Vous êtes tranquillement en train de siroter votre bière d’avant-match, l’excitation de la Ligue 1 qui monte, et d’un coup… vos propres supporters se mettent sur la tronche. Franchement, qui a besoin d’adversaires quand on arrive à se saborder tout seul ? C’est exactement ce qui s’est passé dimanche au Stade Océane, lors de Le Havre – Paris FC. Une scène surréaliste qui laisse tout le monde pantois.
Je ne vais pas vous refaire le match (il était d’ailleurs plutôt calme sur le terrain, 0-0 à la mi-temps au moment où j’écris), mais l’avant-match, lui, a été explosif. Et pas contre les supporters havrais, non. Entre eux. Entre deux groupes historiques du Paris FC pourtant censés défendre les mêmes couleurs.
Quand la passion dépasse les limites : retour sur les faits
Vers 16h30, dans le parcage visiteurs, ça chauffe sévère. Une rivalité ancienne entre les Old Clan et les Ultras Lutetia éclate au grand jour. Au départ ? Une histoire de banderole, paraît-il. Oui, vous avez bien lu : une toile tendue avec un slogan ou un logo qui ne plaît pas à tout le monde. En quelques secondes, ça part en bagarre générale.
Les stadiers, dépassés au début, finissent par intervenir en nombre. Bilan : une vingtaine de personnes – majoritairement issues du groupe Old Clan – sont sorties du stade, certaines menottées, d’autres simplement éloignées pour calmer le jeu. Le match, lui, a démarré à l’heure. Comme si de rien n’était. Surréaliste.
« Les équipes du club, en coordination avec les services de sécurité du stade et les autorités compétentes, ont immédiatement pris les mesures nécessaires pour sécuriser la zone. »
Communiqué officiel du Paris FC, publié en début de soirée
Phrase lisse, propre, corporate. On sent la volonté de minimiser. Mais entre nous, quand tu évacues vingt de tes propres supporters avant même le coup d’envoi, c’est que ça sent le roussi.
Old Clan vs Ultras Lutetia : une guerre fratricide qui dure
Pour comprendre, il faut remonter un peu. Les deux groupes ne datent pas d’hier. Les Old Clan, c’est la vieille garde, ceux qui étaient là dans les années 90-2000 quand le Paris FC végétait en divisions amateurs. Un état d’esprit très « quartier », très Charléty, très roots.
Les Ultras Lutetia, plus récents (créés autour de 2010-2011), ont une approche différente : plus structurée, plus « à l’italienne », avec capo, chants synchronisés, tifos gigantesques. Deux visions de ce que doit être le supportérisme qui cohabitent… tant bien que mal.
Et là, je vais être honnête : j’ai toujours trouvé ça fascinant et en même temps tellement triste. Parce que finalement, ces mecs partagent la même passion. Ils portent le même maillot. Ils chantent pour la même équipe. Et pourtant, ils en viennent aux mains pour des questions d’ego, de territoire dans le parcage ou de « qui a le droit de déployer quoi ».
- Différence de génération
- Vision divergente du rôle de l’ultra
- Concurrence sur les animations et les tifos
- Histoire de « légitimité » dans le virage
Tous les ingrédients d’une recette explosive qu’on retrouve malheureusement dans pas mal de clubs en France.
Ce n’est pas la première fois… et sûrement pas la dernière
Flashback. Il y a un an presque jour pour jour, en décembre 2024, lors d’un match de Ligue 2 contre Rodez à Charléty, c’était déjà le bordel entre groupes du Paris FC. Bilan : plusieurs blessés, dont certains à l’arme blanche. Oui, vous avez bien lu. Des couteaux. Au stade. Entre supporters du même club.
À l’époque, le club avait promis des mesures fortes. Interdiction de déplacement pour certains, dissolution menace, dialogue relancé… On connaît la chanson. Et un an plus tard, on remet ça au Havre. Comme si rien n’avait été appris.
On peut se poser la question : est-ce que les clubs ont vraiment les moyens (et surtout la volonté) de régler ces problèmes en interne ? Parce que sanctionner après coup, c’est bien. Prévenir, c’est mieux.
