Vous souvenez-vous du mois de janvier 2024 ? Ces images de tracteurs qui paralysaient le pays, ces barrages de pneus en feu, cette colère sourde qui avait fini par faire plier le gouvernement sur plusieurs dossiers. Et si je vous disais que l’histoire est en train de se répéter, presque un an jour pour jour, mais avec une cause encore plus brutale ?
Ce vendredi 12 décembre 2025, la France rurale est à nouveau en train de gronder. Des blocages partout, des routes coupées, des tracteurs qui s’alignent comme à la parade… mais cette fois, ce n’est pas le prix du lait ou les normes européennes qui mettent le feu aux poudres. C’est une maladie. Une dermatose nodulaire contagieuse qui touche les bovins et que l’État veut éradiquer à coups… d’abattage total.
Une Maladie qui Met le Feu aux Poudres
Reprenons depuis le début, calmement. L’été dernier, un premier foyer de dermatose nodulaire contagieuse (oui, le nom fait peur, mais elle ne se transmet pas à l’homme) a été détecté en Savoie. Rien de totalement inédit : cette maladie virale venue d’Afrique circule déjà dans plusieurs pays voisins. Mais la réponse officielle a été immédiate et radicale : abattre tous les animaux des élevages touchés, imposer des zones de restriction et vacciner en urgence… mais seulement dans un rayon de 50 km autour des cas.
Problème : la maladie a continué son chemin. Ariège, Hautes-Pyrénées, et probablement d’autres départements demain. À des centaines de kilomètres des premières zones réglementées. Pour beaucoup d’éleveurs, la preuve est irréfutable : la stratégie actuelle ne fonctionne pas.
« La gestion sanitaire choisie est plus effrayante que la maladie elle-même. »
Un responsable syndical du sud-ouest
L’Abattage Total : Solution ou Punition Collective ?
Imaginez-vous éleveur. Vous avez passé vingt ans à constituer votre troupeau, à sélection chaque animal, à connaître leurs noms (oui, beaucoup leur donnent un nom). Et du jour au lendemain, parce qu’un veau à 300 km tousse bizarrement, on vous annonce que tout votre cheptel va passer à la chambre froide. Sans discussion.
C’est exactement ce qui se passe dans les foyers déclarés. L’État applique le principe de précaution maximal : on rase tout, on désinfecte, on indemnise (théoriquement). Sauf que les indemnisations, tout le monde sait qu’elles arrivent souvent avec des mois de retard et ne remplacent jamais vraiment un troupeau construit sur des décennies.
Et surtout, les nouveaux cas apparaissent hors des zones vaccinales. Ce qui donne l’impression terrible que l’on abat des milliers d’animaux… pour rien.
La Vaccination : Pourquoi Pas Partout, Tout de Suite ?
Il existe un vaccin. Il est efficace. Plusieurs pays l’utilisent déjà à grande échelle sans drame. Alors pourquoi la France s’obstine-t-elle à le réserver à des périmètres limités ?
Officiellement, pour des raisons économiques (le vaccin coûte cher) et réglementaires (statut sanitaire du cheptel français pour l’export). Mais pour les éleveurs, c’est incompréhensible. Ils étaient nombreux à demander, dès l’automne, une vaccination massive dans tout le Sud-Ouest. Réponse : non. Et maintenant que la maladie est là, le gouvernement élargit enfin les zones… mais trop tard pour beaucoup.
- Depuis plus d’un mois, les syndicats réclamaient la vaccination totale des départements 09, 11 et 66.
- Résultat : la maladie y est quand même arrivée.
- Conclusion des intéressés : « On nous a fait perdre un temps précieux. »
Les Blocages du Jour : Où Ça Se Passe et Pourquoi
Ce vendredi, la colère est passée à la vitesse supérieure. Et comme souvent en France, c’est en Occitanie que ça a démarré fort.
Sur l’A64, à hauteur de Carbonne, plusieurs dizaines de tracteurs ont pris position dès le matin. Le même endroit qu’en janvier 2024. Le message est clair : on sait faire, et on recommence. Plus au sud, rendez-vous était donné à Gourdan-Polignan. À Auch, dans le Gers, la Coordination Rurale a installé un blocage qui pourrait bien durer tout le week-end.
L’A75 est coupée depuis la veille à Sévérac d’Aveyron. Dans le Lot-et-Garonne, des agriculteurs ont déversé lisier et pneus devant les bâtiments administratifs dans la nuit. Ambiance.
Mais ça ne s’arrête pas au sud. En Haute-Loire, dans le Doubs, l’Allier, le Cantal… des opérations escargot, des barrages filtrants, des rassemblements. Bref, le même scénario qui avait paralysé le pays il y a un an.
« Il n’y aura pas d’autre issue que l’arrêt de l’abattage total. »
Un Conflit qui Dépasse la Simple Question Sanitaire
Ce qui est fascinant (et inquiétant), c’est que cette crise révèle des fractures plus profondes dans le monde agricole français.
D’un côté, la ligne officielle défendue par les instances historiques : on suit les protocoles européens, on protège le statut sanitaire, on indemnise. De l’autre, une partie grandissante des éleveurs, souvent les plus jeunes ou les plus fragiles économiquement, qui n’en peuvent plus des solutions « proprettes » qui leur tombent dessus sans concertation.
Et entre les deux, des syndicats qui se déchirent publiquement. Certains appellent à la raison, d’autres soufflent sur les braises. Résultat : le mouvement actuel est porté par des collectifs parfois nouveaux, moins structurés, mais extrêmement déterminés.
Et Maintenant ? Vers une Sortie de Crise ou un Hiver Chaud ?
Le gouvernement a déjà commencé à bouger : extension des zones de vaccination obligatoire dans le Sud-Ouest annoncée ce vendredi même. Un signe d’apaisement ? Peut-être. Mais pour beaucoup d’agriculteurs, c’est trop peu, trop tard.
Ce qui est sûr, c’est que le bras de fer est lancé. Et quand les tracteurs sortent en décembre, sous la pluie et le froid, ce n’est jamais bon signe. Souvenez-vous : en 2024, il avait fallu des semaines de négociations, des annonces en cascade et même l’intervention directe du président pour calmer le jeu.
Aujourd’hui, la question est simple : va-t-on revivre le même scénario ? Ou cette fois, la colère est-elle trop profonde, trop légitime, pour être éteinte avec quelques mesurettes ?
Une chose est certaine : quand des éleveurs sont prêts à bloquer le pays en plein mois de décembre pour sauver leurs bêtes, c’est que quelque chose de fondamental est en train de se jouer. Pas seulement pour eux. Pour tout un modèle agricole qu’on sent au bord de l’implosion.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Laisseriez-vous abattre tout votre outil de travail parce qu’un protocole le prévoit ? Ou descendriez-vous dans la rue avec votre tracteur ?
La suite dans les prochains jours. Mais une chose est déjà claire : l’hiver 2025 risque d’être aussi chaud que celui de 2024.
(Article mis à jour en continu selon l’évolution des blocages)
