Quand j’ai passé mon bac en 2008, tout le monde me répétait la même chose : « Si tu veux un vrai boulot, fais au moins bac +5. » Quinze ans plus tard, je croise des étudiants qui se posent exactement la même question… mais avec une pointe d’angoisse en plus. Parce qu’aujourd’hui, on entend partout que cinq ans d’études, c’est trop long, trop cher, et que l’intelligence artificielle va de toute façon tout balayer. Alors, franchement, le master vaut-il encore le coup ?
La France, championne incontestée du bac +5
On ne va pas se mentir : on adore les longues études chez nous. Les derniers chiffres montrent que plus d’un jeune Français sur quatre décroche un diplôme de niveau master. C’est énorme quand on compare avec nos voisins européens. Et la courbe continue de grimper, boostée notamment par l’explosion de l’alternance ces dernières années.
Ce goût pour le bac +5, il ne date pas d’hier. C’est presque culturel. Les parents poussent, les lycéens suivent, les entreprises recrutent… et le cercle vertueux (ou vicieux, selon le point de vue) tourne. Résultat : on forme plus de masters que beaucoup de pays, alors que le taux global de diplômés du supérieur n’est pas particulièrement plus élevé qu’ailleurs.
« On a cette tradition de valoriser le diplôme long, et tout le monde entretient le système sans vraiment se poser la question. »
– Un consultant spécialisé en éducation
Pourquoi tant de critiques soudaines ?
Cet automne, ça a été la déferlante. Éditorialistes, économistes, patrons : tout le monde y est allé de son couplet sur « l’inflation diplômante ». On nous explique que trop de masters tue le master, que ça coûte une fortune à la collectivité, que ça retarde l’entrée sur le marché du travail et même… que ça plombe la natalité (oui, on a tout lu).
Et puis il y a l’argument massue : l’intelligence artificielle. Selon certains, dans cinq ans, coder un rapport, faire une étude de marché ou rédiger une note juridique sera fait par une machine. Alors pourquoi perdre cinq ans à apprendre ça ?
Franchement, j’ai trouvé certains papiers un peu trop catégoriques. Parce que derrière les grands discours, la réalité est plus contrastée.
Ce que disent vraiment les chiffres (et pas seulement les mauvais)
Oui, il y a plus de masters. Oui, le marché de l’emploi cadre est tendu en ce moment. Mais non, le bac +5 n’est pas devenu un diplôme au rabais.
Premier point : le retour sur investissement reste excellent en France. Les diplômés du supérieur gagnent nettement mieux leur vie et, surtout, ils sont beaucoup moins au chômage. Le taux de chômage des 25-34 ans diplômés du supérieur tourne autour de 6 %. Pour les autres, c’est presque trois fois plus. Ça, c’est du concret.
- Prime salariale plus élevée qu’ailleurs en Europe
- Taux d’insertion pro toujours parmi les meilleurs
- Accès privilégié aux postes d’encadrement et de création de valeur
Deuxième point : les recruteurs n’ont pas changé d’avis. Quand une entreprise cherche un futur manager, un ingénieur ou un consultant, elle demande encore majoritairement un bac +5. L’alternance a même renforcé ça : les jeunes arrivent avec deux ans d’expérience pro en poche. Difficile de faire mieux comme CV.
L’éléphant dans la pièce : l’intelligence artificielle
Maintenant, parlons du vrai sujet qui fait peur : l’IA. Est-ce que dans cinq ou dix ans, un master vaudra encore quelque chose quand ChatGPT écrira mieux que nous ?
Ma réponse est nuancée. Oui, l’IA va bousculer pas mal de métiers, surtout les tâches répétitives ou analytiques des juniors. Mais non, elle ne va pas remplacer la capacité à comprendre un problème complexe, à manager une équipe ou à prendre des décisions stratégiques.
En réalité, les experts les plus sérieux disent la même chose : l’IA va surtout accélérer le besoin de compétences pointues et de formation continue. Traduction : ceux qui auront un bon bagage initial (donc un master solide) et qui sauront se former toute leur vie s’en sortiront très bien.
« L’IA est la première révolution technologique qui touche d’abord les cols blancs. Mais elle rend la formation initiale encore plus précieuse, pas moins. »
Le marché de l’emploi : la douche froide actuelle
Ceci dit, on ne va pas se voiler la face : trouver un premier emploi avec un master, c’est devenu plus dur. Les recrutements de jeunes cadres ont chuté de presque 20 % en deux ans. Beaucoup de diplômés galèrent, acceptent des jobs en-dessous de leurs compétences ou partent à l’étranger.
J’ai discuté avec Kylian, tout juste diplômé d’une grande école de commerce. Il pensait que son diplôme lui ouvrirait toutes les portes. Raté. En France, dans la tech, les postes juniors se font rares. Il a fini par signer chez un géant américain… à Dublin. « Ici, un bachelor suffit souvent. En France, on m’aurait demandé un master + 3 ans d’expérience pour le même poste », m’a-t-il confié.
Son cas n’est pas isolé. Beaucoup de jeunes font aujourd’hui le choix de l’expatriation temporaire, conscients que leur master français pèsera lourd le jour où ils rentreront.
Alors, faut-il encore faire cinq ans d’études ?
Ma conclusion personnelle, après avoir retourné le sujet dans tous les sens ? Oui, dans la grande majorité des cas, ça reste un excellent investissement. Mais à quelques conditions.
- Choisir une filière qui recrute (sciences, ingénierie, santé, management…)
- Privilégier l’alternance dès que possible
- Se construire un vrai réseau et des expériences concrètes
- Accepter que le premier job ne sera peut-être pas le job rêvé
- Et surtout : ne jamais arrêter d’apprendre après le diplôme
Le bac +5 n’est plus une garantie absolue d’emploi à vie, c’était déjà le cas avant d’ailleurs. Mais il reste un passeport puissant dans un monde où la complexité augmente chaque jour.
Après, si votre rêve c’est de lancer votre boîte à 22 ans ou de devenir développeur autodidacte, rien ne vous oblige à faire cinq ans. Mais pour la majorité des parcours « classiques » vers des postes intéressants et bien payés, le master reste la voie royale. Au moins pour encore quelques années.
Et vous, vous en pensez quoi ? Le master, vous le feriez aujourd’hui ? Dites-moi tout en commentaire, ça m’intéresse vraiment.
