Imaginez-vous pousser la porte d’une médiathèque un mardi matin pluvieux et ressortir une demi-heure plus tard avec une vraie toile sous le bras, signée par un artiste exposé dans les plus grands musées… pour 35 euros. Non, ce n’est pas un rêve un peu trop beau pour être vrai. C’est exactement ce qui se passe en ce moment à Persan, dans le Val-d’Oise.
J’ai toujours pensé que l’art contemporain, c’était un peu comme les sacs de luxe : magnifique, mais réservé à ceux qui ont les moyens. Et puis j’ai découvert cette opération « l’art à petits prix » et franchement, ça m’a fait revoir pas mal de mes idées toutes faites.
Quand la culture sort des galeries hors de prix
Depuis quelques jours et jusqu’au 6 décembre, la ludo-médiathèque de Persan s’est transformée en immense galerie éphémère. Des centaines d’œuvres – peintures, dessins, gravures, photographies – sont accrochées un peu partout : sur les murs, sur des cimaises improvisées, parfois même posées par terre parce qu’il n’y a plus de place.
Le principe est d’une simplicité désarmante : chaque pièce est vendue entre 2,50 euros et 90 euros maximum. Oui, vous avez bien lu. 2,50 euros pour une petite œuvre originale. À ce tarif-là, même moi qui ai toujours juré que « l’art, c’était trop cher pour mon budget », je me suis laissé tenter.
Des artistes reconnus qui jouent le jeu
Ce qui rend l’opération encore plus folle, c’est la qualité des artistes présents. Une quarantaine participent, et parmi eux, il y a de sacrés noms. Certains ont déjà exposé dans les institutions les plus prestigieuses de la capitale, d’autres commencent à se faire un vrai nom dans le milieu de l’art urbain ou de la bande dessinée d’auteur.
L’un d’eux, par exemple, a vu ses œuvres intégrer les collections permanentes de centres d’art contemporain très cotés. Et pourtant, il a accepté de proposer plusieurs pièces à des prix complètement défiant toute logique marchande. Quand on lui demande pourquoi, sa réponse est désarmante de simplicité :
« Le beau, c’est pour tout le monde. »
Et force est de constater que le message passe plutôt bien.
Un public qui n’aurait jamais franchi la porte d’une galerie
Ce qui m’a le plus marqué, c’est le public. On est très loin du cliché du collectionneur en costume-cravate qui sort son chéquier sans regarder. Ici, il y a des mamies qui viennent avec leur petit-fils, des couples de jeunes qui emménagent ensemble, des ados qui mettent leurs économies de côté pour s’offrir leur première « vraie » œuvre.
J’ai discuté avec Jeanne, une retraitée de la fonction publique qui repartait avec trois petites pièces sous le bras. Elle m’a confié avec un grand sourire :
« Au début je suis venue par curiosité. Et puis j’ai vu les prix… alors je suis repassée pour faire des cadeaux de Noël. À ce tarif-là, c’est presque moins cher qu’un cadre chez Ikea ! »
– Jeanne, visiteuse ravie
Et elle n’est pas la seule. Beaucoup repartent avec plusieurs œuvres. Parce que oui, quand l’art devient accessible, on arrête de se poser la question « est-ce que je peux me le permettre ? » pour se concentrer sur ce qu’on aime vraiment.
Une opération qui n’a rien d’un gadget marketing
On pourrait penser que proposer des œuvres à 15 ou 30 euros, c’est une façon pour les artistes de se débarrasser de leurs « fonds de tiroir ». Eh bien pas du tout. La plupart des pièces proposées sont récentes, parfois créées spécialement pour l’occasion.
Les artistes ont parfaitement compris l’enjeu : en acceptant de vendre à des prix symboliques, ils touchent un public qui ne serait jamais entré dans une galerie traditionnelle. Et quelque part, c’est une forme de militantisme culturel.
- Ils remplissent leur carnet d’adresses avec des collectionneurs en devenir
- Ils créent du lien direct avec le public
- Ils prouvent que l’art n’a pas besoin d’être hors de prix pour avoir de la valeur
- Ils participent à changer l’image parfois élitiste de l’art contemporain
Et ça marche. Terriblement bien même.
Pourquoi ce genre d’initiative reste encore trop rare
Franchement, on se demande pourquoi on ne voit pas ce genre d’opération toutes les semaines. Parce que clairement, la demande est là. Les visiteurs se pressent, les œuvres partent comme des petits pains, et tout le monde repart heureux : les artistes, la médiathèque, et surtout le public.
Peut-être que le monde de l’art a encore un peu peur de casser ses codes. Peut-être que certains galeristes traditionnels voient d’un mauvais œil ces initiatives qui remettent en question tout un système économique. Mais quand on voit le bonheur des gens qui repartent avec une œuvre qu’ils ont choisie avec leur cœur et pas avec leur portefeuille, on se dit que c’est ça, le vrai sens de l’art.
Et si c’était le début d’une petite révolution ?
L’aspect peut-être le plus intéressant, c’est que cette opération n’est pas isolée. On voit de plus en plus d’initiatives du même genre : des ventes à prix libres, des expositions dans des lieux inattendus, des artistes qui proposent directement leurs œuvres sur les réseaux sociaux à des prix abordables.
Est-ce que Persan est en train de nous montrer la voie ? Est-ce que l’art contemporain est en train de vivre sa grande démocratisation ? En tout cas, une chose est sûre : quand on rend l’art accessible, les gens répondent présents. Et massivement.
Alors si vous passez dans le Val-d’Oise d’ici le 6 décembre, faites un détour par la ludo-médiathèque de Persan. Prenez le temps de flâner entre les œuvres, de discuter avec les artistes quand ils sont là, de vous laisser toucher par une toile ou un dessin.
Parce que oui, le beau, c’est vraiment pour tout le monde. Et quand on le comprend, on ne regarde plus jamais les choses de la même façon.
Et quelque part, c’est peut-être ça le plus beau dans toute cette histoire.
