Vous est-il déjà arrivé d’assister à une fête qui tourne au vinaigre en quelques secondes ? Hier soir, à Furiani, c’était exactement ça.
Le SC Bastia fêtait ses 120 ans, une nouvelle tribune toute neuve venait d’être inaugurée après dix-huit mois de travaux, 12 000 supporters avaient fait le plein pour pousser leur équipe… et puis, à la 56e minute, un imbécile a cru bon de balancer un fumigène depuis les tribunes. Résultat : le défenseur du Red Star, Bradley Danger, prend le projectile en plein bras et le match est définitivement arrêté. Rideau.
Franchement, on reste sans voix. Ou plutôt si, on a envie de hurler.
Une soirée qui avait tout pour être historique
Remettons les choses dans leur contexte. Le Sporting Club de Bastia traverse une saison cauchemardesque : bon dernier de Ligue 2, série noire de résultats, ambiance pesante. Alors le club avait mis le paquet pour transformer ce match contre le Red Star en vraie célébration populaire.
Nouvelle tribune Est flambant neuve, spectacles d’avant-match, maillots spéciaux, discours émouvants sur l’histoire centenaire… Tout était réuni pour que la soirée reste gravée dans les mémoires comme un moment de fierté corse. Et en tribunes, l’ambiance était électrique, dans le bon sens du terme.
Pendant cinquante-cinq minutes, on a même eu droit à un match plutôt équilibré. 0-0, mais du rythme, des occasions de part et d’autre, un Red Star troisième qui jouait crânement sa chance face à une équipe bastiaise qui semblait enfin libérée.
Le geste qui gâche tout
Et puis arrive cette fameuse 56e minute. Corner pour Bastia, la tribune derrière le but s’enflamme (littéralement). Parmi les dizaines de fumigènes allumés pour l’anniversaire, l’un d’eux quitte les mains d’un supporter et file droit sur la pelouse.
Bradley Danger, défenseur central du Red Star, se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. Le fumigène le touche au bras droit. Les images sont assez impressionnantes : on voit clairement la brûlure, le joueur qui grimace, qui se tient le bras, qui finit par s’écrouler.
« Le règlement est très clair : quand un joueur est victime d’un projectile et qu’il ne peut plus continuer, le match est définitivement arrêté. »
L’arbitre Pierre Gaillouste, en conférence de presse express
L’arbitre n’a pas hésité longtemps. Interruption immédiate, les deux équipes rentrent aux vestiaires, réunion de crise avec le délégué et les autorités. Vingt minutes plus tard, la sentence sans appel : match arrêté. Le stade se vide dans un silence de cathédrale.
Bradley Danger, la victime collatérale
Le joueur du Red Star a été pris en charge immédiatement par les secours. Brûlure au deuxième degré d’après les premières informations, rien de dramatique pour sa carrière mais suffisamment sérieux pour qu’il ne puisse pas reprendre.
Ce qui frappe, c’est la dignité du Red Star dans cette histoire. Le club audonien, pourtant privé d’un match qu’il tenait bien (0-0 à l’extérieur contre la lanterne rouge, c’est plutôt un bon résultat), a publié un communiqué exemplaire : condamnation ferme de l’acte, soutien total à son joueur, et même un mot pour les supporters bastiais et pour la fête qui était prévue.
Classe. Vraiment.
Bastia au bord du gouffre
Pour le SC Bastia, c’est la douche froide, version iceberg. Le président Claude Ferrandi, la voix brisée au micro, n’a pas caché sa détresse :
« C’était la fête. On avait tout mis en place… et tout est anéanti. On sait que les sanctions vont tomber, c’est très compliqué. »
Et il a raison d’être inquiet. Le club corse traîne déjà un casier disciplinaire long comme le bras ces dernières saisons. Huis clos, retraits de points, amendes à répétition… Là, on parle d’un projectile ayant atteint un joueur. La commission de discipline de la LFP risque de frapper très fort.
- Match perdu sur tapis vert (probable 3-0 contre Bastia)
- Retrait de points (entre 1 et 4, voire plus
- Huis clos total ou partiel longue durée
- Amende conséquente
- Interdiction de déplacement des supporters
Quand on sait que Bastia est déjà lanterne rouge avec huit points de retard sur le barragiste, on se dit que la descente en National semble inéluctable. Et cette fois, le club n’aura même pas l’excuse du terrain.
Un problème récurrent qui gangrène le foot français
Soyons honnêtes : ce n’est pas la première fois qu’on voit ça. Lyon-Dinamo Zagreb en 2024, Nice-Cologne, Marseille-Galatasaray, les incidents de Montpellier-Clermont l’an dernier… La liste est longue et épuisante.
À chaque fois le même scénario : un club organise une belle fête, quelques crétins décident de tout foutre en l’air, et c’est tout un peuple de supporters qui paie l’addition. Parce que oui, les 11 999 supporters bastiais qui ont applaudi à la fin et qui ont vidé le stade calmement, eux aussi vont morfler.
On parle beaucoup de la passion méditerranéenne, du tempérament corse, etc. Mais là, on touche le fond. Lancer un fumigène sur un joueur, c’est pas de la passion, c’est de la connerie pure et dure.
Et le pire, c’est que tout le monde sait que les sanctions collectives ne résolvent rien. Elles punissent les clubs, les vrais supporters, mais rarement les vrais responsables. On identifie jamais les lanceurs, ou presque. Résultat : l’impunité continue, et le cercle vicieux perdure.
Et maintenant ?
La commission de discipline se réunira probablement dans les quinze jours. En attendant, Bastia va devoir préparer son prochain match dans un climat délétère. Le Red Star, lui, récupérera probablement les trois points, ce qui confortera sa belle troisième place.
Mais au-delà du sportif, c’est tout un modèle qu’il faut repenser. Caméras haute définition, reconnaissance faciale, interdiction de fumigènes (même pour les anniversaires), stadiers mieux formés, sanctions individuelles systématiques… Il va falloir innover, et taper fort.
Parce que sinon, on va continuer à voir des soirées magnifiques se transformer en cauchemars. Et ça, franchement, on commence à en avoir assez.
Le football corse mérite mieux que ça. Le football français mérite mieux que ça. Et Bradley Danger, qui n’avait rien demandé à personne, méritait surtout de finir son match tranquillement.
Allez, on croise les doigts pour que cette énième claque serve enfin de déclic. Parce que là, on touche vraiment le fond.
