Vous avez déjà entendu parler d’une négociation qui commence par un recul de plusieurs milliards ? C’est exactement ce qui vient de se passer avec l’assurance chômage. Fin novembre 2025, le ministre du Travail a envoyé une lettre qui ressemble à un grand soupir de soulagement pour les partenaires sociaux… mais qui cache quand même une sacrée pression.
Un virage à 180° qui change tout
L’été dernier, l’idée était claire : faire économiser entre 2 et 2,5 milliards d’euros par an à l’assurance chômage. Autant dire une cure d’austérité brutale. Les syndicats avaient bloqué, les petites organisations patronales aussi, et les discussions n’avaient jamais vraiment démarré. Résultat ? On arrive fin novembre et, miracle, le chiffre fond comme neige au soleil : on parle désormais de 400 millions d’euros par an. Oui, vous avez bien lu. On divise quasiment par six l’effort demandé.
Franchement, quand on suit ces dossiers depuis des années, on a rarement vu un tel rétropédalage. C’est presque trop beau pour être vrai… et c’est bien là que le bât blesse.
Pourquoi ce chiffre de 400 millions change la donne
400 millions, dans le grand livre des finances publiques, c’est presque une goutte d’eau. Quand on sait que le régime chômage coûte plus de 40 milliards par an, on comprend vite que l’objectif n’est plus de « réformer en profondeur » mais plutôt de faire un geste symbolique tout en évitant la crise sociale juste avant les fêtes.
Mais attention : ce n’est pas un chèque en blanc. Le ministre a été très clair. Il veut ces économies en année pleine d’ici la fin de la convention actuelle, c’est-à-dire 2029, avec des effets qui doivent commencer dès 2026. Et surtout, il met un point d’honneur sur un sujet qui énerve beaucoup de monde depuis des années : les ruptures conventionnelles.
Les ruptures conventionnelles, la vraie cible
515 000 ruptures conventionnelles en 2024. +17 % en cinq ans. 9,2 milliards d’euros d’indemnités versées. Ces chiffres donnent le tournis. Et pour cause : ce dispositif, créé en 2008 pour fluidifier le marché du travail, est devenu pour beaucoup une porte de sortie dorée. Un salarié qui négocie son départ touche des indemnités souvent plus généreuses que s’il était licencié, et l’employeur évite les prud’hommes. Tout le monde y trouve son compte… sauf l’assurance chômage qui paie la note.
« Dans le contexte dégradé des finances publiques, il serait souhaitable que cette négociation puisse générer une économie d’au moins 400 millions d’euros par an »
Extrait de la lettre du ministre du Travail, novembre 2025
Le message est limpide : c’est là qu’il faut taper. Pas sur la durée d’indemnisation, pas sur le niveau des allocations (du moins pas cette fois), mais sur ce qui est perçu comme un détournement du système.
Un calendrier sous haute tension
Le ministre donne jusqu’à fin janvier pour aboutir à un accord. C’est court. Très court. Surtout quand on sait que les partenaires sociaux avaient déjà demandé le retrait pur et simple de l’ancienne lettre de cadrage. Ils ont obtenu gain de cause… à moitié.
- La lettre de cadrage de l’été ? Officiellement retirée dès qu’un calendrier sera validé.
- Les 400 millions ? Toujours là, mais présentés comme un « souhait » et non plus une obligation absolue.
- Pas d’accord fin janvier ? Le gouvernement reprendra la main. Et là, plus de discussion.
C’est du donnant-donnant version musclée. On vous laisse négocier, mais pas trop longtemps et pas n’importe quoi.
Pourquoi maintenant ? Le contexte budgétaire pèse lourd
On ne va pas se mentir : les finances publiques sont dans le rouge vif. Le déficit prévu pour 2025 et 2026 fait peur à tout le monde, et chaque ministère doit trouver des économies. L’assurance chômage, parce qu’elle est gérée par les partenaires sociaux et non directement par l’État, est une cible facile. Ou du moins, c’était l’idée au départ.
Mais là, avec seulement 400 millions demandés, on sent que le gouvernement a préféré éviter la grève générale juste avant Noël. D’ailleurs, la première réunion de la conférence sur le travail et les retraites est prévue début décembre. Autant ne pas mettre tout le monde à dos d’entrée de jeu.
Quelles pistes concrètes sur la table ?
Plusieurs rapports récents ont déjà listé des options. Rien n’est acté, mais voilà ce qui circule :
- Réduire l’indemnité légale spécifique de rupture conventionnelle (actuellement 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté)
- Instaurer un délai de carence plus long avant l’ouverture des droits
- Plafonner les indemnités pour les hauts salaires
- Exclure certains cas (proximité retraite, par exemple) du bénéfice de la rupture conventionnelle
- Renforcer les contrôles sur les ruptures « abusives »
Chaque piste a ses défenseurs et ses détracteurs. Les syndicats hurlent déjà à l’atteinte aux droits des salariés. Les petites entreprises, elles, craignent que sans ce dispositif souple, les licenciements économiques reprennent de plus belle.
Et les seniors dans tout ça ?
Un point qui revient souvent : beaucoup de ruptures conventionnelles concernent des salariés proches de la retraite. Ils partent avec une belle indemnité, touchent le chômage jusqu’à la retraite à taux plein, et tout le monde est content. Sauf que ça coûte cher. Très cher. C’est probablement là que les 400 millions seront trouvés le plus facilement… et que la bataille sera la plus rude.
J’ai discuté récemment avec un DRH d’un grand groupe : « Sans la rupture conventionnelle, on serait obligés de garder des gens qui ne veulent plus être là, ou de les licencier pour motif personnel. Aucun des deux scénarios n’est bon. » Le sujet est explosif.
Que va-t-il se passer d’ici fin janvier ?
Franchement ? Personne ne le sait. Les organisations syndicales sont sur la défensive, les petites entreprises patronales veulent garder leur marge de manœuvre, et les grandes (notamment celles absentes de la lettre) regardent de loin. On sent que tout le monde va essayer de gagner du temps.
Mais avec un ultimatum clair et un contexte budgétaire qui ne s’améliore pas, il y a fort à parier que l’accord sera minimaliste. Peut-être juste de quoi atteindre les 400 millions sans trop toucher au cœur du dispositif. Ou alors, surprise, un accord plus ambitieux qui surprendra tout le monde.
Une chose est sûre : ces prochaines semaines vont être passionnantes à suivre. Entre la conférence sociale, le budget 2026 qui se vote au Parlement et cette négociation sous pression, le monde du travail français joue gros.
On en reparlera très vite. D’ici là, gardez un œil sur votre boîte mail : si vous êtes proche de la retraite et que votre employeur vous propose une rupture conventionnelle, ça risque de devenir… compliqué.
