Imaginez-vous face à un adversaire qui ne craque jamais. Peu importe la violence du choc, l’intensité du match, il reste debout, impassible, comme si rien ne pouvait l’atteindre. C’est exactement cette sensation qu’a ressentie Benjamin Kayser en croisant la route de Richie McCaw sur les terrains de rugby. L’ancien talonneur international, qui a porté les couleurs de plusieurs grands clubs, n’hésite pas à comparer le légendaire capitaine des All Blacks à un véritable Terminator. Une image forte qui résume à elle seule l’aura de ce joueur hors norme.
À travers une longue interview, Kayser revient sur les moments qui ont marqué sa carrière riche en émotions. Des coéquipiers géniaux aux adversaires terrifiants, en passant par les soirées mémorables et les déceptions qui laissent des cicatrices. On plonge dans les coulisses d’un sport où la résilience mentale compte autant que la force physique.
Les souvenirs d’un talonneur qui a tout vécu
Benjamin Kayser a connu une trajectoire impressionnante. Passé par le Stade Français, Leicester, Castres et surtout Clermont, il a côtoyé des personnalités fortes et des talents exceptionnels. Trente-sept sélections avec le XV de France, deux titres de champion de France, un championnat d’Angleterre… Son palmarès parle pour lui. Mais ce sont souvent les rencontres humaines qui restent gravées le plus profondément.
Le coéquipier le plus doué : un Argentin magique
Quand on lui demande qui était le joueur le plus talentueux avec qui il a évolué, Kayser n’hésite pas longtemps. En 2007, au Stade Français, un certain Juan Martin Hernandez impressionnait tout le monde. Ce génie argentin semblait tout faire avec une facilité déconcertante.
Il avait une technique incroyable, un jeu au pied exceptionnel, des mains en or et une défense impressionnante. En plus, il débordait de classe, de courage et de professionnalisme.
Hernandez avait ce petit défaut, selon certains, de préférer jouer ouvreur alors qu’il était considéré comme le meilleur arrière du monde à l’époque. Mais sur le terrain, il marchait littéralement sur l’eau. Kayser se souvient aussi d’autres joueurs qui brillaient sous pression, comme Morgan Parra ou Christophe Dominici. Plus le match était important, plus ils élevaient leur niveau. Un trait de caractère rare et précieux.
Richie McCaw, l’adversaire qui vous vide de l’intérieur
Mais s’il y a un nom qui revient avec une intensité particulière, c’est bien celui de Richie McCaw. Le troisième ligne néo-zélandais, double champion du monde et trois fois élu meilleur joueur de la planète, a laissé une empreinte indélébile chez tous ceux qui l’ont affronté.
C’était un Terminator qui absorbait ton âme et ta confiance en toi. Tu pouvais le percuter de toutes tes forces, il ne montrait jamais la moindre souffrance.
Benjamin Kayser
Cette capacité à rester impassible, même après un plaquage monstrueux, démoralisait les adversaires. Kayser raconte cette séquence célèbre où Yoann Maestri avait envoyé un énorme déblayage sur McCaw lors d’un test-match en 2013. Tout le monde pensait que le Néo-Zélandais allait rester au sol. Eh bien non. Il s’est relevé comme si de rien n’était. Un vrai cyborg, selon les Français du moment. Cette résilience mentale était terrifiante.
Kayser place aussi Thierry Dusautoir dans cette catégorie des joueurs qui ne lâchent rien. Une qualité rare qui fait la différence au plus haut niveau.
Il rend également hommage aux talonneurs solides comme Keven Mealamu, capable de tenir les bases en mêlée avec une régularité impressionnante. Des joueurs propres, costauds, qui font le sale boulot sans jamais chercher les projecteurs.
Les personnalités les plus déjantées du vestiaire
Le rugby, ce n’est pas que du sérieux. Il y a aussi ces personnages hauts en couleur qui rendent les semaines d’entraînement plus légères. Kayser n’a pas de mal à en citer quelques-uns.
Martin Castrogiovanni, rencontré à Leicester, était une véritable tornade. Un géant au cœur d’enfant, capable de transformer n’importe quelle situation en moment comique. Même une simple gorgée de boisson énergisante pouvait devenir un défi à finir cul sec avec lui. Un personnage attendrissant qui manque sans doute à tous ses anciens coéquipiers.
Sylvain Marconnet, au Stade Français, était du même acabit. On pourrait remplir un livre entier avec leurs anecdotes. Plus récemment, à Clermont, Paul Jedrasiak apportait une touche artistique avec ses talents de chanteur et de danseur. Kayser se souvient lui avoir lancé un défi complètement fou : cent pompes dans une chambre d’hôtel la veille d’un match européen. Le genre de pari qu’on ne refuse pas dans ce milieu.
Et puis il y a Daniel Kotze, capable de nettoyer sa piscine en combinaison de plongée complète. Des détails qui font sourire et qui montrent à quel point le rugby est peuplé de caractères uniques.
