappe le plus dans cette affaire, ce n’est pas tant l’acte lui-même – ridicule en apparence – que ce qu’il dit de notre climat politique. On a un retraité qui, à 74 ans, se sent obligé d’agir physiquement parce qu’il estime que les urnes ne suffisent plus. C’est ça qui est inquiétant.
Il ne manifeste pas. Il ne colle pas d’affiches. Il ne débat pas. Il casse un œuf. Comme si le dialogue était rompu. Comme si certains avaient décidé que la violence symbolique était la seule réponse possible face à des idées qu’ils jugent dangereuses.
Et de l’autre côté ? Le RN qui dépose plainte systématiquement, qui renforce sa sécurité, qui joue la carte de la victimisation. Une stratégie rodée. À chaque agression, le parti y voit la preuve qu’il dérange, qu’il est sur la bonne voie, que les « bien-pensants » ont peur.
Chaque attaque contre nous est la preuve que nous représentons le peuple face aux élites.
– Un discours qu’on entend souvent au RN après ce genre d’incidents
Et au milieu, il y a nous. Les citoyens lambda. Ceux qui regardent tout ça avec une lassitude grandissante. Ceux qui se disent que quelque chose ne va plus dans la façon dont on fait de la politique en France.
Et demain ?
Ce mardi, le retraité sera jugé. Probablement condamné. Peut-être même emprisonné, vu la récidive. Et puis ? Est-ce que ça arrêtera les prochains ? Rien n’est moins sûr.
Parce que tant que la parole politique sera aussi clivante, tant que certains se sentiront légitimes à franchir la ligne sous prétexte de « résister », et tant que d’autres joueront la carte du martyr à chaque incident, on continuera à voir des œufs voler. Et peut-être pire un jour.
L’œuf de Moissac, ce n’est pas qu’une anecdote rigolote. C’est un symptôme. D’une démocratie qui grince. D’une société où le débat a laissé place au happening. Où un retraité de 74 ans pense que son dernier combat, c’est de casser un œuf sur la tête d’un homme de 30 ans qu’il ne connaît même pas.
Triste, non ?
Et vous, qu’en pensez-vous ? Jusqu’où peut-on aller par « opposition politique » ? L’œuf, c’est déjà trop ? Ou c’est encore dans la limite du supportable ? Dites-le moi en commentaire. Parce que cette affaire, finalement, nous concerne tous.
