Vous êtes-vous déjà demandé jusqu’où le corps humain pouvait défier la mort ?
Moi, chaque fois que je cours en montagne, cette question me trotte dans la tête. Mais ce qui est arrivé à ce gamin de 18 ans, fin septembre, dans les sentiers escarpés au-dessus du lac de Côme, dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Quatre-vingt-dix minutes sans pouls. Quatre-vingt-dix. Je répète le chiffre parce qu’il donne le vertige. Et pourtant, il est là aujourd’hui, vivant, presque intact, à raconter son histoire avec le sourire timide d’un lycéen qui vient de louper un contrôle de maths.
Un simple trail qui vire au cauchemar
C’était sa première vraie grosse course en montagne. Un marathon trail magnifique, technique, avec des passages à plus de 2 000 mètres. Le genre d’épreuve où on se sent invincible quand tout va bien… et totalement démuni quand tout bascule.
Le jeune coureur – appelons-le simplement « le miraculé » pour l’instant – s’égare en redescendant d’un sommet. Erreur de balisage, brouillard, fatigue, peu importe. Il se retrouve hors trace, seul, avec des températures qui chutent brutalement. Les mains gelées, il ne peut même plus manipuler son téléphone. L’hypothermie s’installe à une vitesse folle.
À un moment, il comprend qu’il n’y arrivera pas. Il s’assoit, ou plutôt il s’effondre. Et puis plus rien. Black-out total.
Quand les secours le retrouvent… il est déjà « parti »
Les organisateurs déclenchent l’alerte quand il ne passe pas le point de contrôle prévu. Hélico, équipes au sol, chiens… les recherches durent des heures. Quand ils le localisent enfin, le verdict est sans appel : température corporelle à 21 °C, plus de pouls, plus de respiration. Pour tout le monde sur place, c’est fini.
« On était face à un corps sans vie. Arrêt cardio-respiratoire complet depuis déjà plus d’une heure. Franchement, on ne donnait pas cher de sa peau. »
Un responsable médical présent ce jour-là
Mais en médecine d’urgence, il y a une règle d’or en montagne : on n’est mort que quand on est chaud et mort. Autrement dit, le froid extrême ralentit tellement le métabolisme que le cerveau peut survivre beaucoup plus longtemps sans oxygène. C’est paradoxal, mais l’hypothermie devient ici un allié inattendu.
La course contre la montre commence vraiment… à l’hôpital
Transporté en urgence dans un grand centre hospitalier italien, le jeune homme est immédiatement branché sur une machine ECMO (oxygénation par membrane extra-corporelle). En gros, on sort le sang du corps, on l’oxygène artificiellement, on le réchauffe doucement, et on le reinjecte. Une technologie impressionnante réservée aux cas les plus graves.
Pendant six jours, son cœur ne bat pas seul. C’est la machine qui fait tout le travail. Six jours. Imaginez la tension dans le service.
- Jour 1 à 6 → ECMO à plein régime
- Jour 7 à 15 → soins intensifs, sevrage progressif
- Semaine 3-4 → service de cardiologie
- Mois 2 → centre de rééducation
Et puis, petit à petit, le miracle prend forme. Le cœur repart. Le cerveau répond. Les reins fonctionnent. Même les médecins, pourtant habitués aux situations extrêmes, n’y croient pas vraiment.
Pourquoi lui et pas un autre ? Les clés du miracle
Plusieurs facteurs ont joué en sa faveur, et, franchement, il a eu une baraka monstre.
D’abord l’âge. À 18 ans, le corps est une machine neuve, hyper résiliente. Les tissus supportent mieux l’absence d’oxygène.
Ensuite le froid. C’est contre-intuitif, mais l’hypothermie profonde a littéralement mis son métabolisme en pause. Le cerveau a consommé dix fois moins d’oxygène que normalement. C’est ce qu’on appelle l’hypothermie thérapeutique quand on la provoque volontairement, mais là, la nature l’a fait toute seule.
Enfin la condition physique. Un jeune qui court des trails en montagne a un cœur et des poumons d’athlète. Même arrêté, l’organisme possède des réserves incroyables.
« Je ne comprends toujours pas comment c’est possible. Quand je me suis réveillé, j’ai demandé si on m’avait quand même donné la médaille… »
Le jeune coureur, deux mois après
Les séquelles ? Presque rien
Après presque 70 jours d’hospitalisation et de rééducation, il est rentré chez lui. Il a repris les cours comme si de rien n’était. Le seul souvenir physique : un léger engourdissement au bout de quelques doigts, probablement à cause du gel. Le cerveau ? Intact. Le cœur ? Parfait. Les médecins parlent d’un « retour à une vie totalement normale ».
Quand on pense que certaines personnes restent dans le coma des années après seulement 8-10 minutes d’arrêt cardiaque… on mesure la chance astronomique de ce gamin.
Ce que cette histoire nous apprend, à nous trailers
Je ne vais pas vous faire la morale habituelle « attention en montagne », vous la connaissez déjà. Mais cette histoire remet quelques vérités en tête :
- Le froid tue vite, très vite, même quand on est en super forme
- Un téléphone gelé = plus de SOS, pensez aux solutions alternatives (balise GPS dédiée, etc.)
- Se perdre à 2 000 m en septembre, ça peut arriver à tout le monde – restez sur le balisage !
- Les organisateurs doivent pouvoir déclencher les secours en quelques minutes (là, ils l’ont fait, bravo)
- Et surtout : le corps humain est parfois plus solide qu’on ne le croit
Personnellement, depuis que j’ai lu cette histoire, j’ai ajouté une couverture de survie dans TOUS mes sacs de trail, même pour 2 heures de sortie. On n’est jamais trop prudent.
Et demain ? Il recourra ?
Les médecins sont formels : oui, il pourra recourir. Pas tout de suite, bien sûr. Mais son cœur est en parfait état. Il va juste falloir y aller mollo les premiers mois.
Quand on lui pose la question, il sourit : « Bien sûr que je vais remettre un dossard. Mais peut-être pas tout de suite un 40 km en altitude… »
Cette phrase résume tout. La passion du trail est plus forte que la peur. Et quelque part, c’est beau.
Alors la prochaine fois que vous pestez parce qu’il fait –2 °C au départ d’une course et que vous hésitez à mettre le coupe-vent, pensez à ce gamin qui a passé 90 minutes « mort » dans la neige… et qui aujourd’hui marche à nouveau entre les rangs de sa terminale.
La montagne nous rappelle sans cesse son humilité. Mais parfois, elle nous offre aussi des histoires qui redonnent foi en la vie.
Prenez soin de vous là-haut. Et courez, mais courez malin.