La bringue légendaire après le titre de 2017
Parmi tous les souvenirs festifs, un se détache clairement. Celui du titre de champion de France avec Clermont en 2017. Après une finale gagnée, l’équipe s’était retrouvée dans un hôtel parisien près de la gare Montparnasse. La soirée a vite dérapé vers la célèbre rue Princesse, surnommée la rue de la Soif.
Le lendemain, direction Clermont pour les célébrations officielles place de Jaude. Des milliers de supporters en jaune, une ambiance indescriptible. Kayser, avec sa fille aînée sur les épaules, garde un souvenir ému de ce moment familial au milieu de la foule. Et puis cette scène incroyable : une centaine de fans qui se mettent à chanter son nom dans une ruelle adjacente. Des frissons garantis.
Sa femme était enceinte de sept mois à l’époque. Un mélange parfait entre joie collective et émotion personnelle.
Les finales perdues qui laissent des traces
Le revers de la médaille, ce sont ces finales qui vous hantent longtemps. Kayser en a perdu cinq en Coupe d’Europe. Cinq occasions manquées de décrocher le graal continental.
La plus douloureuse reste probablement celle de 2013 contre Toulon, à Dublin. Une rencontre où Clermont était largement supérieur sur le papier, mais où Toulon n’a jamais abdiqué. Un score cruel de 16-15 qui tourne encore dans la tête de l’ancien talonneur. Il l’a revue des dizaines de fois, cherchant l’erreur fatale.
La dernière, en 2017 contre les Saracens, avait une saveur particulière. Emotionnellement dévastatrice. Kayser pensait, peut-être un peu égoïstement, mériter ce titre plus que d’autres. Quelques semaines plus tard, le Brennus venait effacer une partie de la douleur.
Les entraîneurs qui ont façonné une carrière
Derrière chaque grand joueur, il y a souvent des coaches marquants. Pour Kayser, plusieurs noms ressortent.
Fabien Galthié, d’abord, pour lui avoir donné sa chance en équipe de France. Un génie stratégique, même si leur relation n’a jamais été très proche. Richard Cockerill, qui l’a fait venir à Leicester. Une décision qui a changé sa carrière.
Mais celui qui l’a peut-être le plus touché, c’est Vern Cotter à Clermont. L’entraîneur néo-zélandais lui a tendu la main d’une manière unique.
Il m’a dit : “Tu n’as pas besoin de gagner ma confiance, je te la donne. À toi de ne pas la perdre.” Cette phrase m’a donné une envie folle de ne jamais le décevoir.
Franck Azéma et Yannick Bru complètent le tableau. Chacun a apporté quelque chose de différent, techniquement ou humainement.
Une anecdote jamais racontée… jusqu’à aujourd’hui
Il y a aussi ces histoires qu’on garde pour soi pendant des années. Juste avant un retour en équipe de France en 2012, l’équipe de Clermont sort victorieuse à Agen. Pour fêter ça, direction Toulouse pour un dîner… qui se transforme en nuit blanche mémorable.
Le problème ? Le restaurant choisi appartenait à un certain William Servat, légende du rugby français. Inutile de dire que la soirée a duré jusqu’aux petites heures. Arrivés en piteux état à Paris, les joueurs se sont fait sermonner par Philippe Saint-André. Yannick Bru leur a même lancé un ultimatum : briller à l’opposition ou rentrer chez eux.
Résultat ? Une séance physique intense pour faire passer la gueule de bois, puis une opposition où les Clermontois ont tout écrasé. Wesley Fofana a marqué une dizaine d’essais à lui seul. La tournée s’est soldée par trois victoires convaincantes. Preuve que parfois, une nuit agitée peut motiver encore plus.
La vie après les crampons
Benjamin Kayser a raccroché les crampons en 2019, après une dernière finale de Top 14 perdue contre Toulouse. Des problèmes aux cervicales l’ont poussé à arrêter pour raisons médicales. Direction l’Angleterre avec femme et enfants, pour un MBA à Oxford.
Entrepreneur dans l’âme, il a cofondé un fonds d’investissement qui met le sport de haut niveau au service de l’innovation. Des investisseurs prestigieux, tous issus du monde sportif, participent à l’aventure. En parallèle, il partage son expertise comme consultant pour différentes chaînes.
Une reconversion réussie pour un joueur qui a toujours su rebondir. Comme quoi, la résilience apprise sur les terrains sert aussi hors des pelouses.
Ce genre de témoignage rappelle pourquoi on aime autant le rugby. Pas seulement pour les essais spectaculaires ou les plaquages monstrueux, mais pour ces histoires humaines qui se cachent derrière chaque maillot. Kayser nous offre un regard sincère et touchant sur une carrière bien remplie. Et surtout, il nous rappelle que certains joueurs, comme Richie McCaw, marquent à jamais ceux qui les ont affrontés.
Et vous, quel est le joueur qui vous a le plus impressionné, que ce soit par son talent ou par sa mentalité ? Le rugby regorge de ces légendes qui continuent de nous faire vibrer, même des années après.