La banderole, prétexte ou vraie cause ?
Officiellement, tout serait parti d’un désaccord sur une banderole. Mais soyons sérieux deux minutes. Une bagarre qui nécessite l’évacuation de vingt personnes pour… un bout de tissu ? J’ai du mal à y croire.
Dans le milieu ultra, la banderole, c’est sacré. C’est un symbole d’identité, de territoire. Quand un groupe veut en déployer une qui critique (même subtilement) un autre groupe ou qui rappelle une vieille embrouille, ça peut mettre le feu aux poudres. Et parfois, c’est justement l’objectif : provoquer pour asseoir sa domination dans le kop.
Je ne dis pas que c’est ce qui s’est passé. Mais ça sent quand même la provocation organisée. Un peu comme si certains avaient envie que ça pète pour « régler des comptes » loin des caméras de Charléty.
Le rôle du club : entre communication et inaction
Le communiqué du Paris FC est arrivé tard dans la soirée. Très (trop) prudent. On sent la volonté de ne froisser personne, de ne pas jeter d’huile sur le feu. Mais en même temps, cette prudence peut être interprétée comme une forme de lâcheté.
Parce que mine de rien, le club vit aussi grâce à ses ultras. Les animations, l’ambiance, les tifos qui font parler sur les réseaux… Tout ça, c’est eux. Alors on ferme les yeux tant que ça ne déborde pas trop. Sauf que là, ça a débordé. Et pas qu’un peu.
Je pose la question sans détour : jusqu’à quand va-t-on tolérer que des groupes violents dictent leur loi dans les stades ? Parce que oui, il y a de la violence. Et elle est organisée.
Et les supporters « normaux » dans tout ça ?
Ce que j’oublie jamais, c’est le père de famille qui vient avec son gamin voir le match. La grand-mère qui suit le PFC depuis 40 ans. Le mec qui a fait 500 bornes pour voir son équipe. Eux, ils n’ont rien demandé.
Ils payent leur place, parfois cher, et se retrouvent au milieu d’une ambiance électrique où la peur remplace la fête. Combien de supporters « lambda » vont se dire, après ça, « allez, j’irai plus au stade, trop risqué » ? C’est ça, le vrai drame.
Le football populaire est en train de mourir doucement à cause de minorités ultra-violentes que personne n’ose vraiment affronter. Et c’est valable pour le Paris FC comme pour beaucoup d’autres clubs.
Que faire maintenant ? Quelques pistes concrètes
- Dialogue obligatoire et encadré entre tous les groupes, avec médiateurs indépendants
- Interdiction de déplacement systématique en cas de récidive grave
- Responsabilisation financière : amendes lourdes pour les groupes impliqués
- Retrait des avantages (places gratuites, matériel, locaux) pour les associations fautives
- Renforcement des fouilles et de la vidéosurveillance ciblée dans les parcages
Ça paraît dur ? Peut-être. Mais quand on en arrive à évacuer ses propres supporters avant un match, c’est que les mesurettes ne suffisent plus.
Une réflexion plus large sur la culture ultra en France
On idéalise souvent les ultras. Les tifos magnifiques, les chants qui font vibrer, l’ambiance à l’anglaise ou à l’italienne qu’on envie tant. Mais il y a l’autre face. Celle qu’on montre moins. Celle des embrouilles, des règlements de comptes, des violences gratuites.
Et le Paris FC, club historique, club de cœur pour beaucoup de Parisiens qui ne supportent pas le PSG, mérite mieux que ça. Il mérite une ambiance familiale le samedi soir à Charléty, pas des bagarres générales tous les six mois.
Ce qui s’est passé au Havre, ce n’est pas qu’un « incident regrettable ». C’est un signal d’alarme. Un de plus. Espérons que cette fois, on l’écoute vraiment.
Parce que sinon, un jour, il sera trop tard. Et on pleurera tous la mort du football populaire qu’on aimait tant.
Allez le PFC. Mais un PFC apaisé, uni, et fier. Pas divisé et violent.
