Imaginez un peu la scène : vous êtes l’héritier d’un empire du luxe valant des centaines de milliards, et, un matin, vous décidez de vous lancer dans le foot avec un club historique mais discret de la capitale. Pas le PSG, non. L’autre club parisien. Celui qui vient de remonter en Ligue 1 et qui porte le nom de la ville sans les stars, sans les pétrodollars, mais avec une vraie une ambition familiale. C’est exactement ce qu’a fait Antoine Arnault il y a un an et demi. Et aujourd’hui, il accepte enfin de lever le voile sur la suite.
Un projet qui refuse la folie des grandeurs
Quand on parle du Paris FC version 2025, on pourrait s’attendre à des annonces tonitruantes, des chèques à neuf chiffres ou des rêves de Ligue des Champions dès demain matin. Eh bien non. La phrase qui revient sans cesse dans la bouche d’Antoine Arnault, c’est « ne pas se prendre pour un autre ». Et franchement, dans le foot business actuel, ça fait presque figure de révolution.
Le club est monté en Ligue 1 la saison dernière. Objectif officiel cette année ? Le maintien. Pas l’Europe, pas le podium, le maintien. Point. Et pourtant, derrière cette modestie de façade, tout bouge à une vitesse folle.
Un début de saison frustrant mais encourageant
À mi-parcours, le Paris FC flotte dans le ventre mou du classement. Quelques matchs où l’équipe a équipe a clairement dominé sans gagner, deux ou trois contre-performances évitables… Antoine Arnault l’admet sans détour : il est satisfait mais un peu frustré.
« Excepté Angers et le match contre Auxerre avec tous les absents, on méritait souvent mieux. Mais on reste un promu. Faut garder l’humilité. »
Traduction : pas si cachée : oui, on joue bien, oui on progresse, mais non, on ne va pas s’enflammer. Stéphane Gilli, l’entraîneur, conserve la confiance totale de la direction – chose rare de nos jours après quatre matchs sans victoire.
Le mercato estival ? Pas raté, selon le propriétaire. Juste un temps d’adaptation normal pour des joueurs comme Pierre Lees-Melou ou Moses Simon. Et cet hiver, ça va bouger. Priorités affichées : un attaquant de pointe et un milieu box-to-box. On sent déjà l’odeur de la poudre.
L’histoire Kanté qui a failli tout changer
Petit moment savoureux de l’interview : l’été dernier, N’Golo Kanté était à ça de signer au Paris FC. Vraiment. Contrat prêt, envie réciproque, poignée de main virtuelle… mais Al-Ittihad a bloqué le départ à la dernière seconde.
« Avec N’Golo dans l’équipe, on aurait peut-être cinq points de plus aujourd’hui. Dommage, mais on respecte. Ce n’est plus d’actualité. »
Antoine Arnault
Imaginez l’impact médiatique et sportif. Kanté en bleu Paris FC à Jean-Bouin… On en parle encore dans dix ans.
Le centre d’entraînement d’Orly : le vrai game-changer
L’annonce du jour, c’est l’extension massive du centre d’entraînement à Orly. On ne parle pas d’un ou deux terrains en plus. On parle de passer à 16 hectares au total, cinq nouveaux terrains dans un premier temps, puis tout le reste.
- Entraînements simultanés de l’équipe pro homme, femme et centre de formation
- Nouveaux parcs et espaces verts offerts aux communes voisines en compensation
- Investissement entièrement privé, intégré au budget validé par la DNCG
- Bernard Arnault lui-même devrait bientôt visiter le chantier – chose rare
Antoine Arnault le répète : ce centre sera la clé de voûte du projet. Pas un gadget marketing, mais le socle qui permettra de former, attirer et retenir les talents sur la durée.
Et cerise sur le gâteau : tout le monde joue le jeu. Les mairies d’Orly, Choisy-le-Roi et Villeneuve-le-Roi ont validé le projet rapidement. Preuve que quand on explique calmement et qu’on propose des compensations intelligentes, même les réticences initiales tombent.
