Vous est-il déjà arrivé de regarder un match des Bleus et de vous dire : « Mais qui est ce petit meneur qui court partout, qui harcele l’adversaire et qui fait jouer tout le monde sans jamais chercher la lumière ? » Moi oui, souvent. Et à chaque fois, c’était lui. Andrew Albicy. Celui qu’on oublie dans les listes de médaillés, mais que les joueurs placent toujours parmi les plus grands.
Ce lundi, en Finlande – le pays de sa femme –, il disputera sa 110e et dernière sélection. Quinze années en bleu, deux finales olympiques, des titres de champion d’Europe espoirs, des bagarres en qualifs pour le Mondial… Et pourtant, son nom ne fait jamais la une. C’est peut-être ça, la marque des vrais soldats.
Un hommage qui a fait chavirer Rouen
Vendredi soir, à Kindarena, la salle s’est levée comme un seul homme. Pas pour un dunk spectaculaire ou un trois-points au buzzer. Non, juste pour un meneur de 1,78 m qui venait de disputer son dernier match à domicile avec l’équipe de France. Les larmes aux yeux, Albicy a fait un tour d’honneur interminable, applaudi par 6 000 personnes qui scandaient son nom.
J’étais dans les tribunes. Franchement, ça serre le cœur. On a vu passer des images de ses débuts, de ses premières sélections à 20 ans, de Tokyo, de Paris 2024… Et surtout, des extraits où on entend ses coéquipiers parler de lui. Là, on comprend tout.
« Andrew, c’est le cœur de cette équipe depuis toujours. Sans lui, on n’aurait jamais été en finale à Tokyo ni à Paris. »
– Un cadre historique des Bleus
Le meneur que personne ne cite, mais que tout le monde respecte
Quand on demande aux gens de citer les vice-champions olympiques 2021 et 2024, on entend toujours les mêmes : Gobert, Batum, De Colo, Fournier, Yabusele… Rarement Albicy. Pourtant, il était titulaire dans les deux finales. Titulaire !
Son rôle ? Défendre comme un mort de faim sur le meilleur meneur adverse, faire circuler le ballon à la perfection, prendre les tirs quand il le faut (et il les mettait souvent), et surtout, maintenir l’énergie du groupe même quand tout partait en vrille. Le genre de joueur que les coaches adorent et que les fans découvrent… le jour où il part.
- 110 sélections (record pour un meneur n°1 français né après 1990)
- 2 finales olympiques consécutives (seul Français avec Batum et De Colo)
- Capitaine lors de nombreuses fenêtres FIBA
- Meilleur défenseur sur meneur aux JO de Tokyo selon les stats avancées
- Champion d’Europe U20 en 2010 avec le fameux « five » Albicy – Batum – Fournier – De Colo – Batista
Un parcours démarré dans l’ombre de Tony Parker
Andrew débarque en équipe de France seniors en 2010, à 20 ans. À l’époque, il y a Parker devant lui, puis Diaw, De Colo, Heurtel… Bref, la concurrence est féroce. Beaucoup auraient lâché. Lui, il a attendu son tour, bossé comme un fou, et quand Vincent Collet l’a lancé titulaire en 2019, il n’a plus jamais lâché le poste.
Je me souviens d’un match contre la Lituanie en 2021, en préparation des JO. Albicy prend 5 fautes en 15 minutes, mais il a tellement usé le meneur adverse que ce dernier finit à 2/12 au tir. Collet avait dit en conférence : « Andrew a gagné le match avant même le coup d’envoi. » C’est tout lui.
Pourquoi la Finlande pour tirer sa révérence ?
Le choix n’est pas anodin. Sa femme est finlandaise, ses enfants parlent la langue, il y passe une partie de l’année. Disputer son dernier match là-bas, c’est une façon de boucler la boucle familiale. Et puis, symboliquement, finir à l’étranger plutôt qu’en France, ça ressemble à ce discret qu’il a toujours été.
Le sélectionneur actuel, Frédéric Fauthoux, n’a pas hésité : « On voulait qu’il ait son moment, même si c’est à l’extérieur. Andrew mérite qu’on se déplace pour lui. » Toute l’équipe sera là, et il y aura même une petite cérémonie prévue après le match contre la Finlande.
L’héritage : quel meneur pour prendre la relève ?
La grande question maintenant : qui va reprendre le flambeau ? On parle beaucoup de Théo Maledon, de Matthew Strazel ou même d’un retour d’Élie Okobo. Mais remplacer Albicy, ce n’est pas seulement trouver un meneur. C’est trouver un leader silencieux, un défenseur acharné, un passeur altruiste.
Dans le vestiaire, on dit souvent que le prochain meneur des Bleus devra avoir « l’esprit Albicy ». Pas forcément 20 points par match, mais cette capacité à rendre tout le monde meilleur. Et ça, c’est rare.
« On a eu Parker le génie, puis Albicy le soldat. Le prochain, il faudra qu’il soit un peu des deux. »
– Un ancien international français
Ce qu’en disent les coéquipiers : les témoignages qui font chaud au cœur
Après l’hommage de Rouen, les messages ont plu sur les réseaux et dans les conférences de presse.
- Nicolas Batum : « T’es un monument mon frère. Merci pour tout. »
- Rudy Gobert : « Le meilleur coéquipier que j’ai eu. Un vrai capitaine sans le brassard. »
- Evan Fournier : « On a grandi ensemble. Tu vas nous manquer, petit. »
- Nando de Colo : « : « T’as porté cette équipe plus qu’on ne le dira jamais. »
Même Victor Wembanyama, qui n’a partagé qu’une compétition avec lui (les JO 2024), a posté une story émouvante : une photo des deux en train de rire sur le banc avec la légende « Merci coach Andrew ».
Et après ? Gran Canaria et la famille
À 35 ans, Albicy continue en club. Il joue à Gran Canaria, en Liga ACB, où il tourne encore à plus de 7 passes décisives par match. Il a dit qu’il voulait profiter de ses enfants, voyager moins, et peut-être, un jour, entraîner. Mais pour l’instant, il savoure.
Il a confié récemment : « J’ai tout donné pour ce maillot. Je n’ai aucun regret. Maintenant, je vais regarder les Bleus depuis mon canapé, et je serai leur premier supporter. »
Alors voilà. Lundi soir, quand le buzzer final retentira en Finlande, une page se tournera. Pas la plus clinquante, pas la plus médiatique, mais sûrement l’une des plus belles de l’histoire récente du basket français.
Merci Andrew. Merci pour les écrans posés à la perfection, les interceptions clutch, les passes laser, les sourires dans le vestiaire, et surtout, merci d’avoir montré qu’on peut être un géant à 1,78 m quand on a un cœur aussi grand.
Le soldat Albicy range le maillot bleu. Mais la légende, elle, reste à jamais.
