Imaginez : vous venez d’être admis en master, vous avez bossé comme un fou sur vos dossiers, et là, bam, il faut trouver l’entreprise qui acceptera de vous prendre deux ans en alternance. Il y a encore cinq ans, c’était presque une formalité. Aujourd’hui ? C’est la guerre.
Un vent froid souffle sur l’apprentissage
Franchement, quand j’ai vu les chiffres tomber début 2025, j’ai eu un petit pincement au cœur pour tous les étudiants que j’accompagne ou que je croise dans les salons. Les aides aux entreprises ont pris une claque monumentale : 6 000 € qui fondent à 2 000 € pour les grosses boîtes, 1 000 € de moins même pour les petites. Et comme si ça ne suffisait pas, on a rajouté un reste à charge de 750 € pour chaque master. Autant dire que pour beaucoup de DRH, l’alternance en bac +5 est devenue « trop chère » du jour au lendemain.
Résultat ? Les plateformes spécialisées affichent des baisses d’offres entre 20 % et parfois 35 % selon les secteurs. Et pendant ce temps, le nombre de candidats, lui, continue de grimper. On est passé en quelques années d’un marché détendu à une arène où chaque poste déclenche des centaines de CV.
Pourquoi c’est justement le master qui trinque en premier
C’est cruel mais logique. Quand il faut faire des économies, on coupe d’abord là où ça « coûte » le plus cher à l’État et où les jeunes sont censés être « moins fragiles » sur le marché du travail. Un alternant en CAP ou en bac pro touche souvent des aides plus généreuses et, statistiquement, a plus de mal à trouver du boulot sans contrat. Un étudiant en master ? On se dit qu’il s’en sortira quand même. Sauf que dans les faits, sans entreprise, pas de master en alternance possible pour beaucoup d’écoles. Point final.
J’ai échangé récemment avec un responsable de grande école de commerce qui me confiait, un peu dépité : « On a des étudiants brillants, avec 16 de moyenne, qui enchaînent 300 candidatures sans une seule réponse positive. Ça n’existait pas il y a trois ans. » C’est violent.
Les chiffres qui font mal
- Offres d’alternance en baisse de 22 % en moyenne sur les plateformes jeunes diplômés
- Jusqu’à –35 % dans certains réseaux de formation
- Candidatures en hausse de 24 % en un an
- 65 000 contrats d’apprentissage attendus en moins sur le second semestre 2025
- Temps moyen de recherche passé de 3-4 mois… à parfois 8 mois
Et je ne parle même pas des secteurs sinistrés : le conseil, la banque, l’immobilier de bureau… là où les alternants master étaient légion, les plans de recrutement sont gelés.
Ce que ça change concrètement pour vous
Avant, vous postiez 50 candidatures bien ciblées et vous décrochiez deux-trois entretiens. Aujourd’hui, il faut souvent dépasser les 200 envois pour espérer un oui. Et quand le oui arrive, les entreprises sont devenues ultra-sélectives : elles demandent des stages précédents solides, des expériences associatives, parfois même un book ou une vidéo de présentation.
« Un recrutement en alternance, ce n’est plus un job d’été. C’est un vrai poste, avec des responsabilités dès le premier mois. »
Un recruteur que j’ai croisé au dernier salon apprentissage
Et il a raison. Les boîtes n’ont plus de marge d’erreur budgétaire : elles prennent le meilleur, point.
Comment transformer cette galère en opportunité
Oui, c’est plus dur. Mais curieusement, ça rend aussi les choses plus intéressantes. Quand tout le monde se bat pour les mêmes grosses entreprises visibles, ceux qui sortent des sentiers battus décrochent parfois des pépites.
Je pense à cette étudiante qui cherchait en marketing sportif. Au lieu d’attaquer les mastodontes inaccessibles, elle a ciblé l’ouverture d’un nouveau magasin d’une grande enseigne de sport dans sa ville d’études. Elle a envoyé sa candidature dès l’annonce interne, a été parmi les cinq premiers recrutés et s’est retrouvée à monter le point de vente de A à Z. Aujourd’hui elle gère déjà une équipe de vendeurs en tant qu’alternante. À 23 ans.
Les 7 commandements pour survivre à la recherche 2025-2026
- Anticipez comme jamais. Dès janvier-février, votre CV et votre lettre type doivent être prêts. Les meilleurs contrats partent dès le printemps.
- Multipliez les canaux. Plateformes, LinkedIn, cooptation via les anciens, salons, forums écoles… ne laissez rien au hasard.
- Ciblez aussi les PME et ETI. Elles ont gardé des aides un peu plus généreuses et sont souvent moins submergées de candidatures.
- Personnalisez à mort. Plus une lettre générique. On doit sentir que vous avez passé du temps sur LEUR entreprise.
- Préparez-vous à l’entretien comme un oral de concours. Les recruteurs testent maintenant la maturité, la résilience, la capacité à encaisser.
- Ne négligez pas le réseau de votre école. Les services carrières n’ont jamais été aussi mobilisés. Profitez-en.
- Gardez le moral. 200 candidatures, 195 refus et 4 entretiens pour un oui… c’est la nouvelle norme. Un seul contrat suffit.
Je le répète souvent autour de moi : ce n’est pas parce que vous recevez des « non » que vous êtes nuls. C’est juste que le marché est devenu un champ de bataille. Et sur un champ de bataille, c’est la stratégie et la persévérance qui gagnent.
Et après ? Vers quelle alternance allons-nous ?
Certains experts du secteur pensent qu’on assiste à une re-maturation du modèle. L’explosion des effectifs ces dernières années a parfois donné lieu à des formations un peu légères, voire à des abus. Réduire la voilure peut permettre de remettre la qualité au centre : meilleur encadrement, missions plus consistantes, moins d’alternants « parking » sur des tâches ingrates.
D’autres craignent au contraire une désaffection des masters en apprentissage et un retour en force des formations initiales classiques. Personnellement, je reste optimiste. L’alternance reste un formidable ascenseur social et professionnel. Simplement, elle redevient ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : sélective et exigeante.
Alors oui, la route est plus raide pour la génération 2026. Mais ceux qui passeront au travers auront probablement vécu l’une des meilleures préparations possibles au monde du travail d’aujourd’hui : apprendre à se battre, à se vendre, à rebondir. Et ça, croyez-moi, ça n’a pas de prix sur un CV.
Si vous êtes dans cette galère en ce moment, courage. Vous n’êtes pas seuls. Et surtout, ne baissez pas les bras. Le contrat est au bout, je vous le promets.