Jean-Bouin pour l’instant, et puis c’est tout
On lui pose la question inévitable : et le stade ? Rester à Jean-Bouin (19 000 places) ou rêver plus grand ? La réponse fuse, presque agacée :
« Concernant le Parc des Princes, je ne veux même pas en entendre parler. C’est le stade du PSG, point. »
Claire, net, précis. Le Paris FC a signé jusqu’en 2029 à Jean-Bouin, entretient une relation au beau fixe avec le Stade Français rugby, et s’y sent bien. Les hospitalités sont top, l’ambiance intimiste, le public repart content. Pour l’instant, un stade plein qui vibre vaut mieux qu’une arène géante à moitié vide.
D’ailleurs, Jürgen Klopp himself, lors de sa visite l’an dernier, avait prévenu : « Si vous montez en Ligue 1, il faudra penser à autre chose. » Promesse tenue : ils y ont pensé… et décidé de rester quand même pour l’instant.
Red Bull dans l’ombre, mais pas aux commandes
On oublie souvent que Red Bull est actionnaire à 10,6 %. Assez pour apporter du savoir-faire (Klopp, Mintzlaff et Mario Gomez sont déjà venus donner un coup de main), pas assez pour diriger. La famille Arnault garde la majorité absolue (52,4 %) et Pierre Ferracci, président historique, conserve près de 30 %. Un équilibre qui semble fonctionner.
Antoine Arnault rend d’ailleurs un hommage appuyé à l’ancien président pour le travail de fond réalisé avant le rachat. Classe.
Une passion qui dépasse le simple investissement
Ce qui frappe le plus, c’est l’émotion dans la voix quand il parle du club. Lui qui pensait aller « à un match sur cinq à l’extérieur » se retrouve presque à tous les déplacements. Il vit les matchs à 200 %, vibre, souffre, exulte.
Et l’anecdote qui résume tout : un jour, Bernard Arnault se fait arrêter au feu rouge devant le Bon Marché par un supporter qui le remercie pour le Paris FC. Le patron de LVMH qui pose pour un selfie foot… On n’est plus dans le luxe inaccessible, on est dans le foot populaire, celui qui touche tout le monde.
Autre histoire touchante : un père qui peut enfin emmener son fils de 10 ans au stade grâce aux places à 10 €. « Ça, ça n’a pas de prix », glisse Antoine Arnault, visiblement ému.
Développer la marque Paris FC : le prochain défi
Avec l’arrivée de Jean-Marc Gallot comme directeur général, le club passe à la vitesse supérieure sur le branding. Objectif : faire du maillot Paris FC un objet cool, présent dans les rues, sur les réseaux, dans les magasins.
Partenariat Adidas, merchandising poussé, hospitalités premium, digital renforcé… Tout y passe. Parce que oui, le sportif c’est bien, mais pour durer en Ligue 1, il faut aussi remplir les caisses autrement que par la poche du propriétaire.
Et là, l’expertise luxe de la famille Arnault pourrait faire des merveilles. Pas pour transformer le Paris FC en club bling-bling, mais pour en faire une marque forte, identifiable, désirable.
Et demain ?
Le plan est clair, millimétré, presque militaire dans sa patience :
- Maintien tranquille cette saison
- Pérennisation en Ligue 1
- Croissance progressive grâce aux infrastructures et à la marque
- Et seulement après… on verra
Pas de promesse folle, pas de calendrier précis pour le top 8 ou la Coupe d’Europe. Juste une méthode : pierre par pierre.
Mais quand vous avez derrière vous la puissance financière de la première fortune d’Europe, un centre d’entraînement qui va devenir l’un des plus modernes de France, un actionnariat stable et une vision long terme, vous vous dites que ce Paris FC-là a clairement les moyens de ses ambitions – même si elles sont murmurées plutôt que criées sur les toits.
Dans un monde du foot où tout va trop vite, où les clubs flambent et parfois se crashent, ce projet familial, patient et structuré fait presque figure d’ovni. Et quelque part… ça fait du bien.
Alors oui, aujourd’hui le Paris FC est 12e ou 13e. Demain ? On verra. Mais une chose est sûre : ils sont en train de construire quelque chose de solide. Et quand les fondations sont bonnes, le reste finit souvent par suivre.
À suivre, très attentivement.
