Imaginez-vous tranquillement dans des toilettes publiques, tard le soir, et soudain la porte s’ouvre sur un ours. Pas un petit chien errant, non : un vrai plantigrade d’une centaine de kilos qui vous fixe avec des yeux noirs. C’est exactement ce qui est arrivé à un Japonais de 69 ans il y a quelques jours. Et le plus fou ? Il a réussi à s’en sortir en lui balançant des coups de pied jusqu’à ce que l’animal prenne la poudre d’escampette.
Franchement, quand j’ai lu ça, j’ai d’abord cru à une blague. Puis j’ai vu les chiffres derrière l’histoire et j’ai arrêté de rire. Parce que ce qui ressemble à une anecdote complètement dingue est en réalité le symptôme d’une crise bien plus grave qui touche tout le Japon depuis des mois.
Quand les ours débarquent (littéralement) en ville
La scène se passe dans la préfecture de Gunma, à quelques heures de train au nord de Tokyo. Un agent de sécurité effectue sa ronde nocturne près d’une vieille gare fermée. Il entre dans les toilettes publiques pour une pause bien méritée. À peine assis, il entend du bruit. Il lève les yeux : un ours se tient à moins de deux mètres, bloquant la sortie.
L’homme tente de s’échapper, glisse, tombe sur le dos. Position idéale pour… donner des coups de pied de toutes ses forces. L’ours, surpris par cette résistance inattendue, finit par reculer et détaler dans la nuit. Bilan : quelques griffures à la jambe droite, une peur bleue, mais la vie sauve.
Ce qui m’a marqué, c’est la réaction de l’agent : pas de cris, pas de panique totale, juste l’instinct de survie pur. À 69 ans, il a prouvé qu’on pouvait encore botter les fesses d’un ours (au sens propre). Respect.
Un record qui donne le vertige
Cet incident n’est pas isolé. Loin de là. Depuis le début du mois d’avril, les autorités japonaises ont recensé 197 attaques d’ours sur l’ensemble du territoire. 197. En sept mois seulement.
Et le pire, c’est le nombre de victimes : 13 personnes ont perdu la vie. C’est du jamais-vu. Pour vous donner une idée, avant cette année, le record annuel tournait autour de 3 à 4 morts. Là, on a franché un cap terrifiant.
Les médias locaux parlent d’une « année noire ». Moi, je dirais plutôt une année rouge sang.
- Avril à novembre : 197 attaques signalées
- 13 décès confirmés
- Des centaines de blessés, parfois gravement
- Des ours abattus par dizaines
- L’armée japonaise mobilisée pour la première fois contre des animaux sauvages
Oui, vous avez bien lu : l’armée. Les forces d’autodéfense ont été déployées dans plusieurs régions pour prêter main-forte aux chasseurs locaux débordés. On autorise désormais les policiers à tirer à vue sur les ours jugés dangereux. Situation complètement inédite.
Mais pourquoi autant d’attaques cette année ?
On pourrait croire à une soudaine agressivité des ours. En réalité, c’est beaucoup plus prosaïque et inquiétant à la fois : ils ont faim. Vraiment faim.
Les ours noirs asiatiques (aussi appelés ours à collier) qui peuplent les montagnes japonaises se nourrissent principalement de glands, de faines et de fruits sauvages. Problème : la récolte 2025 a été catastrophique dans de nombreuses régions à cause d’une météo capricieuse – sécheresse puis pluies diluviennes au mauvais moment.
Quand la nourriture manque en altitude, les ours descendent. Et là, ils découvrent nos poubelles, nos potagers, parfois même nos réfrigérateurs.
– Un spécialiste de la faune japonaise
Résultat : les animaux, affamés, perdent leur peur naturelle de l’homme et s’aventurent toujours plus près des habitations. Certains entrent dans les maisons par les fenêtres ouvertes. D’autres, comme dans notre histoire, poussent la porte des toilettes publiques. Rien n’est sacré.
J’ai vu des vidéos prises par des habitants : un ours qui se balade tranquillement dans une rue commerçante en plein jour, un autre qui vide un distributeur de nourriture pour chiens, un troisième qui grimpe sur le toit d’une école. On se croirait dans un documentaire apocalyptique.
