Il y a des moments où l’on se demande si la démocratie respire encore dans nos petites villes de province. Pas vous ? Moi, quand j’ai vu tomber coup sur coup une condamnation et trois enquêtes visant des élus d’une même commune, je me suis dit qu’il se passait enfin quelque chose. Dans l’Oise, une association que certains qualifient de « justiciers autoproclamés » et d’autres de « dernier rempart citoyen » est en train de secouer très fort le landernau politique local. Son nom ? Anticor. Et croyez-moi, elle ne fait pas semblant.
Anticor, l’association qui met le feu dans l’Oise
Imaginez : vous êtes élu local, vous pensiez que votre petite combine passerait inaperçue, et paf, une association de bénévoles vous colle une procédure au train. C’est exactement ce qui arrive en ce moment dans le département de l’Oise. Vingt-deux dossiers en cours, rien que ça. Des soupçons de favoritisme, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics… Et parmi les cibles, des noms qui pèsent lourd dans le paysage politique local.
Le dernier épisode en date ? Fin novembre, un ancien adjoint au maire d’une grande ville du département écope de trois ans d’inéligibilité pour avoir utilisé son téléphone professionnel… depuis l’étranger, pour une campagne électorale qui n’avait strictement rien à voir avec sa commune. Facture ? Plus de 12 000 euros réglés par le contribuable. Le genre de détail qui fait bondir quand on paie ses impôts locaux.
Quelques jours avant, même parquet, même ville : trois enquêtes préliminaires ouvertes contre le maire lui-même. Les chefs ? Prise illégale d’intérêts, favoritisme, détournement de fonds publics. Autant dire le tiercé infernal quand on est élu.
Mais qui est vraiment Anticor ?
Créée en 2002, Anticor est une association loi 1901 qui s’est donnée pour mission de lutter contre la corruption et pour plus de transparence dans la vie publique. Agréée par le ministère de la Justice, elle peut se porter partie civile et, surtout, déposer des signalements directement auprès des procureurs via l’article 40 du code de procédure pénale. En clair : n’importe quel citoyen peut alerter, mais Anticor, elle, a une autoroute vers le bureau du magistrat.
Dans l’Oise, le groupe local est particulièrement actif. Une poignée de militants – juristes, retraités, anciens cadres – qui épluchent les délibérations municipales, les marchés publics, les déclarations d’intérêts. Quand ça coince, ils rédigent un signalement étayé et l’envoient. Et visiblement, ça marche plutôt bien.
« Nous ne sommes ni de droite ni de gauche. Nous sommes contre la corruption, point. »
– Un responsable local d’Anticor, sous couvert d’anonymat
Les affaires qui ont marqué les esprits dans l’Oise
Revenons sur quelques dossiers qui ont fait jurisprudence, ou du moins, qui ont fait parler.
- La condamnation récente d’un ex-adjoint pour ses factures téléphoniques astronomiques depuis l’Afrique. Trois ans d’inéligibilité, c’est pas rien.
- La mise en examen d’un maire pour des soupçons de favoritisme dans l’attribution de marchés publics.
- Des enquêtes sur des emplois familiaux présumés fictifs dans plusieurs petites communes.
- Des signalements sur des associations écran qui récupéraient des subventions sans réelle activité.
Et ce n’est que la partie émergée. Sur les 22 dossiers en cours, certains concernent des villes de 3 000 habitants, d’autres des agglomérations de plus de 40 000. Aucune taille ne semble protéger.
« Juristes d’extrême gauche » ou simples citoyens vigilants ?
Évidemment, tout le monde n’applaudit pas. Du côté des élus mis en cause, on crie souvent à la cabale politique. « Ce sont des militants d’extrême gauche qui veulent nous faire tomber », entend-on régulièrement dans les couloirs des mairies. L’argument est pratique : il évite de répondre sur le fond.
Pourtant, quand on regarde de plus près, les signalements sont souvent très techniques : absence de mise en concurrence sur un marché de plusieurs centaines de milliers d’euros, conflit d’intérêts patent, cumul de rémunérations illégal… Ce n’est pas de l’idéologie, c’est du droit.
J’ai moi-même feuilleté quelques dossiers (ceux qui sont publics, bien sûr). Franchement ? On se demande parfois comment certaines pratiques ont pu durer aussi longtemps sans que personne ne bouge.
L’impact concret sur la vie politique locale
Ce qui est fascinant, c’est l’effet domino. Depuis que Anticor est passé par là, on voit des élus faire profil bas, publier leurs déclarations d’intérêts plus rapidement, mettre en place des chartes déontologiques. Même ceux qui crient au scandale finissent souvent par nettoyer leurs écuries.
Et puis il y a l’effet sur les citoyens. Dans certaines communes, les habitants commencent à demander à voir les pièces des marchés publics. Ils osent. C’est peut-être ça, le vrai changement : redonner le goût du contrôle démocratique.
« Avant, on se disait que c’était comme ça partout. Maintenant, on sait que non, et qu’on peut agir. »
– Une habitante ayant suivi une affaire de près
Les limites et les critiques légitimes
Parce qu’il faut être honnête : Anticor n’est pas au-dessus de tout reproche. Certains signalements n’aboutissent pas. Parfois, le parquet classe sans suite. Et oui, il arrive que des élus soient blanchis après des mois de procédure. Le coût humain et médiatique peut être énorme.
Il y a aussi la question de l’équilibre. Quand une association, même vertueuse, devient le principal pourvoyeur de procédures contre les élus d’un département, ne concentre-t-on pas trop de pouvoir entre quelques mains ? Même si ces mains sont propres.
Et puis soyons lucides : Anticor ne peut pas être partout. Les grosses affaires nationales, les ministères, les régions… tout ça reste souvent hors de portée d’une structure associative, même très déterminée.
Vers une nouvelle ère de transparence ?
Ce qui se passe dans l’Oise n’est peut-être que le début. Partout en France, les groupes locaux d’Anticor se structurent. Les citoyens découvrent qu’ils ont des outils : la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le droit de saisine du procureur, les demandes d’accès aux documents administratifs…
Est-ce que cela veut dire que tous les élus sont corrompus ? Bien sûr que non. La très grande majorité fait honnêtement son travail. Mais quand la minorité dérape, il faut que quelqu’un puisse tirer la sonnette d’alarme. Et pour l’instant, dans l’Oise, c’est Anticor qui tient la corde.
Alors, chasse aux sorcières ou nécessaire coup de balai ? Personnellement, je penche pour la seconde option. Parce que la vraie question n’est pas de savoir si Anticor dérange, mais plutôt : pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour que quelqu’un le fasse ?
Une chose est sûre : dans les mairies de l’Oise, en cette fin d’année 2025, on regarde désormais deux fois avant de signer certains documents. Et ça, finalement, c’est peut-être le plus beau cadeau que des citoyens vigilants pouvaient faire à la démocratie locale.
(Article basé sur des faits publics et des témoignages recueillis auprès de sources diverses. Aucune diffamation n’a été prononcée à l’encontre de personnes présumées innocentes.)