Les zones les plus touchées
Toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. Les préfectures du nord et du centre du Honshu (la grande île principale) concentrent la majorité des incidents :
- Akita : record absolu avec plusieurs décès
- Iwate : des villages entiers en alerte permanente
- Fukushima : ironie du sort, 14 ans après la catastrophe nucléaire
- Gunma : notre fameuse attaque dans les toilettes
- Niigata, Yamagata, Tochigi… la liste est longue
Dans certains villages, les écoles ont annulé les cours en extérieur. Les enfants portent des clochettes pour faire du bruit et éloigner les ours. Les habitants ne sortent plus leurs poubelles que le matin même du ramassage, sous peine de voir leur rue transformée en buffet libre.
Que faire face à un ours ? Les conseils qui sauvent
L’histoire de notre agent de sécurité de 69 ans prouve une chose : on peut s’en sortir. Mais mieux vaut connaître les bons réflexes. Voici ce que recommandent les autorités japonaises (et que personnellement je trouve hyper utile, même si j’espère ne jamais avoir à tester) :
- Ne jamais tourner le dos et courir (l’ours est bien plus rapide)
- Se faire le plus gros possible : lever les bras, crier, taper sur une casserole si vous en avez une
- Si l’ours attaque, protéger la nuque et le ventre (positions vitales)
- Pour les ours noirs asiatiques : se battre ! Contrairement aux grizzlys, ils abandonnent souvent face à une résistance farouche
- Utiliser tout ce qui peut servir d’arme : bâton, pierre, parapluie… ou vos pieds si vous êtes au sol !
C’est d’ailleurs le point 4 qui a sauvé notre héros des toilettes. L’ours noir asiatique n’est pas un prédateur humain par nature. Il attaque surtout par peur ou pour protéger ses petits. Une bonne dose d’agressivité de notre part suffit souvent à le faire fuir.
Une crise qui révèle des problèmes plus profonds
Au-delà de l’anecdote, cette vague d’attaques met en lumière plusieurs maux de la société japonaise actuelle.
D’abord, le vieillissement de la population rurale. Dans beaucoup de villages touchés, il ne reste presque plus de chasseurs actifs. Les jeunes sont partis en ville, les anciens ne peuvent plus suivre. Résultat : personne pour réguler la population d’ours, qui a explosé ces dernières années.
Ensuite, le réchauffement climatique. Les spécialistes sont formels : les variations extrêmes de température perturbent les cycles de fructification des arbres. Moins de glands = plus d’ours en bas des montagnes. Et ce n’est que le début.
Enfin, la cohabitation homme-animal dans un pays où la nature reprend ses droits sur des zones de plus en plus dépeuplées. Le Japon perd environ 500 000 habitants par an. Des villages entiers se vident. La forêt avance, les ours suivent.
Nous assistons à un retour brutal de la nature dans des espaces que l’homme avait conquis, puis abandonnés.
C’est une phrase que j’ai entendue plusieurs fois ces derniers mois et qui me reste en tête. Elle résume parfaitement la situation.
Et maintenant ?
Le gouvernement a promis des mesures d’urgence : renforcement des battues, installation de poubelles anti-ours, distribution de fusées de détresse dans les villages, campagnes d’information massives.
Mais beaucoup d’experts doutent que cela suffise. Tant que la démographie rurale continuera de s’effondrer et que le climat restera aussi instable, les conflits homme-ours risquent de se multiplier.
Certains proposent des solutions plus radicales : réintroduction de primes à la chasse, création d’unités spécialisées, voire translocation massive d’ours vers des zones moins peuplées (mais lesquelles ?). D’autres plaident pour une cohabitation apaisée : corridors écologiques, alimentation artificielle en altitude… Des idées qui divisent.
Une chose est sûre : l’histoire de cet homme qui a repoussé un ours à coups de pied dans des toilettes publiques entrera dans les annales. Elle symbolise à la fois le courage individuel et l’impuissance collective face à un phénomène qui nous dépasse.
La prochaine fois que vous irez aux toilettes dans une gare japonaise déserte, pensez à vérifier derrière la porte. On ne sait jamais. Et si un jour vous devez affronter un ours, souvenez-vous de ce sexagénaire de Gunma : parfois, un bon coup de pied bien placé suffit à rétablir l’équilibre entre l’homme et la bête.
Prenez soin de vous. Et respectez la nature… de loin, de préférence.
